Publié le 15 Décembre 2019

Les conditions pour une victoire u Mouvement populaire algérien

Vingt-quatre siècles auparavant, un stratège chinois, Zun Tse, rédigea un court mais très précieux essai intitulé « L’art de la guerre » (1). Il énonçait les règles de la défaite et de la victoire. L’une de ces règles est la suivante : connaître non seulement les faiblesses de l’adversaire, mais également ses forces, et connaître non seulement les propres forces mais également les propres faiblesses. Si l’une de ces conditions manque à la connaissance, l’action risque d’échouer.

Venons en donc à l’intifadha (soulèvement) populaire algérienne actuelle.

Ne constate-t-on pas que la connaissance de ses propres forces est proclamée (parfois même en les exagérant, en prenant ses désirs pour des réalités), mais pas ses faiblesses ou pas suffisamment (parfois même en refusant de les voir et de les admettre) ?… Une objection affirme : mettre l’accent sur les faiblesses du Mouvement populaire risque de le décourager. C’est vrai. Mais parler uniquement de ses forces en occultant ses faiblesses, n’est-ce pas un risque plus grand de voir le Mouvement populaire échouer ?

En reflet à cette évaluation de l’intifadha populaire, voyons celle relative à l’adversaire de ce Mouvement. Ne constate-t-on pas qu’à son sujet, l’accent est mis sur ses faiblesses (jusqu’à les exagérer), mais pas sur ses forces (jusqu’à les sous-estimer) ?… En effet, depuis le 22 février 2019, date du surgissement de l’intifadha populaire, ses partisans ne cessent d’annoncer sa capacité de faire écrouler dans les prochains jours l’oligarchie régnante, alors qu’elle est encore à son poste, et même semble se renforcer institutionnellement avec son « Président »… Cet optimisme non confirmé par la réalité ne risque-t-il pas de se transformer en pessimisme réel, décourageant les participants aux marches populaires ?

Dès lors, pour contribuer au succès de l’intifadha populaire, n’est-il pas indispensable, vital, très urgent d’examiner et de connaître suffisamment tous les aspects du problème, sans en exclure aucun, tels qu’exposés par Zun Tse ?… C’est ce que l’auteur de ces lignes s’est efforcé à considérer, dès le début (2), et continuera à considérer.

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(1) Cet ouvrage est étudié dans toutes les académies militaires du monde, dignes de ce nom, y compris aux États-Unis. Librement accessible ici : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Art_de_la_guerre

(2) Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/

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Publié sur

Algérie Patriotique (14.12.2019) et La Tribune Diplomatique Internationale (14.12.2019).

 

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 11 Décembre 2019

Vote symbolique à Melun - France. D.R.

Vote symbolique à Melun - France. D.R.

Des vidéos ont permis de constater le comportement de nos compatriotes à l’étranger. À Marseille, ils ont déposé un bac à ordure comme symbole de refus de participer au vote décidé par l’autorité étatique (1).

Par contre, à New York (2), des Algériens ont organisé un vote alternatif. Sur le trottoir du consulat d’Algérie, ils votaient des candidats choisis par eux, de manière ouverte, en déposant leur bulletin dans une urne de verre. À Berlin, ils ont également organisé un vote symbolique, organisé librement par des compatriotes (3).

Quelle leçon en tirer ?… Que l’action positive de New York et de Berlin est infiniment plus significative et plus efficace que la réaction négative de Marseille. Dès lors, en Algérie, quelle serait le comportement le plus indiqué : rester chez soi et ignorer les bureaux de vote, ou, plutôt, organiser un vote parallèle libre devant les bureaux officiels ? Et cela, bien entendu, de manière pacifique, ordonnée, dans le respect des personnes choisissant d’aller voter dans les locaux officiels, car l’empêchement physique risquerait d’être, d’une part, réprimé par l’autorité étatique, et, d’autre part, réprouvé par des citoyens partisans de l’application de la règle démocratique pour une minorité.

Ajoutons dans le cas d’organisation d’un vote symbolique, les vidéos filmés par les citoyens montreront le nombre de ceux entrant dans les locaux officiels pour voter et de ceux qui choisiront leurs candidats à la vue de tous, de manière symbolique. En outre, on ne dira pas que les citoyens contraires au vote officiel ont eu tort parce qu’ils n’ont pas voté, car ils montreront, au contraire, qu’ils ont accompli leur devoir civique, mais à leur manière. Il est vrai qu’il est plus facile, matériellement et intellectuellement, de réagir négativement par un refus que d’agir positivement par une proposition. Mais laquelle des deux actions est la plus significative et la plus efficace ?

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(1) https://www.algeriepatriotique.com/2019/12/09/deux-votes-hautement-symboliques-des-algeriens-a-marseille-et-new-york/

(2) https://web.facebook.com/110958330283344/videos/1007461962971177/?v=1007461962971177&external_log_id=00315ec6377786aa3defa7cbc86700ad&q=voe%20alg%C3%A9riens%20new%20york

(3) https://www.facebook.com/100005177103347/posts/1316248991890992/? Dans des contributions précédentes, l’auteur de ces lignes avait déjà proposé l’auto-organisation par les citoyens d’un vote alternatif à celui officiel.

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Publié sur Algérie Patriotique (10.12.2019) et sur La Tribune Diplomatique Internationale (10.12.2019).

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 8 Décembre 2019

Des capacités du Mouvement populaire algérien

Oui, l’actuel Mouvement populaire algérien manifeste d’admirables qualités : peur de l’oligarchie étatique vaincue, engagement, disponibilité, liberté, égalité et solidarité manifestes, réconciliation des Algériens au-delà de leurs divergences idéologiques (1), organisation, pacifisme, durée…

Mais, est-il correct d’en rester aux aspects positifs sans se préoccuper de ceux négatifs ?

 

Le négatif du positif.

Considérons l’organisation. Tout indique qu’elle ne fut pas une initiative populaire spontanée, et jusqu’à présent pas de preuve convaincante du ou des auteurs de ce surgissement le même jour, dans toutes les localités importantes du pays, avec quasi des slogans identiques, de manière pacifique et souriante… Certes, le peuple des manifestants a dépassé le ou les objectifs limités des agents organisateurs des marches hebdomadaires… Pourquoi objectifs limités ?… Tout simplement parce que ces organisateurs occultes ont veillé et veillent encore à ce que les citoyens ne se dotent pas d’une structure autonome leur permettant de gérer eux-mêmes leur mouvement.

Considérons à présent la durée de ce Mouvement populaire. N’est-ce pas étrange qu’il marche hebdomadairement durant dix mois, sans jamais songer, - sinon par de très minoritaires voix -, à compléter ses démonstrations hebdomadaires publiques par une structure en comités (ou assemblées) sur le territoire, de manière à débattre démocratiquement de la pertinence de ses slogans, de sa méthode de contestation et de sa stratégie ? Et, notamment, pour comprendre quels sont la pertinence et les objectifs de tous ces « experts » et « personnalités » qui ne voient la réussite du Mouvement populaire uniquement dans des actions venant d’en « haut » : pour les laïcs, la composante patriotique de l’État-major de l’armée, un groupe de « personnalités » politiques ou d’intellectuels non compromis avec l’oligarchie régnante ; et pour les religieux, la « Volonté d’Allah ».

Le bizarre dans tout cela c’est que tous ces « experts » expriment les plus dithyrambiques louanges au Mouvement populaire, pour son « intelligence ». Sans poser la question subséquente : si les participants aux marches hebdomadaires ont l’intelligence qu’on leur accorde, pour quel motif ces participants croient que leurs seules marches hebdomadaires réussiront à changer le système social dans l’intérêt du peuple, alors que depuis neuf mois, ces marches demeurent vaines ?

En effet, voici les résultats constatables : d’un coté, l’élimination d’une composante de l’oligarchie (issâba), mais ce fait n’a pas profité au peuple, mais à la composante étatique qui subsiste ; de l’autre coté, des actions de cette dernière pour limiter (par une répression calibrée) et neutraliser (par des élections présidentielles) le Mouvement populaire… Malgré ces faits, les « experts » et les « influenceurs » fabricants d’ « opinion » dans les réseaux sociaux, notamment dans les vidéos, continuent à déclarer la même ritournelle : qu’il suffit de prolonger les marches hebdomadaires parce qu’elles finiraient, par leur pression, à éliminer ce qui subsiste de l’oligarchie, notamment en stimulant des groupes d’éléments du « haut » de la hiérarchie sociale (résidant en Algérie et/ou de l’ « opposition » à l’étranger) pour intervenir et concrétiser les objectifs du peuple contestataire. Ainsi, voici encore les « icônes » de « salvateurs », dont l’ego se gonfle d’aise (on le constate au comportement et au « verbe haut ») par l’étalage du nombre de « like » et d’ « abonnés », ainsi que, parfois, par l’exhibition de leurs portraits brandis lors des marches hebdomadaires par des citoyens conditionnés non pas à faire confiance à leur capacité auto-émancipatrice mais à croire à un « Sauveur Suprême », un berger pour un troupeau.

Que conclure logiquement de ce choix ?… Que le peuple des marcheurs hebdomadaires, aussi intelligent qu’il soit, ne l’est pas assez jusqu’à se charger lui-même de la réalisation de ses objectifs par son auto-structuration en comités (assemblées). Bref, que le peuple des manifestants demeure un enfant ayant besoin d’un « père » salvateur. Comment comprendre ce fait sinon que la mentalité autoritaire hiérarchique, typiquement élitiste, demeure dominante en Algérie ? Certes, elle se considère « réaliste », « pragmatique », tout en osant, parfois, se proclamer « radicale ». Où est la logique dans ce comportement, celle qui se base sur les faits concrets observés dans le Mouvement populaire ?… Osons l’affirmation : la majorité de l’ « élite » intellectuelle algérienne (comme dans le monde) produit des idées pour son propre compte, celui d’une caste privilégiée, où le peuple demeure une masse de manœuvre et de profit personnel. Dans le passé, quelqu’un avait démasqué les « pharisiens hypocrites ». Ces derniers manipulèrent la foule (le peuple) qui condamna à mort cet homme qui ne fréquentait que les opprimés, en espérant les « sauver ».

 

Dénoncer, oui, mais énoncer ?

Il est cependant vrai qu’une partie des marcheurs hebdomadaires se contentent d’attendre de la part d’ « experts » et de « personnalités » politiques la concrétisation des revendications populaires. À ce sujet, deux observations. D’une part, on ne dispose pas de données précises pour évaluer l’importance numérique de cette composante, de mentalité dépendante, du Mouvement populaire. D’autre part, cette même composante est-elle consciente d’un fait : la contradiction entre sa revendication d’éliminer toute l’oligarchie dominante (« Yatnahaou ga’ ! » (Qu’ils dégagent tous !) et la confiance qu’elle accorde à des « sauveurs » socio-économiquement étrangers au peuple exploité ?

Il est également vrai qu’on trouve des vidéos où des Algériens, femmes et hommes, jeunes et vieux dénoncent avec une merveilleuse véhémence et une splendide conscience les méfaits et crimes de l’oligarchie, et cela depuis l’indépendance. Hélas !, ces interventions savent uniquement dénoncer ce qu’il faut éliminer, mais pas énoncer ce qu’il faut édifier, et surtout pas comment y parvenir, autrement dit par une auto-structuration du Mouvement populaire. Certains font l’éloge des « ressources intellectuelles, politiques et humaines » de ce Mouvement. Pourquoi ne se manifestent-elles pas de la meilleure et plus efficace manière : en s’auto-structurant sous forme de comités et d’assemblées territoriales aux niveaux local, régional et national ?… À qui la faute sinon à l’ « élite » intellectuelle algérienne ? Pour dénier au peuple l’autogestion de son action sociale, cette « élite » évoque tous les arguments, sans aucune preuve logique et convaincante, en se parant de son statut d’ « intelligentzia » diplômée d’universités plus ou moins prestigieuses. Pourtant, le peuple sait qu’ « être instruit n’implique pas nécessairement d’être intelligent ». Pour l’être il faut sortir de la confortable « tour d’ivoire », descendre de son prétoire académique puis aller sur le terrain poussiéreux et nauséabond sans se gêner de la sueur du peuple.

 

Observations de citoyens.

« La main mise des spécialistes, des politiques et des experts sur la chose publique entrave les capacités et intimide le commun des gens. » (2)

« Je suis totalement d’accord avec toi sur le nécessité du hirak de se structurer, d’élaborer des idées et de pratiquer la démocratie directe, face notamment à la faillite intellectuelle et morale, ou simplement la démission de l’élite de ce pays. Mais comment peut-on le faire dans un climat de répression généralisée où on se fait emprisonner pour un dessin, une pancarte ou un post Facebook? Tous les espaces démocratiques qui tentent de se former deviennent systématiquement la cible du pouvoir. Pour une bonne partie de la population, la seule alternative actuelle est de se fondre dans la masse du vendredi. » (3)

Réponse : Puisque tout le monde fait l'éloge de l'intelligence des participants aux marches hebdomadaires, qui ont su marcher de manière pacifique, unie et organisée, à ces mèmes personnes de trouver le moyen de se structurer en trouvant des solutions aux obstacles. Souvenons-nous : les manifestations de rue étaient interdites avant le 22 février, et, pourtant, les citoyens ont trouvé le moyen de les organiser. Alors, il faut faire travailler l'intelligence et la créativité du peuple.

« Je trouve que le texte (4) est une réflexion sérieuse sur le hirak révolutionnaire. Mais dire (l'éternelle théorie de la théorie du complot) que le mouvement de protestation est le fruit de manœuvres occultes concoctées par des forces X ne résiste pas à un examen sérieux du processus révolutionnaire en cours. Le fait même que le mouvement révolutionnaire n'a pas de structure politique d'organisation plaide pour un Hirak débordant manifestement toutes les tentatives de manipulation et d'orientation par des forces agissant en coulisse. Le processus révolutionnaire est toujours en cours, il est encore massif et constant. Il est donc encore ouvert et des formes d'auto organisations horizontales peuvent surgir de ce grand mouvement polymorphe. l'essentiel, je trouve, est l'expérience originale et inédite que font des millions de citoyens à travers leur pratique révolutionnaire et qui sont des sources fécondes et inépuisables d'apprentissage de la lutte politique. Ayant confiance encore aux forces qui luttent pour une autre Algérie tout en conservant la lucidité des choses par une critique permanente et constructive du phénomène lui même mais tout en avouant qu'il faudrait rester modeste dans toutes nos théories. En tout cas il faut continuer à débattre intensivement et donc merci pour cette contribution. »

L’auteur de ces lignes éprouve une crainte immense de voir ce merveilleux Mouvement populaire se réduire à un immense défoulement cathartique de masse qui n’aboutirait qu’au remplacement d’une oligarchie par une autre, moins prédatrice et cruelle, mais néanmoins oligarchie.

