Le match que les Algériens n’ont encore pas gagné !
Publié le 24 Octobre 2019
Étrange peuple !… Son équipe nationale de football obtient une belle victoire, cependant après une vingtaine d’années d’effort, mais félicitations à l’équipe !… Quelle liesse bien conquise !
Mais pourquoi ce « One, two, tree, viva l’Algérie ! » ?… Trois mots en anglais, la langue des ex-coloniaux et des actuels néo-coloniaux ; un mot espagnol, celui d’une ex-oligarchie coloniale ; et, enfin, un mot français, de l’ex-oligarchie colonisatrice de l’Algérie… Mais, au contraire, aucun mot du peuple ! Absolument aucun !… J’ignore ce qu’il en est dans la partie amazighe du pays, en ce qui concerne ce slogan.
De par le monde, a-t-on vu un peuple chanter une victoire sportive en employant d’autres mots que ceux qu’ils parlent dans sa vie courante ?… Voir des Algériens chanter l’Algérie mais pas dans leur langue quotidienne, est-ce normal ?…
N’est-ce pas là une défaite honteuse dans le domaine linguistique ?… Mais pourquoi pas « Ouhad, zouj, talata, tahhya al jazaïr ! » ? Et l’équivalent en tamazight ?… Ces expressions dans les langues populaires sont-elles si méprisables ?… Que des ex-colonisateurs ou nouveaux néo-colonisateurs le pensent, c’est dans leur infâme nature. Mais le peuple algérien, peut-il tomber dans une si basse aliénation néo-coloniale, d’autant plus qu’il est légitimement fier de son algérianité ?
Un peuple qui n’est pas capable d’employer sa langue maternelle, sa langue de communication quotidienne, pour fêter une victoire, quel peuple est-il ? Plus exactement, quel est la nature de son psychisme ? Plus précisément encore, s’est-il libéré de l’aliénation linguistique que lui ont imposé, d’une manière directe ou indirecte, des oligarchies ex-coloniales ou néo-coloniales ?
A qui la faute ?… D’abord aux intellectuels et aux politiciens algériens, partisans du français comme « trésor de guerre » ou de l’arabe classique moyen-oriental comme « retour aux sources ». A ce sujet, un essai fut publié, sans avoir eu absolument aucun écho (1). Combien d’intellectuels algériens savent que les langues anglaise, française, espagnole et française ont été littéralement créées par un groupe restreint d’intellectuels ? Ls eurent la liberté d’esprit, l’intelligence et le courage de renoncer à la langue oligarchique dominante de l’époque, le latin, et, s’intéressant uniquement aux langues vernaculaires respectives, ils démontrèrent à la caste des pharisiens de l’époque que les langues populaires sont susceptibles de développement jusqu’à devenir des langues à part entière. Ce qui se réalisa.
Dans le passé, j'eus la grande surprise de lire un très intéressant article. Parlant de « tentative de meurtre contre culture populaire », il commençait ainsi : « Qu'aurait été l'Algérie si on avait osé institutionnaliser le dialecte algérien au lendemain de l'indépendance ? Peut-être une grande nation. » (2)
En effet, c’est ainsi que devinrent grandes les nations qui osèrent institutionnaliser leur dialecte national comme langue à part entière. Ainsi, ils montrèrent leur légitime fierté nationale, autrement dit leur indépendance linguistique, et le redevable respect de leur peuple.
A ce sujet, que penser de ce ministre algérien qui, voilà peu de temps, osa déclarer de remplacer, en Algérie, le français par… l’anglais ?
Alors, est-il encore possible de rêver à une victoire linguistique du peuple algérien ? Où est l’équipe d’intellectuels algériens qui oseront offrir au peuple algérien cette victoire linguistique, nettement plus positive qu’une victoire sportive ?
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(1) « Défense des langues populaires : le cas algérien », librement disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-defense_langues_populaires.html
(2) Que l’auteur m’excuse, je n’ai pas retrouvé la référence concernant la citation.
Publié sur Algérie Patriotique (21.07.2019).