GRAND TERRE TOUR A - Partie V. Chap. 16 dernier

Publié le 7 Mars 2022

GRAND TERRE TOUR A - Partie V. Chap. 16 dernier

16.

À suivre

 

Quelques mois après, le nombre d’enfants admis dans la crèche a augmenté. Il a fallu transformer, également, l’appartement de la mère de Zahra en une seconde crèche. L’activité y est gérée par cette mère et Zahia, tandis que dans l’appartement de Karim, sa mère et Zahra s’occupent des enfants. Ce choix fut justifié ainsi : mettre ensemble Zahia et la mère de Zahra, d’un coté, et de l’autre, Zahra et la mère de Karim, cette solution encourage la cohésion entre les quatre membres pour les constituer en une espèce d’unique famille.

Sous la direction affectueuse et attentive de Zahra, les trois autres femmes sont heureuses d’exercer leur activité éducatrice. Les mères de Zahra et de Karim semblent rajeunies d’une dizaine d’années. Oui ! Certains malheurs, intelligemment affrontés, favorisent un épanouissement jusque là bloqué. En particulier, la mère de Karim, désormais, veille à teindre ses cheveux avec du henné, leur donnant un couleur rouge flamboyante. Quant à Zahia, elle prête plus d’attention à ses habits, à sa coiffure et à son maintien. Son visage a repris une certaine gaieté.

Un jour, la mère toute contente de Zahia lui déclara :

- Ces enfants sont une bénédiction que Dieu nous a envoyés !

- Oui ! confirme Zahia. J’aime beaucoup ces enfants ! Ils sont notre joie ! Merci infiniment à la Miséricorde de Dieu Tout Puissant !

Zahra, elle aussi, a changé. La beauté de son visage est rehaussée par de vives couleurs, signes du plaisir de vivre. Un soir, elle avoue à son mari :

- Pour la première fois, je me sens utile !… Et c’est merveilleux ! Merveilleux !

Karim réplique :

- Comme quoi, tout est possible à la personne qui, ne se résignant pas, a le courage de chercher et l’intelligence de trouver la bonne solution.

La collaboration entre les quatre femmes est excellente. De la part de Zahra, la « chef » gestionnaire, pas la moindre manifestation de comportement autoritaire ou « supérieur ». Elle a trop souffert de la domination exercée par d’autres sur elle, d’une manière ou d’une autre, pour éprouver le désir de devenir, à son tour, une dominatrice. Son comportement totalement coopératif et égalitaire est très apprécié par ses trois collaboratrices.

Un soir, alors que Karim dîne avec sa famille élargie, il déclare :

- En réalité, votre crèche est autogérée !

- Qu’est-ce veut dire ? demande la mère de Karim.

- Qu’il n’y a pas un patron et des salariés, mais uniquement vous quatre sur le même pied d’égalité, fournissant le travail selon vos possibilités personnelles, et recevant la même gratification.

- Je voudrais, ajoute Zahra, que cette autogestion soit élargie aux petits enfants. Eux aussi ont le droit à la parole concernant la crèche et ses activités, exprimer librement leurs désirs, formuler leurs propositions, discuter avec nous de manière paritaire. Ils ont besoin d’apprendre de nous comme nous avons besoin d’apprendre d’eux.

- C’est vrai, intervient Zahia. Quand j’étais petite, à l’école primaire, j’ai beaucoup souffert, parce que la maîtresse se contentait de nous donner des ordres, avec sévérité, sans jamais nous permettre de poser des questions, encore moins d’exprimer nos désirs. « Obéissez et c’est tout ! » affirmait-elle. Une fois, au cours de religion islamique, j’ai demandé : « Maîtresse ! Pourquoi Dieu a fait non seulement les bons mais, aussi, les méchants ? » Elle m’a regardée de travers en criant : « Question idiote ! Ne pose jamais de question ! Tu n’es qu’une enfant ! Il te suffit de faire ce que ta maîtresse te dit, sinon à quoi sert la maîtresse ? » Elle nous faisait très peur. Son visage n’exprimait que le mépris et le mécontentement. Je sentais très bien qu’elle était avec nous uniquement pour le salaire qu’elle recevait, qu’elle ne nous aimait pas. Et je pensais qu’elle ne s’aimait pas non plus. Car peut-on s’aimer quand on n’aime pas des enfants ? »

Karim contemple avec une profonde satisfaction tour à tour Zahia, sa mère, celle de Zahra et cette dernière. Ensuite, pensant au peuple au sein duquel il vit, il se dit à lui-même : « Il reste tellement à faire. »

C’est alors que surgit le miracle : le vingt-deux février 2019, le peuple se soulève dans toutes les villes d’Algérie, exigeant la fin du système mafieux de l’oligarchie qui le domine, pour le remplacer par un système social au bénéfice du peuple. Mais c’est là une autre histoire, à raconter en temps opportun. Sans oublier que chacun des personnages évoqués dans la présente narration, et d’autres personnages non cités de la Tour A, méritent individuellement un roman. Malheureusement, l’époque n’est pas celle où, en Chine, se publiaient des romans en une vingtaine et plus de volumes. À présent, un auteur est déjà chanceux quand son texte, bien que se limitant au strict indispensable, est lu jusqu’à son terme.

Fin.

Publié in

https://tribune-diplomatique-internationale.com/romangrande_terretour_akadour_naimipartie_v-9/

 

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #NOUVELLE-ROMAN, #EDUCATION-CULTURE, #PEUPLE-DEMOCRATIE, #AUTOGESTION

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