 

Urgence vitale du débat sur l’auto-structuration.

Si un géographe qui dresse une carte fausse à des navigateurs est un criminel (5), que penser des « experts » qui indiquent au peuple des solutions qui l’empêchent de gérer lui-même ses actions en se dotant d’une auto-structuration territoriale, lui permettant de disposer de ses propres représentants, démocratiquement élus ?… Oui, il faut débattre de ce problème, pas uniquement durant les marches hebdomadaires, mais en trouvant des solutions appropriées, sous forme de comités ou d’assemblées territoriales, en s’affranchissant des interdictions étatiques de réunions. Pour cela, que l’intelligence des marcheurs hebdomadaires trouve la solution, autrement elle donnerait raison aux « experts » en tout genre qui comptent uniquement sur des actions d’en « haut » pour concrétiser les revendications du peuple. Quoique, depuis toujours et dans le monde entier, on observe les résultats de ce genre de « révolutions », qui ne sont jamais dans l’intérêt réel du peuple, mais d’une nouvelle caste dominante. Aux participants au Mouvement populaire, donc, s’ils ne veulent pas être les dindons de manipulations diverses proclamées dans « leur intérêt », de prouver l’importance de leur intelligence en matière d’action sociale. « Hnâ ibâne a ssàh ! » (Ici se révélera la vérité !). Ce peuple qui a, certes, vaincu sa peur de manifester publiquement et a su agir collectivement dans ses marches hebdomadaires, ce peuple ne doit-il pas, désormais, surmonter sa peur d’auto-gérer collectivement son propre Mouvement ? (6) Pour y parvenir, ce peuple ne doit-il pas finir par reconnaître ses faux amis, - nombreux, de diverses formes, laïques et religieuses, « experts » et charlatans manipulateurs -, qui le dissuadent de se doter de manière autonome de sa propre structure ? Sans cette conscience vivace, quelles sont les garanties convaincantes que le Mouvement populaire algérien ne finira pas comme tous les mouvements populaires, sans aucune exception, toujours et dans le monde entier ? Ils n’ont été qu’une masse servant à l’installation d’une inédite caste, « libérale », « marxiste » ou cléricale, mais cependant s’arrogeant des privilèges par une gestion élitiste de la force de travail du peuple et des ressources naturelles de sa nation ? Est-ce là l’objectif de l’intifadha populaire algérienne ? Sinon, comment se préserve-t-elle contre ce risque ?

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(1) Quoique… Voir « Divergences idéologiques et structuration du mouvement populaire algérien » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/11/divergences-ideologiques-et-structuration-du-mouvement-populaire-algerien.html

(2) Salah Trifi commentant l’article « Structure ou pas de l’intifadha populaire », in https://web.facebook.com/kadour.naimi.5

(3) Mejdi Kaddour commentant l’article « Divergences idéologiques
et structuration du mouvement populaire en Algérie
» in
https://web.facebook.com/kadour.naimi.5

(4) Lamri Lakrache commentant l’article « Qui gère l’intifadha populaire ? » in https://web.facebook.com/kadour.naimi.5/posts/148518916483775?comment_id=148574769811523

(5) Expression d’Élisée Reclus, géographe et militant de la Commune de Paris de 1870.

(6) L’auteur de ces lignes ne cesse d’évoquer ce problème, depuis le surgissement du Mouvement populaire. Voir l’ouvrage « Sur l’intifadha populaire en Algérie 2019 », librement accessible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-sur-intifadha-algerie-2019.html

 

Publié sur

Algérie Patriotique (82.12.2019) parties et sur La Tribune Diplomatique Internationale (08.12.2019).

 

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 3 Décembre 2019

Pour sa survie, le Mouvement populaire doit se structurer en comités ou assemblées.

Pour sa survie, le Mouvement populaire doit se structurer en comités ou assemblées.

Dans une contribution précédente (1), il fut question du risque d’infiltration de l’intifadha populaire en vue de sa manipulation. Mais un seul agent fut considéré : l’élément étatique. Hélas ! Il faut en signaler d’autres, bien plus insidieux, parce que moins évidents. Commençons par l’islamisme politique. Faut-il préciser que cette expression ne désigne pas l’Islam en tant que religion, mais uniquement sa manipulation pour servir une politique de conditionnement d’un peuple musulman, dans le but de conquérir le pouvoir étatique, pour établir une oligarchie de forme cléricale, avec le soutien d’une oligarchie étrangère ? Ce texte se propose de démontrer que l’islamisme politique passé, ouvertement anti-démocratique (usant la règle démocratique pour éliminer la démocratie) et violent, se présente aujourd’hui avec le masque de la démocratie et du pacifisme (« Salmyâ »), mais le but ultime demeure identique.

 

Surgissement.

Considérons le surgissement de l’intifadha populaire. Que sa première manifestation fut déclenchée dans toutes les villes du territoire nationale, que toutes les marches furent très bien organisées, sans aucun incident, avec des slogans semblables, ces constatations montrent que cette première action fut certainement le produit d’auteurs qui demeurent jusqu’à aujourd’hui inconnus. Toutefois, sans preuves concrètes vérifiables, les uns affirment que les agents organisateurs de la manifestation du 22 février 2019 furent le général Toufik et son réseau pour se débarrasser du chef d’État-major ; à l’opposé, d’autres accusent ce dernier et son entourage d’être les auteurs, dans le but de mettre fin à la présidence de Abdelaziz Bouteflika. Passons.

 

Absence de structuration autonome.

Par la suite, durant les huit mois de manifestations populaires hebdomadaires, on constate la même efficience dans l’organisation des marches hebdomadaires : absolument pacifiques, avec des slogans principaux semblables sur tout le territoire national, répondant aux événements qui se succédaient. N’ayons pas la naïveté de croire que tout cela fut le résultat uniquement d’un fameux réseau social, comme certains l’affirment, sans preuve vérifiable.

Toutefois, quand des « personnalités » ou des partis politiques tentèrent de prendre la direction de l’intifadha populaire, ou de parler en son nom, ces tentatives échouèrent. Ce refus fut-il un phénomène spontané des manifestants, ou, au contraire, téléguidé ?… Pas de preuve pour répondre de manière sérieuse.

Autre observation : l’intifadha populaire n’a jamais produit par elle-même une auto-organisation sous forme de comités locaux, permettant aux citoyens de se rencontrer, d’échanger leurs opinions, de discuter, de prendre des décisions en ce qui concerne les formes de développement du Mouvement pour concrétiser ses buts… De cette observation, serait-il erroné d’en tirer cette conclusion : que les auteurs occultes du mouvement populaire n’avaient pas intérêt à voir les citoyens prendre en charge eux-mêmes leurs actions ?… Si tel est le cas, alors, le Mouvement populaire non seulement fut mais demeure manipulé. Dans quel but fondamental, servant quels intérêts concrets précis ?

 

Cocktail attrayant.

L’observation des marches hebdomadaires, et celle de certaines interventions sur les réseaux sociaux montre que l’intifadha populaire est l’objet de manipulations diverses, soigneusement occultés aux citoyens ordinaires, parce que le but est d’utiliser le Mouvement populaire uniquement comme masse de manœuvre pour satisfaire des intérêts d’oligarchies existantes ou visant à les remplacer comme oligarchies nouvelles. Examinons un premier cas.

L’auteur de ces lignes a suivi attentivement les interventions sur les réseaux de celui qu’on appellera pour l’instant M. X*. Il y occupe une place non négligeable. Pour deux motifs. D’une part, les critiques de M. X* contre le système social dominant, et son soutien au Mouvement populaire semblent dictés par un légitime et noble souci de démocratie et de sauvegarde de l’indépendance nationale. D’autre part, M. X* joue sur un terrain qui lui est très favorable : son vocabulaire islamiste instrumentalise adroitement la foi religieuse du peuple algérien. En outre, M. X* recourt à une langue arabe qui a l’air moderne, mais dont la substance est semblable aux prêches des idéologues islamistes intégristes. Enfin, les déclarations de M. X* concernant des censures ou tentatives de censure, rendent le personnage plus sympathique et intéressant. Voilà le cocktail qui rend le personnage attrayant, au point de voir son portrait parfois exhibé lors des marches populaires, et proposé sur des réseaux sociaux dans une liste d’éventuels représentants du Mouvement populaire.

 

Principe de précaution.

Mais, si l’on a comme principe de précaution de se poser des questions au sujet des personnages publics, on s’oblige à comprendre le motif réel de leurs déclarations, surtout quand celles-ci ont une certaine influence sur le public, notamment sur les opprimées d’un système social.

Première question. Quelle est la provenance de l’argent de M. X* pour vivre et effectuer ses nombreux voyages à l’étranger ? Car, visiblement, ses vêtements, les lieux d’où il envoie ses vidéos, et les voyages personnels qu’il évoque montrent une aisance certaine. M. X* a-t-il fourni à ses auditeurs des informations à ce sujet ? Personnellement, je ne les ai pas trouvées. S’il ne les a pas fournies, croit-il que ces informations seraient inutiles ?… Cette hypothèse est à écarter, car M. X*, à juste titre, dénonce les personnalités algériennes qui vivent avec de l’argent obtenu de manière illégitime. Dès lors, par cohérence, M. X* ne devrait-il pas, dans son cas personnel, fournir les preuves concrètes de la provenance de l’argent dont il vit ?

Deuxième question. Le recours systématique à la formule « bî idnî Allah » (Selon la volonté de Dieu). Bien entendu, son emploi est légitime et compréhensible de la part d’un musulman, mais l’insistance sur cet emploi oblige à se demander : s’agissant de discours éminemment politique, n’est-ce pas là une manière insidieuse d’introduire l’élément religieux, alors qu’on sait combien il fut funeste dans les années 1980 et par la suite ?… Ce qui porte à vouloir savoir quel fut l’itinéraire politique de M. X* depuis qu’il s’active dans le domaine social. M. X* a évoqué dans ses vidéos la partie formative et officielle, publique, notamment celle qu’il appelle « diplomatique ». Mais, n’a-t-il pas eu d’autres implications, notamment à l’époque où Kasdi Merbah était le chef de la Sécurité Militaire, comme un intervenant vidéo le déclare ?

Troisième question. Une certaine véhémence dans la dénonciation (légitime) des méfaits du pouvoir dominant actuellement en Algérie. Cette véhémence manifeste trop de rhétorique recourant à l’émotionnel. De la part d’une personne se déclarant diplomate, proposant de recourir au raisonnement objectif et pondéré, et assis devant une bibliothèque de livres, cette rhétorique et cette véhémence émotionnelle sont-elles de mise, surtout quand on se rappelle que cette méthode oratoire fut celle, par exemple, d’un Adolf Hitler, lequel en exposa les motifs dans son livre « Mein Kampf » (Mon combat) ?

Quatrième question. M. X* évoqua dans une vidéo ses fréquents voyages en Turquie, en faisant l’éloge des « progrès » économiques et sociaux réalisés dans ce pays… Mais pas un seul mot sur l’oligarchie qui domine le pays, sur l’aspect dictatorial de son président Erdogan, et sur les engagements politiques internes et externes de ce chef d’État… N’est-ce pas curieux quand on entend M. X* pourfendre (à juste titre) l’oligarchie algérienne, sa dictature ainsi que ses actions internes et internationales ?.. Pourquoi ce deux poids deux mesures ?… Qu’en est-il, alors, de l’objectivité et de la cohérence proclamées par M. X*, soulignées, régulièrement par des sourates du Coran ou des préceptes du Prophète de l’Islam ? Ce recours systématique à la religion est-il vraiment innocent, de bonne foi, quand on sait le degré de religiosité du peuple algérien ?

Ces questions imposaient la nécessité de savoir qui est donc, réellement, M. X*.

 

Investigation.

En inscrivant ses nom et prénom sur un moteur de recherche d’internet, on trouve les pages des réseaux sociaux où il intervient, mais, sur Wikipédia, on trouve une biographie, très courte, uniquement en anglais et en arabe. On trouve également un site web de M. X*, visité voici quelques jours. L’on y remarque un article concernant Abdehamid Ben Badis et le slogan « Daoula madaniyâ, machi ‘askariyâ » (État civil et non militaire). Voilà deux thèmes, surtout le second, présents dans l’actuel Mouvement populaire algérien.

Poursuivant la recherche, le hasard fait découvrir que M. X* avait des relations avec la chaîne de télévision « Al Magharibiya », dont on apprend les rapports étroits avec l’ex FIS (Front Islamique du Salut) algérien, et des États du Moyen-Orient.

Des recherches plus approfondis sur internet, et notamment l’écoute de vidéos de divers intervenants algériens, en particulier de l’un d’entre eux (Rafaa156 JZR) fournissent d’autres informations.

M. X* est membre de « Rachad ». Sur Wikipédia, elle se présente ainsi : « Cette organisation œuvre pour que la société algérienne prenne son destin en main et fonder un régime démocratique incluant toutes les sensibilités idéologiques sans exclusion aucune. » Cette déclaration semble tout-à-fait en phase avec l’objectif démocratique de l’actuel mouvement populaire algérien… On lit, cependant, également, que cette organisation « a été fondé en 2007 par un groupe de hauts cadres algériens vivants à l'étranger et n'acceptant point les pratiques tyranniques et criminelles des quelques généraux putschistes et à leur tête le général sanguinaire Khaled Nezzar. » Mais pourquoi ne sont pas évoqués, du même coup, « les pratiques tyranniques et criminelles » des Islamistes en Algérie, avec « à leur tête » des chefs « sanguinaires » ? Encore une fois, n’est-on pas en présence de la tactique de deux poids, deux mesures ?

Pour trouver une réponse à cette question, il faut poursuivre les recherches. À propos de « Rachad » (2), on fait deux découvertes. La première est que l’un de ses membres est M. Mourad Dhina. Il faisait partie de l’ex-FIS, et, en tant que tel, on trouve une vidéo à ce sujet. Interrogé par un journaliste européen, lui demandant ce qu’il pense de l’assassinat par des terroristes islamistes d’intellectuels et journalistes algériens (environ 130) qui s’opposaient au terrorisme islamiste, M. Dhina répondit tranquillement que ces derniers méritaient leur sort, autrement dit si l’on conteste le terrorisme islamiste uniquement par la plume, ce dernier a le droit de punir ses contestataires par la mort.

Seconde découverte : « Rachad » fait partie de l’organisation internationale islamiste « Mou’tamar al oumma » (Congrès de la Oumma). Cette dernière est soutenue par le président turc Erdogan. Ce fait n’éclaire-t-il pas le motif des louanges, ci-dessus évoquées, de M. X* à l’avantage des « progrès » de la Turquie ?

Allons plus loin. Erdogan fait partie de l’organisation des « Frères Musulmans ». Cette dernière fut créée par le MI6, service secret britannique, lequel fut à l’origine de la création de l’oligarchie saoudienne en Arabie. En outre, le président Erdogan, dont le pays a une ambassade de l’État israélien, s’est rendu plus d’une fois en Israël où il a rencontré ses dirigeants, sans se soucier nullement de la tragédie coloniale des musulmans palestiniens. Pourtant, Erdogan se proclame musulman. Est-ce cohérent ?… Ajoutons que la Turquie fait partie du pacte militaire impérialiste dénommé OTAN. Et encore : le président Erdogan a également fourni le soutien logistique aux diverses organisations terroristes qui sont intervenu en Libye, au Irak et en Syrie, avec les résultats connus : la destruction de ces États-nations… Comment, dès lors, expliquer les proclamations de l’organisation algérienne « Rachad » pour la « démocratie », et ses relations avec l’organisation internationaliste islamiste « Mou’tamar al oumma », le président Erdogan et les terroristes islamistes ?… Parce que ces derniers se déclarent des « libérateurs » combattant contre la dictature de Bachar Al Assad, pour installer la chariâ ?… Mais, alors, cette chariâ  n’est-elle pas une forme cléricale de dictature, d’une part, et, d’autre part, comment expliquer les massacres de civils, quelque soit l’âge et le sexe ? Comment expliquer l’intervention de forces étrangères (françaises, anglaises et états-uniennes) en soutien des organisations islamistes combattant en Syrie et en Libye ?

En poursuivant les recherches sur internet, on trouve une vidéo. M. X* y justifie l’intervention des armées néo-colonialistes étrangères, et même celle du sioniste colonialiste Bernard Henry-Levi contre le peuple libyen, avec le prétexte de mettre fin à la dictature et d’apporter la démocratie. En outre, suite à l’agression des armées franco-anglaises contre la Libye, M. X* et d’autres de ses amis débarquèrent dans le pays, alors qu’avait été instaurée la « no fly zone » ? Qui donc les a autorisés à atterrir et pour quel motif ? (3) Enfin, l’on constate le résultat : la destruction de la nation libyenne et sa balkanisation au profit d’organisations terroristes se revendiquant de l’Islam, et de multinationales pompant le pétrole. Et cela en attendant le tour de… l’Algérie, la nation d’origine de M. X*.

Quant à l’ami de M. X*, dans l’organisation islamique « Rachad », M. Mourad Dhina (4), celui-ci, actuellement, dénonce le haut commandement de l’armée algérienne, en précisant que lui, M. Dhina, respecte l’armée en tant que telle. Ainsi, il partage l’opinion du Mouvement populaire proclamant « Djaïch, chaâb, khawâ khawâ » (Armée, peuple, frères). Mais, quelques années auparavant, le même M. Dhina déclara que l’armée algérienne, en tant que telle, considérée dans son ensemble, ne vaut rien, et, pour le démontrer, il la compara à une armée très performante, en donnant un seul exemple, l’armée… d’Israël, l’État colonialiste, affirmant que c’est pour « sa défense ». N’y a-t-il donc pas d’autres armées comme exemples ? Et « défense » d’Israël contre qui ?… Évidemment contre les méchants Palestiniens, car Israël est allié désormais avec les pays prétendument musulmans que sont l’Arabie saoudite, Qatar, les Émirats et la Turquie. Dès lors, peut-on croire à l’affirmation de « Rachad », sur son site, déclarant son auto-financement et son autonomie logistique ?… Ajoutons que le peuple palestinien non seulement combat le colonialisme israélien pour obtenir son droit à une patrie (comme, auparavant, les Algériens, les Vietnamiens et autres peuples), mais ce peuple palestinien est en majorité de religion musulmane. Et M. Dhina proclame fièrement sa foi « musulmane ». Comment, alors, expliquer que celle-ci ne se préoccupe pas des musulmans palestiniens, soumis aux atrocités coloniales israéliennes, mais, au contraire, vante l’armée d’Israël pour sa « défense » ?… Dès lors, serait-ce une diffamation de répondre que l’« Islam » de M. Dhina coïncide avec les intérêts du colonialisme israélien ?… Par conséquent, de quel Islam s’agit-il ? Et quand un tel homme proclame actuellement son « soutien » à l’intifadha populaire algérienne actuelle pour ses droits démocratiques, que faut-il en penser ?

Dernièrement, l’organisation « Rachad », par la voix d’un nouveau et plutôt jeune représentant, habillé à l’occidentale, déclare ne plus se référer à l’idéologie islamiste, mais à la… démocratie. On le comprend : qu’un membre de cette organisation aille dire aux marcheurs hebdomadaires « Dawlâ islâmiyâ, dimocratiyâ kofr » (Etat islamique, démocratie [est un]blasphème ! ), et il constatera la réaction du peuple. C’est que la revendication « démocratique » va dans le sens de l’exigence actuelle du peuple… Mais comment concilier cette proclamation en faveur de la démocratie de la part du représentant de « Rajah », tout en faisant partie du « Mou’tamar al oumma », lequel rejette ouvertement la démocratie ? (5)

 

« Oumma » et nations.

Continuons les investigations. La revendication d’une « oumma » islamique (quelle soit sous forme ottomane ou wahhabite) signifie l’élimination des nations indépendantes. Or cette élimination correspond exactement au plan impérialiste U.S. - et sioniste colonialiste (6) -, formulé dans la doctrine Rumsfeld/Cebrowski… Ainsi, l’oligarchie impérialiste U.S., l’organisation internationale islamiste « Mou’tamar al oumma », donc l’organisation algérienne « Rachad », et les oligarchies islamistes qui visent à dominer (Turque ou wahhabite) ont comme but commun la destruction des États-nations à dominante musulmane, tout au moins ceux allant du Proche-Orient au Maroc. En passant, notons le slogan de la chaîne TV « Al Magharibia » : « « Magharebia sans frontières ». Cela semble, à première vue, un généreux slogan internationaliste. Mais, connaissant la conviction islamiste de cette télévision, de quel type d’ « internationalisme » sinon de « oumma » islamique ?… Donc, plus de nation algérienne, en dépit des combattants morts pour son existence. Dès lors, comment comprendre les proclamations de M. X*, dans ses vidéos, pour la démocratie, ainsi que sa défense de la nation algérienne, et ses dénonciations des accointances des dirigeants actuels algériens avec des puissances étrangères ?

Quelles sont les nations qui ont déjà été détruites ?… L’Irak et la Libye. Quelle nation a subi une invasion (colonialiste israélienne) pour la détruire ?… Le Liban. Après lui, quelle nation a résisté à une tentative de destruction ?… La Syrie… Quel est le point commun entre ces nations ?… De faire partie du front du refus de reconnaissance de l’État colonialiste d’Israël, et de défense des droits légitimes du peuple palestinien… Quelle est l’autre nation qui fait partie du même front ?… L’Algérie, et cela quoiqu’on dise sur les autres aspects de ses dirigeants. Ainsi deviennent claires toutes les tentatives de sa déstabilisation : infiltrations de terroristes masqués en immigrés clandestins, accusation contre l’encadrement de l’ANP en tant que tel et tout entier, sans distinguer entre dirigeants réellement patriotes et ceux qui agissent uniquement pour leurs intérêts de caste, et tentatives d’infiltration et de manipulation de l’actuel Mouvement populaire, par l’intermédiaire de harkis autochtones. Qui sont-ils principalement ?

Concernant la destruction des nations à majorité musulmane du Proche-Orient jusqu’au Maroc, et d’abord celles qui soutiennent la lutte de libération du peuple palestinien, pour les impérialistes U.S., l’intérêt est de mettre la main sur les ressources naturelles et d’installer des bases militaires dans ces pays du sud de la Méditerranée, flanc sud de l’Europe. Tandis que pour les « oummistes » islamistes (d’idéologie ottomane ou wahhabite), le but est de prendre le pouvoir dans une région à constituer en « oumma » (communauté) islamique, donc dictatoriale. Ainsi, le schéma d’alliance entre l’oligarchie U.S. et ses valets d’Arabie saoudite et du Golfe (si pas turcs) s’élargirait à une alliance entre la même oligarchie U.S. et une nouvelle oligarchie vassale désirant gérer cette région à dominante musulmane. Voilà comment une conception de l’Islam, politiquement dévoyée, sert les intérêts d’oligarchies (étrangères alliées aux autochtones) au détriment des peuples musulmans. Les massacres actuels dont ils sont victimes (de la part des terroristes autochtones comme par les bombes des avions occidentaux) ne sont-ils pas une preuve évidente ? Cependant, ces crimes sont travestis en conflits entre sunnites et chiites, de la part des oligarchies turques et moyen-orientales, et, de la part de l’oligarchie états-unienne, anglaise et française, en conflit de la « civilisation », de la « démocratie » et des « droits de l’homme » contre le « terrorisme ».

Est-ce que M. X* a informé ses auditeurs concernant ses relations avec les organisations ci-dessus indiquées ? Comment concilie-t-il leurs orientations idéologiques avec ses appels personnels à la libération du peuple algérien, à la démocratie et à la sauvegarde de la nation algérienne ?

Enfin, dans ses deux dernières vidéos, M. X* déclare que le temps est arrivé pour le Mouvement populaire algérien de se doter de représentants. Ce mouvement populaire gagnerait-il a élire comme représentant un tel homme, ou l’un de ses amis, sachant à présent ses affiliations occultées ?

 

Reconnaître les faux amis.

Quand M. X* se proclame partisan et défenseur de la vérité, ne doit-il pas dire toute la vérité et rien d’autre que la vérité ? Et quand il se présente comme défenseur d’un peuple, en l’occurrence le peuple algérien, ne doit-il pas lui donner toutes les informations indispensables sur son itinéraire politique, afin que ce peuple sache totalement à qui il a affaire ?

Écartons un malentendu. M. X* a le droit, en tant que citoyen, de dire tout ce qu’il veut. Mais, ce droit n’exige-t-il pas le devoir d’informer sur son parcours politique réel et complet ? Adolf Hitler est l’un des plus horribles criminels, mais on doit lui reconnaître d’avoir clairement et publiquement déclaré ses buts dans son ouvrage « Mein Kampf ». M. X*, qui se proclame partisan de la vérité, soucieux de la conscience du peuple, démocrate et défenseur du peuple, ne doit-il pas révéler ouvertement ses affiliations et ses buts réels ?… Qui donc est plus dangereux pour le Mouvement populaire, un Ali Belhadj ou M. X* ?

Combien d’auditeurs des vidéos de M. X* reconnaissent dans le portrait esquissé ici M. Mohamed Larbi Zitout ?… Ne comprend-on pas, alors, combien est très sérieuse la difficulté pour le Mouvement populaire de distinguer qui sont réellement les personnes qui déclarent le défendre, le soutenir et lui fournir des indications d’actions ? Et, cela, afin que le Mouvement populaire ne soit pas manipulé à son insu, et accoucher d’une nouvelle oligarchie, laquelle, malgré les apparences, peut être pire que l’actuelle ?… Car, alors, c’est l’existence même de la nation algérienne qui serait en péril, et c’est l’apparition d’une dictature pire qui risquerait de s’instaurer, parce que cléricale, donc par essence totalitaire, mais du totalitarisme le plus abject, car se légitimant par une volonté divine, selon la formule « bî idnî Allah » (Par la volonté de Dieu). Cette formule est très respectable dans la bouche d’un authentique croyant ; mais, désormais, le peuple algérien sait combien cette formule, prononcée par des opportunistes visant à la conquête du pouvoir étatique dictatorial (car pour eux la démocratie est « kofr », blasphème), lui a coûté de sang et de larmes. Le peuple algérien sait qu’un parti politique ou des intervenants dans les réseaux sociaux peuvent user des règles démocratiques pour éliminer la démocratie ainsi qu’une nation pour établir un empire oligarchique.

En passant, signalons un fait. Lors de la prière collective du vendredi 23 novembre, dans une mosquée d’un quartier populaire d’Oran, un assistant raconta à l’auteur de ces lignes que le thème exposé pendant toute l’heure était celui-ci : le libéralisme est contraire à l’Islam... Que vient faire le libéralisme dans un prêche religieux ? En outre, qui dit « libéralisme » n’entend-il pas « démocratie » ?… La question fut posée à celui qui était présent au prêche : « Est-ce que l’imam a employé le mot « démocratie » ? » - « Non. » Que faut-il en conclure ? Et ce discours de l’imam, qui en est l’instigateur : lui-même, la hiérarchie étatique ou une hiérarchie occulte ? Enfin, les fidèles qui écoutèrent cette négation du « libéralisme » au nom de l’Islam, combien d’entre eux participèrent ensuite à la marche hebdomadaire ? Et, parmi eux, combien ont crié en faveur de la démocratie ?

Comment le Mouvement populaire parviendrait-il à distinguer entre ses amis réels et ses faux amis s’il se cantonne dans ses marches hebdomadaires, sans se structurer, de manière autonome, en comités (ou assemblées) locaux, partout sur le territoire ? N’est-ce pas uniquement ainsi que collectivement, démocratiquement et avec le maximum de précautions, les citoyens pourront examiner, débattre, éclaircir puis élire leurs mandataires pour concrétiser les objectifs légitimes du Mouvement populaire ? Durant les marches hebdomadaires, on assiste souvent à des discussions spontanées pour éclaircir les idées et les actions. Bien que nécessaires et bienvenues, ne doivent-elles pas, en dehors des marches, se compléter par des discussions spécialement organisées à cet effet ?

D’autres aspects de la manipulation du Mouvement populaire seront prochainement exposés.

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(1) Voir « Révolte et révolution : assimiler toute l'histoire passée » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/11/revolte-et-revolution-assimiler-toute-l-histoire-passee.html

(2) Voir https://www.youtube.com/watch?v=Q3k23lqHnu8

(3) Voir https://www.youtube.com/watch?v=uzG9h-HXt4U

(4) Voir https://www.youtube.com/watch?v=6VazMqyzANw

(5) Voir https://www.youtube.com/watch?v=uzG9h-HXt4U

(6) La précision est nécessaire, car il existe des sionistes non colonialistes, reconnaissant les droits légitimes du peuple palestinien.

 

Publié sur

Algérie Patriotique en deux parties (01.12.2019 et 02.12.2019) et sur La Tribune Diplomatique Internationale (02.12.2019).

 

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 28 Novembre 2019

DIVERGENCES IDÉOLOGIQUES  ET STRUCTURATION DU MOUVEMENT POPULAIRE ALGERIEN

Vu l’intérêt suscité par le problème de la structuration du Mouvement populaire (1), poursuivons le débat. Cette fois-ci concentrons-nous sur un thème et une hypothèse particuliers : au sein de la présente intifadha, les divergences idéologiques sont telles que vouloir structurer ce Mouvement en vue d’une élection de représentants aurait comme conséquence l’éclatement de ce Mouvement, sa division et, finalement, sa disparition.

Certes, le Mouvement populaire contient diverses conceptions idéologiques : islamistes, laïcs, communistes, « libéraux », sociaux-démocrates, etc. Toutefois, touts sont unis par un objectif commun : « Yatnahou ga’ ! » (Qu’ils dégagent tous !), c’est-à-dire l’élimination de l’oligarchie dominante dans ses diverses composantes. Cet objectif s’exprime par d’autres slogans : « Dawlâ madaniyâ mâchî ‘askâriyâ ! » (État civil et non militaire), « État de droit », « justice indépendante », etc.

Par conséquent, la question se pose : comment ces gens-là pourraient-ils s’entendre pour désigner des mandataires qui les représentent tous ?… Réponse. Tous les slogans se ramènent à une revendication fondamentale : l’instauration d’un système social démocratique… Et celui-ci fonctionne sur la règle d’une majorité, tout en respectant la position minoritaire.

Par conséquent, en se réunissant, les citoyens discutent et prennent des décisions en pratiquant la démocratie. À présent, voici ce qui devient clair : soit les participants au Mouvement populaire désirent réellement la démocratie, et, alors, qu’ils se structurent de manière démocratique et pratiquent la démocratie pour affronter leurs divergences ; soit ils pensent que leurs divergences idéologiques entraînent la désunion entre eux, et, par conséquent, ces citoyens sont incapables de pratiquer la démocratie. Il s’ensuivrait que leur revendication pour la démocratie est, de leur part, un simple slogan démagogique, inconsistant, illusoire. De cette observation, voici la déduction logique : ceux qui craignent que les divergences idéologiques entre les composantes du Mouvement populaire risquent de le désintégrer, impliquent nécessairement que les membres de ce Mouvement sont incapables de résoudre leurs divergences de manière démocratique. Dès lors, comment croire à leur slogan revendiquant la démocratie de la part des autorités étatiques, alors qu’eux-mêmes sont incapables de la mettre en action ?

 

Thèmes de discussion.

Supposons, maintenant, que les membres du Mouvement populaire soient cohérents avec eux-mêmes en revendiquant la démocratie. Alors, ils se rencontreront, d’une manière ou d’une autre, et examineront les problèmes qui leur semblent indispensables à éclaircir.

Le premier est celui de savoir si le Mouvement populaire doit ou non se doter de structures organisationnelles avec le but de disposer de représentants. Car, est-il normal que ce problème soit examiné uniquement par des « experts », des « personnalités » politiques, des contributeurs dans la presse ou les réseaux sociaux ?… N’est-il pas plus normal que ce soient les citoyens eux-mêmes qui se rencontrent et en débattent entre eux ?… Ne serait-ce que pour examiner ce problème, n’est-il pas nécessaire que les marcheurs hebdomadaires se rencontrent, donc se dotent d’un minimum de structure ?

Si, par la suite, la majorité opte pour la structuration du Mouvement, les autres problèmes à examiner seront les slogans principaux, proclamés pendant les marches. Ils furent évoqués plus haut. À titre d’exemple, examinons brièvement les plus répandus, pour exposer la manière de les discuter.

 

« Yatnahou ga’ ! » (Qu’ils dégagent tous !)

Faut-il attendre cet événement avant de procéder à la construction d’institutions nouvelles ?… Prenons un exemple banal, mais significatif. Faut-il attendre que les mauvais gestionnaires dégagent tous pour enlever les ordures qui salissent et infectent les espaces publics ainsi que les espaces collectifs dans les immeubles d’habitations ?… Pourquoi les marcheurs se limitent à enlever les détritus lors des manifestations hebdomadaires, et pas dans tous les espaces publics, et cela quotidiennement ou une fois par semaine ?… Encore une fois, faut-il attendre tout des services de l’État et en déclarant « Allah ghâlab ! » (Dieu est plus puissant) ?… Comment ne pas se rendre compte de l’impact très stimulant que ce genre de banale et élémentaire action de nettoyage collectif et autonome aurait sur l’ensemble de la population, et notamment sur la partie indifférente ou hostile du Mouvement populaire ?

Ajoutons ceci. Exiger le dégagement de « tous », qu’est-ce qui garantie que ce slogan ne signifie pas, pour certains, la création du fameux « chaos créatif » ? Rappelons que cette expression fut théorisée par Condoleeza Rice, représentante de l’impérialisme U.S., lors de l’agression de l’armée coloniale israélienne contre le Liban. Ce même « chaos créatif » est la méthode pratiquée par les organisations dites « islamistes » pour détruire un État et sa nation à majorité musulmane, afin d’établir le Califat, soit ottoman (prôné par l’oligarchie turque) soit wahhabite (prôné par l’oligarchie saoudienne). Que l’on voit avec l’attention requise les interventions vidéo d’un Mohamed Larbi Zitout ou d’un Mourad Dhina, en les comparant avec celles de leur critique, Rafaa156 JZR, et cela sans diaboliser personne mais uniquement en examinant les arguments présentés et comment s’effectuent les occultations de faits gênants, mais révélant des manipulations.

Encore une fois, ne serait-ce que pour éclaircir ce slogan « Qu’ils dégagent tous ! », et cela de manière démocratique, les citoyens ne gagneraient-ils pas à consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à se rencontrer et à discuter, au lieu se se contenter de voir les « experts » et autres parler en leur nom ?

 

« Dawlâ madaniyâ mâchî ‘askâriyâ ! » (État civil et non militaire).

L’examen de ce slogan permettrait d’éclaircir un autre slogan : « Chaâb djaïch, khâwa khâwa ! » (peuple, armée, frères !)…. Comment concilier ces deux revendications ? Ensuite, concernant le premier slogan, comment distinguer entre ceux qui visent uniquement la partie du commandement militaire qu’ils jugent contraires au Mouvement populaire, et ceux qui, au contraire, recherchent la destruction de l’armée en tant que telle ? (2) En outre, comment s’y prendre afin qu’un système social géré par des civils ne soit pas une simple manipulation de ces derniers par des militaires ? Et, encore : comment éviter que des dirigeants civils ne forment pas une nouvelle « issâba » (oligarchie), aux intérêts contraires à ceux du peuple ?… Faudrait-il attendre l’avènement de ce risque pour le combattre en reprenant les… marches hebdomadaires ?

 

« Transition ».

Le Mouvement populaire ne gagnerait-il pas également à examiner la proposition dite de « période de transition ». Quels en sont le contenu, les objectifs et leur valeur opérationnelle ?… Là encore, le Mouvement populaire doit-il laisser parler uniquement « experts », « personnalités » et dirigeants de partis politiques ?… Cela ne signifierait-il pas que les participants aux marches hebdomadaires, malgré leurs performances et les éloges qu’on leur décerne, demeurent des « enfants » ou des ignorants besogneux de « pères » et de « maîtres » pour leur montrer comment se conduire ?

 

Religion et rente.

Un commentateur écrit : « un peuple qui carbure à la rente et à la religion est incapable de produire les conditions de son dépassement. Pourquoi ne pas admettre que sans critique radicale du modèle rentier et de la religion, on n’en sortira jamais ? » (3)

Pourquoi le peuple des marches hebdomadaires serait incapable d’affronter ces arguments, si les citoyens les plus consciencieux du mouvement populaire, - ils existent -, se donnent la peine de savoir comment instaurer et gérer les discussions sur ces thèmes ?… Comment ?… Encore une fois, la démocratie n’est-elle pas la revendication fondamentale de tous les participants au Mouvement populaire ?… Dès lors, la gestion des ces discussions est à concrétiser en ayant à l’esprit que toute opinion doit servir à l’instauration de la démocratie, à savoir le droit d’exprimer librement sa pensée, et le devoir de respecter l’opinion majoritaire qui se dégage. Quitte à la minorité de poursuivre la discussion dans l’espoir de former une nouvelle majorité qui lui est favorable. Entre-temps, la décision majoritaire est à appliquer.

Ainsi, par exemple, sera affronté et résolu un aspect qui vient de se manifester de manière évidente et très inquiétante. Dernièrement, un groupe non négligeable de manifestants, devant la poste centrale d’Alger, a crié longuement « Dawlâ islamiyâ ! » (État islamique !), alors qu’auparavant ce genre de slogan n’apparaissait pas. N’est-il pas vital pour les citoyens du Mouvement populaire de se rencontrer pour examiner par qui et dans quel but ce slogan est proclamé, pour élucider s’il s’agit là d’une expression d’ « islamisme » primaire spontanée ou d’une opération organisée de manière occulte, et par qui ?… N’est-il pas vital pour le présent et le futur de comprendre, dès maintenant, s’il ne s’agit pas du retour d’une conception totalitaire, à l’opposé total de la revendication démocratique, tout en profitant de la démocratie pour l’éliminer en cas de victoire ? Ce qui serait la répétition d’un phénomène du passé en Algérie.

Un fait est constatable : les démocrates sont faiblement organisés et désunis, tandis que leurs adversaires « islamistes », à l’inverse, sont nettement mieux organisés et moins désunis. Ces derniers ont les mosquées avec liberté de réunion, tandis que les démocrates disposent seulement de quelques locaux dérisoires, avec restrictions de réunions. Les mosquées sont partout, y compris dans les quartiers les plus démunis, tandis que les locaux des démocrates sont rares. Les « islamistes » bénéficient de gros financements occultes (Turquie et Qatar pour les « Frères musulmans », Arabie saoudite et Émirats pour les Wahhabites, sans parler des subsides d’officines anglaises et états-uniennes), tandis que les démocrates peinent à se doter de moyens financiers suffisants.

Voici un risque. Qu’après le « dégagement » des membres de l’oligarchie, il arriverait ce qui est advenu en Tunisie de manière démocratique : actuellement, le Parlement est aux mains des « islamistes ». Cela ne rappelle-t-il pas des élections législatives passées en Algérie, et leur sanglante conséquence ? Et le risque d’une répétition ?… À moins que le mouvement populaire se structure de manière à éviter ce genre de funeste risque. Les leçons du passé non apprises correctement se paient très cher, et c’est toujours le peuple qui en est victime.

 

De l’objectif commun.

Certains, préoccupés de l’objectif commun, évoquent les slogans mentionnés ci-dessus. On a dit auparavant que cet objectif commun est la démocratie. En réalité, celle-ci est un mode opératoire. Quel serait le contenu de cette démocratie ?… Voici une proposition : liberté, égalité et solidarité.

La liberté exclut toute forme de domination, quelle soit laïque ou religieuse, « libérale » ou marxiste, bref toute forme d’autoritarisme illégitime (4). L’égalité affirme que les différences physiques et intellectuelles entre les citoyens ne justifient en aucune manière une disparité d’accès aux droits humains fondamentaux : gestion de la société par l’exercice d’un droit électif, ce qui permet un accès paritaire à la santé, à l’habitat, à la scolarité, à la culture développant l’esprit critique constructif, aux loisirs enrichissant l’existence au monde, etc. Enfin, solidarité, car sans elle, la liberté est uniquement celle du plus fort-malin-rusé-égoïste, et sans solidarité, l’égalité n’est que celle des « élites » et des « privilégiés » entre eux, au détriment de ce qu’ils appellent le « menu peuple », la « racaille », la « populace ». N’est-il pas utile pour les marcheurs hebdomadaires de se rencontrer pour discuter ce thème, et, pour y parvenir, de se doter d’une structure de réunion ?

 

Risques et résultats.

On objecte ceci : la discussion des thèmes provoquera des divisions et l’éclatement du Mouvement populaire.… Supposons vraie cette hypothèse, et que le peuple ne sait pas appliquer le principe démocratique dont, pourtant, il se réclame à corps et à cri et oblige les autorités étatiques à l’appliquer. N’est-ce pas étrange, pour ne pas dire totalement inconséquent, que des manifestants exigent la pratique démocratique de la part d’une oligarchie, tout en étant, eux, incapables de la pratiquer dans une structure établie par eux ?

Autre argument. Supposons les membres de l’oligarchie « dégagés », comment le Mouvement populaire affronterait, alors, les divisions idéologiques au sein du peuple ?… On répondrait : par l’élection démocratique d’un Président, d’une Assemblée nationale et des représentants du reste des institutions. Cette hypothèse revient à dire ceci : préservons l’unité du Mouvement populaire pour éliminer l’oligarchie régnante, et, par la suite, affrontons les divergences idéologiques.

Est-on certain que cette méthode serait efficace, et n’entraînerait pas le Mouvement populaire dans l’une des conséquences suivantes : 1) élection de ce qui ne sera rien d’autre qu’une nouvelle oligarchie, moins dominante, mais cependant oligarchie ? 2) donc, des agitations populaires de contestation, mais, alors, plus difficiles car plus subtile est la domination de la nouvelle oligarchie. Il en est ainsi des nations où l’oligarchie régnante est tellement « raffinée » par l’expérience de la domination qu’elle produit le consentement de la majorité de la population, dans les actions pourtant contraires aux intérêts des citoyens (par exemple atteinte au système de sécurité sociale), à l’intérieur du pays, et agressions de leur armée contre des peuples d’autres nations.

Par conséquent, discuter et concilier, de manière démocratique, les divergences idéologiques le plus tôt possible, sans les remettre à une phase ultérieure, n’est-il pas plus pertinent, si l’on tient compte uniquement des intérêts du peuple ? Si oui, comment y parvenir sans se doter d’une structure adéquate, permettant des réunions ?

 

Apprendre la pratique réellement démocratique.

Les assemblées de citoyens pour discuter ensemble, cette structuration n’est-elle pas la meilleure et la plus pertinente manière de stimuler la conscience sociale du peuple, de l’enrichir, de la développer, de la rendre telle que les citoyens deviennent capables de distinguer le plus clairement possible qui est leur adversaire réel, qui est leur ami authentique et qui est leur faux ami donc manipulateur, comment veiller et défendre l’unité et l’intégrité de la nation, comment créer la meilleure relation entre le peuple et l’armée, comment concilier de manière enrichissante les sensibilités et les intérêts des diverses composantes du peuple ?

Ceux qui craignent que donner l’occasion au peuple de discuter de ses divergences idéologiques ferait éclater l’union de ce peuple, cette crainte n’implique-t-elle pas que ce peuple, - dont par ailleurs on tresse les plus admirables louanges en ce qui concerne ses marches hebdomadaires -, que ce peuple donc est incapable d’affronter ses divergences idéologiques de manière démocratique ?… Quelle en est, alors, l’implication sinon que ce peuple n’est pas mûr pour la démocratie ?… De qui est cette allégation depuis toujours et partout ?… De toutes les oligarchies dominatrices du monde, cléricales ou laïques, « libérales » ou marxistes, et de leurs mandarins de service, bien rémunérés.

Certains affirment que le frère Larbi Ben Mhidi aurait dit : « Nous avons trois révolutions à faire : politique, économique et culturelle. Cette dernière est la plus difficile. » Certes. L’histoire montre que l’élément décisif est le culturel ; c’est lui qui détermine, en définitif, la réussite ou l’échec des modifications politique et économique. Alors, ne faut-il pas contribuer, dès maintenant, à ce que le peuple algérien s’occupe de sa révolution culturelle ? Pour la concrétiser, ne doit-il pas compléter ses fêtes hebdomadaires par une structuration lui permettant des échanges et des discussions, au moins une fois par semaine, avec la finalité de disposer de mandataires représentatifs pour se confronter avec l’adversaire contesté ?… On les mettrait en prison ?… Cela fait partie de la confrontation sociale, partout et toujours dans le monde. Aux contestataires de trouver d’autres représentants.

Qu’est-ce qui exprime le mieux l’apprentissage de la pratique démocratique de la part d’un peuple : des manifestations hebdomadaires pacifiques et souriantes, uniquement, ou la capacité de se réunir en petits, moyens et grands groupes pour exprimer et discuter les opinions exprimées, puis décider, en pratiquant la règle démocratique de la majorité ? La question peut être plus largement exprimée ainsi : de quoi a besoin un peuple, uniquement de défoulement public hebdomadaire, ou d’apprendre à pratiquer la démocratie ? Et comment cela est possible sans se doter de structures adéquates ?

Terminons par un dicton populaire italien, valable pour les individus comme pour un mouvement populaire : « Patti chiari, amicizia lunga » (Pactes clairs, amitié longue). Cela suppose de ne pas recourir aux pratiques politiciennes, opportunistes sous prétexte de réalisme. Citons encore une fois le frère Larbi Ben Mhidi : « Jetez la révolution dans la rue, le peuple s’en chargera. » Parmi tous ceux qui admirent ce frère, combien connaissent, mais, surtout, appliquent cette conception ? Paraphrasons cette déclaration : « Que le peuple se structure, et il se chargera de concrétiser ses objectifs. » Aussi, l’auteur de ces lignes déplore vivement de voir des « leaders » plus ou moins spontanés déclarer, durant une marche hebdomadaire, que le peuple doit se contenter de ses marches hebdomadaires, sans nul besoin de se structurer, par crainte de risques divers. N’est-il pas plus pertinent de dire aux manifestants : « Vous voulez la démocratie ?… Prouvez-le en la pratiquant vous-mêmes par une structuration adéquate, créée par vous-mêmes, et capable de neutraliser toute forme d’infiltration manipulatrice ! »

Est-ce là une illusion idéaliste, utopique, aventureuse ?... Un exemple prouve le contraire. Il montre que des citoyens d’obédiences idéologiques diverses sont capables de discuter ensemble en vue d’un objectif commun. Ce fait se réalisa dès le début de l’intifadha populaire. L’initiative ne se généralisa malheureusement pas. Cet exemple montre ceci : ce qui menace l’unité du peuple, ce ne sont pas ses divergences idéologiques, mais l’absence de citoyens les plus conscients pour stimuler la capacité créatrice du peuple dans la pratique démocratique (5). Qui a la fièvre (des manifestations hebdomadaires) mais a peur d’employer le thermomètre (en se structurant) pour en connaître la gravité (des divergences idéologiques), et, donc, savoir le remède à prendre (discussions et décisions démocratiques), ne peut s’attendre à guérir (instaurer un système social sain), mais seulement à voir s’aggraver sa situation. En effet, un mouvement populaire non structuré est sujet, à son insu, de toutes sortes de manipulations (de maladies). Un exemple sera exposé dans une prochaine contribution. Une troisième examinera le problème de la structuration formelle du Mouvement populaire.

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(1) Voir « Structure ou pas de l’intifadha populaire ? » in

https://www.algeriepatriotique.com/2019/11/23/structure-ou-pas-de-lintifadha-populaire/

(2) Voir note 1.

(3) Voir note 1.

(4) L'exercice légitime de l’autorité est le produit d’une volonté populaire exprimée de manière démocratique majoritaire. Encore que, dans ce cas, il faut tenir compte de l’opinion minoritaire, en la laissant s’exprimer librement, car il peut arriver qu’une opinion minoritaire finisse par convaincre de sa justesse par rapport à une opinion majoritaire, laquelle devient, à son tour, minoritaire... À moins que la décision majoritaire vise à éliminer la démocratie, comme ce fut le cas avec la prise du pouvoir par Adolf Hitler, et le risque de prise du pouvoir par l'ex parti "Front Islamique du Salut" en Algérie.

(5) Voir « Que vive la démocratie directe ! » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/08/que-vive-la-democratie-directe.html et le le documentaire vidéo in https://youtu.be/CZgiMergUX0

 

Publié sur Algérie Patriotique en deux parties (27.11.2019 et 28.11.2019) et sur La Tribune Diplomatique Internationale (28.11.2019).

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

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Publié le 25 Novembre 2019

STRUCTURE OU PAS DE L’INTIFADHA POPULAIRE ?

Désolé pour la longueur du texte : l’importance du thème et la nécessaire argumentation l’exigent. Partons d’une anecdote populaire. À une personne qui a faim, l’un offre, avec son plus charmant sourire, du pain ; un autre, au contraire, l’expression sérieuse et préoccupée, propose à l’affamé d’apprendre à fabriquer lui-même du pain.

C’est dire que le premier crée, pour toujours, une dépendance de l’affamé envers lui, et de la reconnaissance ; tandis que le second vise à ce que l’affamé soit totalement indépendant, autonome. Évidemment, offrir un aliment est facile, mais apprendre à se le procurer par soi-même est comparativement difficile. Quant à l’affamé, s’il est conditionné par une mentalité servile, il acceptera la première charité ; si, au contraire, il possède un esprit libre et autonome, il optera pour la seconde solution. Elle exige plus d’énergie, mais règle définitivement le problème de la faim et de la dépendance d’autrui… Bien entendu, l’affamé peut et doit accepter l’offre immédiate, pour satisfaire une nécessité physiologique urgente, tout en décidant d’adopter la seconde solution, à terme plus ou moins long.

Cet exemple est exposé pour comprendre que trop souvent des experts plus ou moins authentiques, de bonne ou de mauvaise foi, exposent un problème social de telle manière qu’il apparaît d’une complexité telle que le lecteur ou l’auditeur ordinaires ou moyens, n’y comprenant rien, sont contraints d’adopter le point de vue de l’expert.

 

Infiltration étatique.

Prenons le cas de l’intifadha populaire actuelle en Algérie. Voici l’argumentation de Laouhari Addi : « Ce serait une erreur stratégique que l’État-major exploitera pour diviser et affaiblir la dynamique du mouvement, comme l’a fait le DRS lors de la protestation populaire en Kabylie en noyautant les ‘arouchs et en provoquant leurs divisions. » (1)

Examinons cet argument. Depuis toujours et partout dans le monde, a-t-on vu un mouvement populaire contestataire ne pas être infiltré par les agents du pouvoir étatique pour le diviser ?… Jamais… Par conséquent, la nécessité du mouvement populaire de se structurer doit tenir compte non pas de ce risque, mais de cette certitude de réaction de la part du pouvoir étatique. En outre, le mouvement populaire, conscient de cette réaction étatique, doit trouver les moyens de la neutraliser.

Comparaison n’est certes pas raison, mais refuser la structuration du mouvement populaire, - quelle que soit sa spécificité, et où qu’il existe dans le monde -, c’est comme si on disait au peuple algérien, avant le déclenchement de la guerre de libération nationale : « Ne te structure pas en Front de Libération Nationale », car l’État français « exploitera pour diviser et affaiblir la dynamique du mouvement » patriotique. En effet, l’État colonialiste alla jusqu’à réussir l’opération d’infiltration dénommée « bleuite », durant laquelle des chefs de la guerre de libération nationale assassinèrent la fleur de l’élite intellectuelle patriotique qui avait rejoint le combat patriotique, mais qui fut soupçonnée, par l’intoxication des « services » de l’armée coloniale, d’être composée d’agents à son service, infiltrés dans l’Armée de Libération Nationale… Malgré ce très grave fait, l’ALN et le FLN ont continué le combat jusqu’à la concrétisation du but : l’indépendance nationale.

À propos d’agents visant à « diviser et affaiblir la dynamique du mouvement », seraient-ils uniquement en provenance de « l’État-major » ?… Est-il correct de négliger d’autres menaces, provenant, par exemple, de l’organisation islamiste comme « Rajah » (2) ?

 

Diversités idéologiques.

Lahouari Addi poursuit : « Le hirak est un mouvement social porteur d’une revendication nationale qui réunit l’ensemble des couches de la société. Il ne peut par conséquent se donner une organisation partisane que se disputeront les différents courants idéologiques dans la société. »

Notons la formule d’implication « par conséquent ». Comment se justifie-t-elle ?… Le texte ne le dit pas. Là, encore, reprenons le cas du mouvement patriotique pour l’indépendance. Il était « un mouvement social porteur d’une revendication nationale qui réunit l’ensemble des couches de la société ». Et il comprenait «  différents courants idéologiques dans la société ».

Ces faits n’ont pas eu la « conséquence » de ne pas créer le Front de Libération Nationale. Cela pour dire que « les différents courants idéologiques dans la société » ne justifient en aucune manière, quel que soit le pays et l’époque, le refus de constitution d’une « organisation partisane ». Et, bien entendu, cela fait partie de l’action que dans cette organisation « différents courants idéologiques » se disputent le leadership, pour finir par voir la composante la plus puissante diriger l’ensemble de l’organisation, sur la base d’une plate-forme commune. Ainsi ont fonctionné non seulement les divers Fronts de Libération Nationale (Viet Nam, Algérie), mais, également, les fronts constitués lors des révolutions : « Commune de Paris » de 1871, révolutions russe, chinoise, cubaine, etc. Dans ces derniers cas, le parti politique le mieux structuré fut le dirigeant de l’ensemble du front contestataire.

 

Leadership-Représentants.

À propos de Front, on note que l’actuel mouvement populaire algérien refuse tout leadership. C’est là une nouveauté caractéristique. Cependant, ce refus est à lire de deux manières totalement opposées.

Hypothèse négative. Le refus du leadership serait téléguidé par des agents occultes (peu importe ici leur identité) qui exercent réellement ce leadership, donc empêche le mouvement populaire de se doter de représentants issus de son sein, par élection démocratique.

Hypothèse positive. Le refus du leadership serait la manifestation de la conscience du peuple des marches hebdomadaires d’éviter la hiérarchisation du mouvement, par l’apparition du phénomène du « Chef Salvateur », du « zaïmisme ». Dans ce cas, le mouvement populaire révélerait une mentalité auto-gestionnaire, ce qui serait merveilleux !… Alors, le mouvement algérien reprendrait le combat réellement émancipateur des peuples, et cela depuis la « Commune de Paris » de 1871, les Soviets russes de 1905 et 1917, la « Commune de Canton » de 1927 en Chine, les « Collettividad » espagnoles de 1936-1939, le surgissement des comités d’autogestion agricole et industrielle en Yougoslavie, puis en Algérie, juste après l’indépendance algérienne.

La participation physique aux marches hebdomadaires en Algérie, ainsi que la vision des vidéos sur les réseaux sociaux indiquent une lutte entre ces deux hypothèses : un leadership imposé de manière occulte, servant une caste visant la conquête du pouvoir étatique, et une vision auto-gestionnaire où le leadership serait exercé par le peuple des marches hebdomadaires.

Mais cette seconde hypothèse bénéficie de peu de voix. L’opinion majoritaire, notamment parmi les intellectuels, dont Lahouari Addi et Youcef Benzatat, dans leurs textes, refusent au mouvement populaire la nécessité de s’auto-structurer.

 

Projet.

Lahouari Addi ajoute, pour justifier sa thèse : « Le hirak n’est pas porteur d’un projet de société ; il est porteur d’un projet d’État où le président et les députés sont élus démocratiquement et non désignés par la hiérarchie militaire. »

Passons sur la discussion pour élucider si un « projet d’État » n’est pas « porteur d’un projet de société ». Supposons qu’il en soit ainsi, et que le mouvement populaire aspire principalement à ce qu’indique Lahouari Addi.

Encore une fois, en quoi ce « projet d’État » justifierait-il le refus de structuration du mouvement populaire ?… Lahouari Addi avance l’argument suivant : parce que « un seul mot d’ordre qui fait sa force : le transfert de l’autorité de l’État à des civils. (…) Il est difficile de diviser le hirak sur cette revendication : dawla madania, machi ‘askaria ».

Si, effectivement, l’exigence de remplacement des militaires par des civils dans la gestion de l’État bénéficie de l’adhésion de tous, essayons de réfléchir davantage.

Le mouvement populaire, de fait, veut un « État civil et non militaire », en estimant qu’ainsi serait établie la démocratie. Mais de quel type de démocratie s’agirait-il ?… Celle capitaliste où l’État serait géré par des hommes d’affaires qui, détenant la puissance économique, feront des dirigeants politiques civils de simples harkis au service d’une oligarchie économique, comme c’est le cas partout dans le monde ?

On objecterait : cependant, dans ce genre de démocratie, il serait loisible au peuple de créer ses organisations autonomes pour défendre ses intérêts spécifiques…. Que l’on cite un seul pays démocratique du monde où cette action populaire a été possible ?… Le système démocratique capitaliste s’arrange toujours, par la puissance de l’argent des actionnaires, à produire le consensus populaire en faveur du système social dominant, en s’appuyant sur le contrôle de... l’armée (3), pour amener le peuple a toujours élire des représentants qui servent les intérêts de l’oligarchie économique… Si, par miracle, le peuple parvient à se révolter, le pouvoir civil fait appel aux… militaires pour le neutraliser, par exemple aux États-Unis contre le combat pour les droits civils, ou en France quand le Président De Gaulle, lors de la révolution de Mai 68, abandonna l’Élysée pour aller se « consulter » avec le … général Massu, stationné en Allemagne avec une partie de l’armée française.

Revenons au mouvement populaire algérien. Pour lui, l’unique possibilité que le remplacement de la gestion militaire par une gestion civile de l’État n’en fasse pas le dindon de la farce, c’est, justement, d’exploiter cette période de faiblesse étatique et d’ébullition populaire, pour se structurer, en tenant compte de ses diverses composantes, de manière démocratique, et en trouvant des solutions pour neutraliser les infiltrations diverses et remplacer les représentants qui seraient emprisonnés.

Le slogan « État civil et non militaire » exige une autre remarque. L’organisation « Rajah » et son représentant actuel le plus en vue, M. Mohamed Larbi Zitout, ont comme principal mot d’ordre : « État civil et non militaire ». Si l’on examine mieux leur position, on note que l’expression qui revient le plus est nuancée : « pas de pouvoir aux généraux ».

Question : est-ce que tous les généraux de l’armée algérienne, qui comprend plusieurs centaines, seraient des corrompus et des anti-patriotes ?… S’ils l’étaient, l’armée algérienne ne serait-elle pas, alors, inféodée aux armées impérialistes et à leurs vassaux islamistes (Arabie saoudite, Émirats, Qatar, Maroc) sans oublier la Turquie ?... Par conséquent, à quoi vise cette accusation générique sur l’ensemble de l’encadrement de l’armée algérienne ?

Approfondissant l’examen. L’organisation « Rachad » et M. Zitout sont très présents dans le mouvement populaire, ouvertement dans les réseaux sociaux, et de manière plus ou moins occulte dans les marches populaires. Des vidéos sur internet montrent que « Rachad » et M. Zitout, sous prétexte de démocratie et de pouvoir aux civils en Libye, avaient défendu et soutenu l’agression contre cette nation des armées néo-colonialistes occidentales, alliées aux oligarchies turque, saoudienne, qatarie et marocaine. Résultat : destruction de l’État et de la nation libyens, à présent la proie des multinationales, dans le domaine économique, et des groupes terroristes islamistes, dans la « gestion » du pays. Certes, la Libye était dirigée par un dictateur, mais il soutenait la lutte du peuple palestinien pour ses droits légitime à posséder une nation, et combattait l’idéologie wahhabite islamiste et des « Frères musulmans », dont M. Zitout et l’organisation « Rachad » font partie.

En Algérie, les dirigeants algériens, certes dictateurs, se caractérisent également par le soutien au peuple palestinien pour une patrie légitime, combattent d’une certaine manière l’idéologie wahhabite islamiste, et ont refusé de faire partie du front, constitué et dirigé par l’oligarchie saoudienne, contre l’Iran puis contre le peuple du Yémen… Ces faits sont condamnables dans la conception idéologique de « Rajah » dont M. Zitout fait partie. Quelle conséquence en tirer ?... Que l’emploi du slogan « État civil et non militaire », par M. Zitout et « Rachad », ne vise pas à l’établissement d’une démocratie civile (ils avaient déjà utilisé cet argument pour justifier la destruction de la nation libyenne), mais à détruire la seule institution en mesure de défendre l’intégrité de la nation algérienne. Or l’existence de celle-ci est contraire à l’idéologie de « Rachad » et de M. Zitout : ils veulent l’établissement d’une « oumma » islamiste, laquelle ne peut exister qu’en éliminant les nations, donc l’instrument principal qui les défend, à savoir l’armée.

Par conséquent, avancer le slogan « État civil et non militaire » n’exige-t-il pas d’être davantage explicité, pour ne pas tomber dans le piège des « Frères musulmans », donc de la destruction de la nation algérienne ?… Et pour ne pas tomber dans ce piège, le mouvement populaire ne devrait-il pas se structurer, afin de débattre et d’élucider le contenu réel de ses slogans, et comment les concrétiser ? Notamment pour écarter de ses rangs pas uniquement un mais deux menaces : d’une part, les infiltrations étatiques, visant à diviser le peuple ; mais aussi, d’autre part, les infiltrations islamistes qui veulent opposer le peuple et l’armée de manière (comme en Irak, en Libye et en Syrie), à l’affaiblir au point de permettre, sous prétexte de sauver le peuple et établir la démocratie, une agression contre l’Algérie, avec le résultat que l’on constate en Irak, en Syrie et en Libye. Ceux qui pointent du doigt uniquement le DRS ou l’État-Major ignorent-ils l’action de l’organisation « Rachad » et de son mentor sur les réseaux sociaux M. Zitout ?

 

Moyen et objectif.

Examinons la partie conclusive de Lahouari Addi.

« Les Algériens seront unis pour arracher la transition vers un régime civil ». Ne faut-il pas préciser de quel type ?… Une démocratie capitaliste oligarchique servirait-elle les intérêts des Algériens ?

« Pour cette tâche, ils [les Algériens] n’ont pas besoin de structures organiques. » Évidemment, pour l’instauration d’un régime civil capitaliste, nul besoin pour le peuple de se structurer en tant que tel. Cependant, Lahouari Addi avance une autre justification : « Il faut juste obliger l’État-major à négocier la transition avec des militants emprisonnés, renforcés par quelques personnalités crédibles qui n’ont jamais eu aucun lien avec le régime. »

Comment, concrètement, « obliger l’État-major » à s’auto-suicider, à travers une transition ? Suffit-il d’avoir été un militant emprisonné pour qu’il mérite de parler au nom du peuple ?… Quant aux personnalités, n’avoir « jamais eu aucun lien avec le régime » suffit-il à leur « crédibilité » ? Par exemple, un Ali Belhadj serait-il dans ce cas ? Et, à l’opposé, si des citoyens proposent (on le voit déjà dans certaines manifestations) M. Mohamed Larbi Zitout comme représentant du « hirak », faut-il le refuser parce qu’il eut dans le passé un lien avec le régime (il était militaire durant la répression d’octobre 1988, puis diplomate) ?… Enfin, qu’en est-il du principe de l’élection démocratique par le peuple ?… Évidemment, pour que celui-ci puisse l’exercer, il faut qu’il se structure. Mais cet objectif lui ai dénié.

 

Perspective.

« Le hirak réussira parce que son objectif est clair et correspond à une profonde aspiration nationale à laquelle adhèrent aussi beaucoup de militaires : un État de droit dirigé par une élite sortie des urnes et non fabriquée artificiellement dans les laboratoires de la police politique. »

Après l’exposé qui vient d’être présenté, peut-on affirmer « le hirak réussira parce que son objectif est clair » ?... Où est la preuve de cette clarté ? Où est la preuve que « beaucoup de militaires » y adhèrent ? Quelle est la nature de cette « élite » qui sortirait des urnes, quand elle serait choisie par un peuple dépourvu de structures autonomes, donc de conscience propre de ses propres intérêts ?

Que convient-il au peuple : se faire offrir le « poisson » d’une « démocratie » gérée par une « élite » de civils, ou que le peuple « apprenne à pécher », en se structurant de manière à gérer lui-même sa nation, à travers des institutions inédites, produisant ses authentiques représentants ? N’est-ce pas là que serait, alors, pour le mouvement populaire algérien la réalisation d’un miracle en fournissant au monde entier le meilleur exemple d’émancipation d’un peuple par lui-même ?

 

Risques et difficultés.

Terminons par des remarques qui rejoignent à leur manière celles de Lahouari Addi. Un commentateur d’une précédente contribution de l’auteur de ces lignes déclare, à son propos : « (il veut qu’on [le « hirak »] travaille sur des propositions politiques sous la pluie et sur le bitume car il sait que Gaid Salah refuse aux opposants des salles de 20 places et plus)» (4). Un autre commentateur écrit : « Nommer ses (du « hirak ») leaders, c’est les précipiter dans les géôles de GS, c’est courir le risque de décapiter le mouvement. »... Un troisième affirme : « pas désigner des représentants car ils seront emprisonnés ou soudoyés ». Youcef Benzatat déclare : « Désigner des représentants dans ces conditions s’avère être suicidaire pour la Révolution. En plus du risque de son implosion, qui serait provoquée par des divergences insurmontables entre ses différentes composantes partisanes, il y a aussi et surtout les risques d’infiltration, de manipulation et de toute forme de récupération par des forces contre-révolutionnaires. » (5)

 

Voix des partis politiques.

Le président de Jil Jadid, M. Sofiane Djilali, pose des questions contenant leurs réponses : «Comment peut-on vouloir la démocratie et organiser en même temps un peuple au sein d’une même structure en lui déniant, ce faisant, le droit à la pluralité ? Comment peut-on désigner des représentants d’un peuple pour les cantonner dans la position d’un interlocuteur face à un pouvoir d’Etat ? Le peuple élit des dirigeants d’un pays et non pas des porte-parole pour quémander des droits »» (6).

Est-ce une vérité absolue qu’une « une même structure » dénie automatiquement « le droit à la pluralité » ?… Les diverses formes de front politique ou social n’ont-elles pas, généralement, non seulement admis mais trouvèrent leur force dans la « pluralité » ?… Par exemple, le « Front populaire » de 1936 en France, le F.L.N. de la guerre de libération nationale en Algérie, l’ « Alliance populaire » de Salvador Allende au Chili au début des années 1970, et autres exemples ?

Quand aux représentants du peuple, effectivement, il est nécessaire non pas de les désigner, mais qu’ils soient le résultat d’une élection démocratique. Certes, des élections traditionnelles, pratiquées dans les « démocraties » dites « libérales », agissent de cette manière. Avec le résultat que l’on sait : une caste dominant le peuple... Mais des expériences historiques de réel changement de système social, en faveur du peuple, ont montré une autre manière d’élire les représentants du peuple. C’est le cas de la « Commune de Paris » de 1871, des soviets russes (avant leur récupération par les bolcheviks), des « Colletividad » espagnoles durant la guerre civile espagnole de 1936-1939, et, dans une moindre mesure, les comités d’autogestion agricole et industrielle en Algérie en 1962. Il est vrai que, dans ces cas-là, on ignora les partis politiques, les sachant composés d’une caste élitiste dominatrice et privilégiée, et que le peuple disposa de ses authentiques représentants.

Aussi, il n’y a pas à s’étonner de voir le président du parti politique « Jil Jadid » conclure ses assertions en considérant les partis politiques comme « l’échine de la démocratie », en estimant que « pour animer une démocratie, il est nécessaire d’avoir des hommes et des femmes politiques capables d’assumer leur rôle ». Que signifie ce jugement sinon que le peuple des marches hebdomadaires est incapable de reconnaître en son sein et de choisir ses représentants en dehors des partis politiques, dont celui de M. S. Djilali ? Évidemment, ce dernier, vu sa position, peut-il arguer pour autre chose que pour son moulin ? Mais quelle fut, jusqu’à aujourd’hui, son action réelle pour l’émancipation du peuple ?


 

Rappel historique.

À toutes ces objections, l’histoire des peuples répond, si l’on prend la peine de l’étudier sans préjugés élitistes : partout et depuis toujours, tout mouvement populaire contestataire voit surgir contre lui les réactions de ses adversaires, ouvertes et occultes, jusqu’à, en dernier recours, la répression armée et les massacres. Et partout et toujours, un mouvement populaire voit des partis politiques tenter de l’infiltrer pour s’en déclarer le représentant, afin de le faire servir à leurs intérêt de caste politique.

Si le mouvement populaire est incapable d’affronter efficacement tous ces dangers, son action est vouée à l’échec, à moins de … se structurer de manière autonome.

Quant à la « transition », comment éviter qu’elle n’accouche d’une nouvelle oligarchie, moins cruelle mais néanmoins oligarchie, si le peuple n’a pas de moyen de peser sur la balance du rapport de force avec ses adversaires ?… Quel est ce moyen pour le peuple, sinon de disposer de sa structure autonome pour défendre efficacement ses intérêts ?

À propos de ceux qui estiment que le peuple algérien, et cela malgré neuf mois de mobilisation dans les rues, n’a pas besoin de se structurer, faisons deux remarques.

Dans le domaine social et politique, le déni de structuration du peuple est une conception partagée par les officines impérialistes des « révolutions colorées » et du « printemps arabe », ainsi que par les oligarchies autochtones. Les unes et les autres, poursuivant leur intérêt spécifique, veulent disposer de la gestion-contrôle du peuple.

Seconde remarque. Le déni de structuration du peuple est identique à celui formulé par les capitalistes, privés ou étatiques, qui dénient aux travailleurs de se structurer en syndicat. Les négateurs arguent, les uns du risque d’infiltrations, d’arrestations et de divisions au sein des travailleurs ; les autres estiment représenter et défendre mieux les intérêts des travailleurs que ces derniers eux-mêmes.

Autre constatation. Depuis l’indépendance, à part la phase d’autogestion agricole et industrielle, tellement de partis politiques et tellement de « personnalités » ont cru pouvoir satisfaire les intérêts du peuple, sans lui proposer de s’auto-structurer. On constate les résultats. Malgré ce lamentable échec, certains continuent à nier au peuple de se structurer, et cela avec les mêmes arguments.

Pourtant, voilà plus d’un siècle, un slogan proclama : « L’émancipation des travailleurs ne peut être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », tandis qu’un ouvrier cordonnier chanta : « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes ! »… Est-ce là seulement des paroles d’utopistes et d’aventuristes irresponsables ?… L’histoire ne jugera pas, elle a déjà prononcé son verdict, et les victimes sont les peuples, parce qu’ils n’ont pas su se structurer de manière efficace, pour se sauver eux-mêmes. Ne serait-ce que pour discuter ce problème, le peuple des marches hebdomadaires ne devrait-il pas trouver le moyen de se rencontrer et d’exprimer ses opinions ? N’est-ce pas ce qui urge le plus au mouvement populaire, s’il veut rendre réellement efficaces ses marches hebdomadaires ? L’auteur de ce texte a déjà posé ce problème tout au début du mouvement populaire (7).

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(1) In https://web.facebook.com/lahouari.addi/posts/2432467403636420?_rdc=1&_rdr

(2) Une prochaine contribution y sera consacrée. Entre-temps voir https://www.youtube.com/watch?v=Q3k23lqHnu8

(3) "Le complexe militaro-industriel", selon l’expression d'Eisenhower lors du discours de clôture de son mandat présidentiel.

(4) Voir « Qui gère l’intifadha populaire ? » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/11/qui-gere-l-intifadha-populaire.html

(5) In https://www.algeriepatriotique.com/2019/11/21/une-contribution-de-youcef-benzatat-le-joker-cache-de-letat-major-de-larmee/

(6) In https://www.algeriepatriotique.com/2019/11/21/sofiane-djilali-structurer-le-hirak-en-un-mouvement-unique-est-une-aberration/

(7) « Du cri à l’organisation », 27 février 2019 in https://www.algeriepatriotique.com/2019/02/27/du-cri-a-lorganisation/#comments

 

Publié sur Algérie Patriotique (23.11.2019, La Tribune Diplomatique Internationale (24.11.2019).

Le Matin d’Algérie a refusé la publication de ce texte, avec cette motivation :

Pourtant, la ligne éditoriale de ce journal se proclame contre toute forme de censure, et le journal critique toujours la censure journalistique étatique. Ses lecteurs savent maintenant la vérité.

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

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Publié le 21 Novembre 2019

Le Mouvement populaire algérien doit se libérer de ses chaînes pour arracher ses revendications. PPAgency

Le Mouvement populaire algérien doit se libérer de ses chaînes pour arracher ses revendications. PPAgency

Un proverbe populaire algérien conseille : « Dîr â’lî yi bakkîk ou mâ dîrch â’lî idhahak bîk » (Tiens compte de celui qui te fait pleurer, et non pas de celui qui fait rire de toi). En quoi ce conseil peut-il s’appliquer à l’actuelle intifadha populaire algérienne ?

 

Constatations.

On constate, depuis son surgissement, que celle-ci a très visiblement été non pas l’action spontanée du peuple des manifestants, mais d’agents occultes (il ne s’agit pas dans ce texte de savoir lesquels) qui ont su manœuvrer cette population. Preuve en est le fait que les manifestations ont eu lieu le même jour, à la même heure, a la même occasion (sortie de la prière collective du vendredi dans les mosquées), dans toutes les localités importantes du territoire, avec quasi les mêmes slogans. Le principal fut : « Yatnahaw gaâ ! » (Qu’ils dégagent tous ! »), en allusion aux membres de l’oligarchie dominante.

On relevait deux fait importants et significatifs. D’une part, les manifestants se limitaient à rejeter, à refuser en quémandant à l’autorité étatique, au lieu de présenter leur programme et de le mettre en action sans rien attendre de cette même autorité étatique. D’autre part, les manifestants jugeaient inutile de se doter de leur organisation autonome, en dehors des marches publiques, pour, en complément de l’action pacifique et festive, de se rencontrer dans le calme, dans des lieux choisis par eux, pour discuter de manière approfondie entre eux et, progressivement et démocratiquement, établir leur programme social, et élire des représentants avec mandat impératif pour le concrétiser, en affrontant l’adversaire oligarchique.

Les arguments consistant à justifier le refus de cette auto-organisation (par des infiltrations diverses, l’arrestation de dirigeants, disputes de leadership, etc.) sont tous, sans exception, infondés, sinon formulés par les agents qui manipulent le mouvement populaire. En effet, si le mouvement populaire n’est pas manipulé, de manière à agir pour un intérêt qui n’est pas le sien mais celui d’une caste élitaire, pourquoi donc ce mouvement populaire se contenter de réagir à des actions du pouvoir oligarchique, avec des « Non » à ceci et à cela, sans se doter de sa propre auto-organisation horizontale, dans toutes les localités, afin de produire son propre programme autonome et ses propres représentants élus démocratiquement, sur mandat impératif ?

L’histoire est là pour l’enseigner : partout dans le monde, jamais des manifestations populaires, quelque soit leur importance, n’ont abouti à un pouvoir authentiquement populaire, mais uniquement à l’instauration d’une nouvelle oligarchie, peut-être moins dominatrice-exploiteuse, mais néanmoins dominatrice-exploiteuse. Quant à l’actuel mouvement populaire algérien, soyons objectifs, même si le constat est amer : qu’a-t-il obtenu sinon d’avoir été, jusqu’à présent, une masse de manœuvre pour chasser une partie de l’oligarchie au profit d’une autre partie (ce que le mouvement populaire reconnaît lui-même), de subir des mesures répressives, et des actions qui le mettent sur la défensive en lui créant des problèmes ?

Voici le plus grave : les élections présidentielles. Ainsi, le peuple des manifestants hostile aux élections se voit contraint d’affronter une autre partie du peuple favorable à ces mêmes élections. Laissons de coté la nature de cette minorité de citoyens, par qui, comment et pour quel motif ils sont apparus sur les places publiques. Considérons uniquement les citoyens ordinaires parmi ceux favorables aux élections. Le principal est ceci : des citoyens opposés les uns aux autres. Ainsi, la traditionnelle règle oligarchique est appliquée : « diviser pour régner ». D’où les risques d’actions non pacifiques et non démocratiques de la part des partisans (ou de provocateurs infiltrés) du mouvement populaire sont évidents, ce qui lui ferait perdre sa crédibilité (1) et justifierait l’action répressive de l’État au nom de la… démocratie, à savoir le respect du choix d’une partie des citoyens pour les élections présidentielles. Reconnaissons que cette tactique est très intelligente.

Pour l’instant, du coté du mouvement populaire, des vidéos montrent des citoyens qui vilipendent des candidats officiels à l’élection présidentielle venus parler dans un lieu public, des portraits de candidats barrés par de gros traits de peinture noire, des affiches électorales remplis de sacs de poubelles symbolisant la « chkara » (sac) de la corruption, ou les visages des candidats officiels remplacés par les ceux de Lakhdar Bouregaâ et d’autres personnalités acceptés par le mouvement populaire. Enfin, dans certains endroits, des citoyens du mouvement populaire obstruent avec des briques et du ciment des locaux servant au déroulement du vote. Cette dernière action, en particulier, respecte-t-elle la règle de la démocratie ?… Toutes ces réactions de citoyens sont significatives, mais quel en est l’effet réel, en considérant le résultat qu’aurait l’auto-organisation pacifique et démocratique d’une campagne d’élections présidentielle entièrement proposée et gérée par les membres du mouvement populaire ?

 

Questions.

Dès lors, une question surgit : pourquoi le peuple des marches hebdomadaires contestataires ne se crée pas ses propres élections présidentielles ?… S’il n’en pas les moyens, quelle est alors son influence dans le rapport des forces entre lui et son adversaire étatique ?… Oh ! Il ne s’agit pas de bénéficier d’un avion spécial, de beaucoup d’argent et de relais administratifs, sans oublier le soutien de l’État, comme c’est le cas du « candidat » Abdelmajid Tebboune. Ce dont le mouvement populaire a besoin, c’est de citoyens et citoyennes capables de ne pas se contenter des marches hebdomadaires de protestation, mais de s’asseoir, se mettre à table, une ou plusieurs fois par semaine, en dehors du travail, pour passer de la phase du quémandeur auprès des autorités étatiques au stade d’agent social de proposition, en disposant des moyens dont bénéficie l’adversaire étatique : 1) des institutions, celles-ci démocratiques et représentatives du peuple (comités, assemblées), allant de la base locale périphérique à un centre national : 2) de représentants élus sur base de mandat impératif et agissant bénévolement ; 3) d’un programme autonome, concret, clair et précis. Sans ces trois moyens, quelle chance, objectivement, aurait le mouvement populaire de n’être pas manipulé comme masse de manœuvre, mais un agent social autonome, réellement libre et solidaire, pour éliminer un système social oligarchique au bénéfice d’un autre répondant aux intérêts légitimes de la collectivité toute entière de la nation ?

Il est vrai que, très malheureusement, l’histoire sociale du peuple algérien dispose d’un bagage très petit en matière d’auto-organisation. Il y eut seulement, après l’indépendance, la brève période d’autogestion agricole et industrielle, puis, en 2001, l’expérience des « archs » (assemblées villageoises) en Kabylie. Mais, généralement, le peuple fut toujours utilisé comme masse de manœuvre pour servir des intérêts autres que les siens, de manière ouverte, avec des partis politiques (oligarchiques ou d’opposition) ou de manière occulte par des organisations telle « Rachad » (2), sans oublier les manipulations étatiques ou étrangères (occidentales et moyen-orientales, et même marocaines).

Un peuple peut-il être sauvé par d’autres que par lui-même, donc par son auto-organisation autonome ?… En Algérie, actuellement, l’inexistence de comités ou assemblées citoyennes, de manière horizontale, du niveau local à celui national, ne laisse-t-elle pas, pour le moins, perplexe ? Ne constitue-t-elle pas pour le mouvement populaire l’indice le plus préoccupant ? Les animateurs (bien que non déclarés publiquement) du mouvement populaire ont démontré leur magistral encadrement des marches hebdomadaires, et cela depuis huit mois. Pourquoi, durant tout ce laps de temps, ces animateurs n’ont pas contribué à doter ce mouvement populaire des moyens organisationnels pour s’auto-gérer, afin de décider réellement lui-même de son destin ?… Incompétence ou manipulation ? (3) Osons l’hypothèse ! Est-ce que les animateurs du mouvement populaire ne sont pas, eux aussi, des manipulateurs qui le gèrent pour des intérêts qui ne sont pas réellement ceux du peuple, mais d’une caste pour l’instant soigneusement occultée, mais dont le but est évident : prendre le pouvoir ?… Certains jugeront que cette question porte atteinte à la bonne foi de ces animateurs, donc au mouvement populaire. D’autres iront jusqu’à accuser l’auteur de cette hypothèse d’être un agent manipulateur. Voici la réponse. Ne jamais se fier aux apparences, mais savoir distinguer les vrais et faux amis du peuple ; pour y parvenir, avoir clairement à l’esprit les intérêts réels du peuple, et cette leçon de l’histoire : le peuple a été tellement de fois trompé et manipulé dans le monde entier, y compris par ceux qui avaient subi les pires souffrances dans la lutte pour ce qu’ils proclamaient être l’émancipation du peuple.

Pour reprendre le proverbe populaire cité au début de ce texte, disons que si les marches populaires sourient, chantent et dansent avec raison, admirées par le monde entier, ne manquent-elles de leur complément indispensable : la sueur des rencontres quotidiennes pour se doter des moyens qui, seuls, transformeront le mouvement populaire en agent social déterminant ?… Certes, les changements sociaux radicaux, à l’époque actuelle, exigent l’action pacifique, et, pourquoi pas, joyeuse, mais celle-ci n’est qu’un défoulement cathartique, récupérable par d’autres, en absence de structures organisationnelles créées et gérées par le peuple afin de concrétiser ses objectifs. Les « révolutions colorées » et les événements de ce qu’on appelle le « printemps arabe » en sont la preuve la plus convaincante.

 

Comprendre pour transformer.

Terminons par une anecdote d’origine chinoise. Un vieillard, assis, vit passer un jeune homme. « Où cours-tu si vite ? » demanda le premier au second. « Je vais faire la révolution ! », répondit l’interpellé. « Ah, bon !… répliqua le vieillard. S’il te plaît, assieds-toi et explique-moi comment tu feras. » - « Je n’ai pas le temps, il me faut unir aux autres », s’excusa l’enfiévré. « Mais, alors, objecta le vieillard, si tu n’as pas le temps de m’expliquer ce que tu vas faire, comment espères-tu faire cette chose si difficile qu’est une révolution ? » Dit de manière synthétique, l’anecdote signifie : vouloir transformer, c’est bien, mais comment y réussir sans comprendre quoi, par qui et comment transformer ? Finissons par une fameuse déclaration d’un spécialiste militant des changements sociaux : « Faire la révolution à moitié, c’est creuser son propre tombeau » (Saint-Just). Ce fut partout le cas, et que l’on ne vienne pas objecter que l’époque actuelle est différente : en quoi ?... Quand donc le peuple et ses vrais amis tiendront compte de cette constatation empirique ? (4)

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(1) Voir « Comment agir avec les partisans de l’élection présidentielle ? » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/11/comment-agir-avec-les-partisans-de-l-election-presidentielle.html

(2) Voir https://www.youtube.com/watch?v=Q3k23lqHnu8

(3) Une prochaine contribution examinera ce problème en évoquant un cas particulier de manipulation.

(4) Une prochaine contribution répondra à l'article "Le hirak n'a pas vocation à être structuré" de Lahouari Addi.

 

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Publié le 19 Novembre 2019

Des citoyens accrochent des sacs de poubelles (symbole de corruption) pour dénoncer l'imposture des élections présidentielles en Algérie, 2019

Des citoyens accrochent des sacs de poubelles (symbole de corruption) pour dénoncer l'imposture des élections présidentielles en Algérie, 2019

Respect du principe démocratique.

 

Concernant ces personnes, on constate ici et là, de la part des opposants à l’élection présidentielle, des expressions de mépris, des insultes, l’appel à leur cracher dessus ; certains passent même aux actes en les huant ou en les chassant de l’endroit où ces partisans des élections manifestent leur soutien.

Ce genre de comportement est-il compatible avec le principe démocratique dont se déclarent les opposants à ces manifestations de soutien aux élections présidentielles ?... Si les anti-démocrates emploient systématiquement la règle « la fin justifie les moyens », des démocrates authentiques ne doivent-ils pas se conformer absolument à la règle contraire, à savoir que les moyens doivent refléter la fin ? Autrement dit, que vouloir la démocratie exige l’emploi de moyens démocratiques.

En l’occurrence, en quoi consistent-ils ?… À respecter que des citoyens expriment librement leurs opinions contraires à celles du mouvement populaire. Autrement, on est dans un comportement dictatorial.

Ajoutons que maltraiter en paroles ou, pire encore, en actes ces partisans d’élections présidentielles dénote un manque de conscience sociale. En effet, parmi ces partisans certains sont, bien entendu, des bureaucrates du système oligarchique dominant. Mais d’autres, peut-être la majorité, sont des citoyens ordinaires, mais dépourvus de la conscience leur montrant qu’ils sont, eux aussi, des opprimés, mais ne s’en rendant pas compte, car aliénés idéologiquement. Qu’on les traite de « tubes digestifs ambulants », de « cachiristes » et autre prouve uniquement que l’auteur de cette accusation ne comprend rien aux mécanismes de l’oppression sociale. En effet, est-il conséquent de mépriser et d’insulter des personnes conditionnées à agir contre leur propre libération, ajoutant ainsi au mépris des oligarques celui des démocrates ? En outre, est-ce la haine qui peut faire prendre conscience à des citoyens ordinaires que la position choisie par eux est une erreur, au détriment de leurs intérêts réels ? Ajoutons ceci : tout citoyen a le droit imprescriptible d’exprimer publiquement et pacifiquement son opinion, quelque soit sa nature.

Il est vrai que le surgissement des partisans des élections présidentielles risque de créer des tensions et divisions au sein du peuple. Cependant, ce phénomène est caractéristique de toute démocratie authentique. Et celle-ci exige le respect du choix minoritaire, quitte à le mettre en question mais uniquement par le débat et la manifestation pacifiques, tant que le choix minoritaire s’exprime de manière pacifique.

 

Importance de la confrontation des idées.

 

Mais voilà l’aspect positif, à savoir exploiter. D’une certaine manière, la présence dans l’espace public des partisans des élections présidentielles offre l’occasion aux membres du mouvement populaire de les connaître, et, par la discussion, de vérifier la validité des choix des uns et des autres. Aux plus conscients et honnêtes citoyens de convaincre leurs compatriotes de leur erreur. Et si les premiers n’y réussissent pas, qu’ils s’en prennent non pas aux seconds, en les accusant d’imbécillité et de traîtrise, mais à leur propre incapacité de convaincre.

N’est-il pas plus indiqué de faire coïncider le but démocratique (respectant l’opinion contraire) et émancipateur (donc désaliénant) avec des moyens de même type ?… En l’occurrence, concernant les citoyens partisans des élections présidentielles, ne faut-il pas s’efforcer le plus possible à créer avec eux une discussion, un dialogue, un échange de points de vue ? Et, pour y parvenir, ne faut-il pas d’abord laisser parler et entendre les opinions adverses, et uniquement ensuite savoir en démontrer l’erreur ?… Qu’on le veuille ou pas, là est le principe de la démocratie, et il est fondamental de le respecter dans toutes les circonstances où la confrontation se manifeste, non par la violence, mais uniquement avec la manifestation publique, la parole et les idées.

Certes, la confrontation verbale est difficile, d’une part, parce que l’on s’adresse à des citoyens conditionnés (matériellement et idéologiquement), et, d’autre part, contrôlés par des « accompagnateurs » qui les manipulent. Sans oublier la pression émotionnelle qui fait parler tous à la fois, en n’y comprenant rien et en laissant chacun sur ses positions. Changer les choses exige le maximum de maîtrise de soi, d’intelligence et de respect de l’opinion autrui, quelque soit sa nature. Et plus celle-ci est inacceptable, plus il est indispensable de l’affronter avec mesure et intelligence, car il s’agit de désaccords entre citoyens, parfois même entre des opprimés dont certains, par conditionnement, ignorent leur oppression.

Le respect du choix d’autrui et le recours au dialogue pour en examiner le bien fondé ne sont-ils pas la seule manière pour des démocrates authentiques de manifester la valeur, d’une part, de la démocratie, et, d’autre part, de leurs idées ? Si les dictateurs et les totalitaires visent uniquement à vaincre, en recourant à tous les moyens jusqu’à l’emploi de la violence (verbale d’abord, ensuite physique déguisée ou directe), les démocrates réels, eux, ne doivent-ils pas se soucier uniquement de convaincre, et de vaincre uniquement par la confrontation pacifique des idées en matière de liberté, d’égalité et de solidarité sociales ?

 

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Publié le 13 Novembre 2019

A gauche, manifestation populaire pour l'indépendance de l'Algérie (1962). A droite, manifestation populaire pour la libération sociale du peuple algérien (2019).

A gauche, manifestation populaire pour l'indépendance de l'Algérie (1962). A droite, manifestation populaire pour la libération sociale du peuple algérien (2019).

Institutions.

En ce qui concerne l’actuelle intifada populaire en Algérie, que le nombre des manifestants hebdomadaires soit plus grand ou moindre, c’est là un aspect uniquement tactique. Le problème fondamental est, désormais, de savoir si ce peuple contestataire a réellement assimilé toute son histoire passée. En effet, il est vrai que la forme manifestation de rue fait partie du « bagage » d’expériences du peuple algérien, et cela depuis la Guerre de libération nationale. Mais l’irruption des comités de gestion, juste après l’indépendance, cette expérience ne fait-elle pas, tout autant, partie intégrante de l’histoire émancipatrice du peuple algérien, comme indépendance sociale ?

Certes, cette expérience autogestionnaire fut très vite éliminée par les dirigeants prétendument « socialistes » de l’oligarchie naissante ; ils la stigmatisèrent comme socialement un désordre, et économiquement une faillite. En réalité, ce furent là des mensonges éhontés. En fait, les comités d’autogestion furent socialement un ordre nouveau, un authentique ordre, car exercé par et pour le peuple travailleur, et la production économique fut meilleure que celle du temps des patrons colonialistes. Malheureusement, la caste ayant conquis le pouvoir étatique, - par le putsch militaire du colonel Boumediène, masqué par la figure civile à son service, Ahmed Ben Bella -, ne pouvait exister, s’accaparer les richesses de la nation, sans éliminer toute forme de gestion par et pour le peuple. La contre-révolution se réalisa d’une part par la terreur, et, d’autre part, par une démagogie soigneusement conçue, mêlant « socialisme », « patriotisme » et religion (déjà), avec le concours, - bien rétribué -, des intellectuels mandarins-harkis du système social dominateur.

Cette occultation de l’efficacité réelle, sociale et économique, des comités d’autogestion, malgré les obstacles qu’ils rencontrèrent, ne se reflète-t-elle pas, aujourd’hui, dans le soulèvement populaire ? En effet, après huit mois, il n’a pas produit d’institutions (comités, assemblées ou autre) pour auto-gérer ses actions, de manière à se doter de ses propres institutions, en contrepoids à celles de l’oligarchie.

Par conséquent, ce mouvement populaire, dont les marches sont impressionnantes par leur organisation et leur pacifisme ainsi que par leurs slogans très pertinents, ce mouvement donc ne demeure-t-il pas, socialement, une révolte, une jacquerie, un défoulement, et non pas une révolution ?… Rappelons que la révolution se caractérise par l’abolition d’un système social oppresseur au bénéfice d’un autre émancipateur pour l’ensemble du peuple, et que ce changement s’opère soit par la création d’institutions populaires en remplacement de celles contestées, ou par le remplacement du personnel dans les institutions étatiques en place, cette fois-ci élu démocratiquement par le peuple.

Or, huit mois après, le mouvement populaire algérien, en est encore à crier « yatnahou gaâ ! » (qu’ils dégagent tous !). Pis encore : ce mouvement populaire se voit proposer des candidats à l’élection présidentielle qui sont des éléments même du système social contesté. Le mouvement populaire, lui, se contente de marcher hebdomadairement, tandis que ses adversaires prennent la précaution de s’organiser de mieux en mieux, de toutes les manières et dans tous les domaines, pour mettre fin au mouvement populaire.

 

Force et levier.

Certains affirment qu’aucune personne ne peut représenter ce peuple de manifestants, parce que le mouvement populaire se suffirait à lui-même, en prétextant qu’il s’agit là d’un phénomène nouveau, « post-moderne », différent et inédit par rapport aux phénomènes du passé.

Où sont les preuves concrètes et convaincantes de ce genre d’affirmation ?… Que l’on prenne la peine de considérer, avec le sérieux requis, l’histoire des mouvements populaires, jusqu’aux plus récents. Affirmer qu’un mouvement populaire de rue se suffit à lui-même pour abolir un système social oligarchique au bénéfice d’un autre démocratique, cela n’a existé en aucun lieu de la planète, jusqu’à aujourd’hui. Tout au plus, ce genre de mouvement populaire n’a abouti qu’au remplacement d’une caste dominatrice par une autre. Preuve en sont les soit disant « révolutions colorées ».

Aussi, il est absolument légitime de se méfier des voix qui font l’éloge le plus dithyrambique (attention au renard de la fable !) du mouvement populaire contestataire pacifique, en lui donnant l’illusion que seulement de cette manière il réaliserai son but émancipateur. Cette conception occulte la nécessité stratégique pour le mouvement populaire de se doter d’une auto-organisation horizontale partout où cela est possible, sous forme de comités ou d’assemblées (1).

Considérons l’affirmation consistant à dire que personne ne peut représenter le mouvement populaire. Objection : un mouvement social incapable de se doter de représentants, en reflétant démocratiquement ses diverses tendances, comme il le fait dans la rue, ce mouvement comment pourrait-il concrétiser ses buts ? Pour employer une métaphore, disons que les manifestations hebdomadaires sont à l’instauration de comités (assemblées) de base comme la force est au levier. L’une exige l’autre.

 

Risques.

Bien entendu, constituer des comités de base, desquels surgirait démocratiquement une direction collégiale, reflétant toutes les tendances du mouvement populaire, ce processus implique de sérieux risques. Le plus grave n’est pas l’arrestation ou même l’assassinat des représentants du peuple, mais l’infiltration manipulatrice de la part des services étatiques. Le but de cette dernière, - en jouant notamment sur l’ethnie, la religion -, est la division pour la neutralisation sinon la désintégration du mouvement populaire, quand pas lui faire servir les intérêts exactement opposés aux siens propres. Partout et toujours dans le monde, cette technique est de « bonne guerre », comme on dit. Il faut donc savoir affronter ce problème d’infiltration de manière efficace. À l’intelligence du peuple (et de ses animateurs sincères) de résoudre ce problème, comme c’est jusqu’à présent le cas dans l’organisation des marches hebdomadaires. Ces marches, également, ont subi des tentatives de manipulations diverses, cependant mises en échec. Ce fait n’encourage-t-il pas à savoir comment éviter cette même infiltration-manipulation des comités (assemblées) créés par le Mouvement populaire ?

 

Deux leçons.

Quelque soit le mouvement populaire, où est la condition de sa victoire sans capables de concrétiser les objectifs de ce mouvement populaire ?

Pour parvenir à se doter d’institutions autonomes, le peuple algérien dispose de deux leçons du passé. La constitution du Front de Libération Nationale, réunissant toutes les forces patriotiques, permit au peuple de s’émanciper de l’oligarchie coloniale ; puis, juste après l’indépendance, le surgissement de comités de gestion permit la continuation, en mieux, - il faut le souligner ! -, de la production économique.

Dès lors, ne serait-il pas opportun de constituer un Front de Libération, cette fois-ci Sociale, rassemblant toutes les forces authentiquement démocratiques, et de créer des Comités (ou Assemblées) d’Autogestion, cette fois-ci encore Sociale, pour construire un système social libre, égalitaire et solidaire, conforme aux intérêts du peuple ?… Pour y aboutir, n’est-il pas indispensable d’extirper de la mentalité la néfaste ambition du « leadership », du « zaïmisme » et de l’autorité hiérarchique, pour pratiquer la gestion collective, basée sur l’autorité également collective du peuple dans ses diverses composantes ? N’est-ce pas ainsi que la Déclaration du 1er Novembre 1954 et la Charte de la Soummam de 1956 seront le mieux concrétisées, et, alors, la contre-révolution oligarchique sera finalement remplacée par une authentique révolution sociale populaire ?

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(1) Voir les dernières contributions dans la rubrique « Autogestion » in http://kadour-naimi.over-blog.com/tag/autogestion/

 

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 11 Novembre 2019

Lakhdar Bouregaâ : Représentant d’Honneur du peuple algérien

Enfin !… L’intifadha populaire a créé sa figure représentative la plus exemplaire, la plus significative, la plus symbolique. Cette figure lie le combat passé de libération nationale au combat actuel de libération sociale. Cette figure est incarnée par un homme. Il fut un combattant de la guerre de libération nationale, il fut un combattant contre le putsch militaire de 1962, il fut un combattant irréductible contre le régime qui, depuis lors, a dominé et exploité le peuple algérien ; et, par conséquent, jusqu’à aujourd’hui, cet homme continue à combattre pour la dignité de ce peuple algérien, dont il fait partie… Jusqu’à être condamné à la prison ! Pour en connaître le motif, il suffit de connaître les déclarations franches et sans ambiguïté aucune de cet homme. Et, là encore, de la prison, il continue à combattre en soutenant le salutaire soulèvement en Algérie pour la libération du peuple du colonialisme interne qui l’opprime pour le déposséder de ses richesses nationales, et le faire « suer du burnous », avec le même mépris et la même arrogance que celle des ex-colonialistes étrangers. Et, encore en prison, ce combattant déclare qu’il n’en sortirait pas tant que le dernier des emprisonnés du mouvement populaire ne sera pas libéré. Et, last but not least, cet homme, qui fut officier durant la guerre de libération nationale, n’a jamais, après l’indépendance, sollicité quiconque pour devenir un « leader », un « chef », un « homme d’affaires », une personne du « régime », un ministre ou une « personnalité » d’un « tiers présidentiel ». Cet homme ne fut jamais, à quelque titre ou forme que ce soit, un membre de l’oligarchie régnante ; tout au contraire, il la toujours dénoncée clairement… Cet homme n’a donc jamais fait de son engagement patriotique un investissement pour s’enrichir de manière illégitime, au détriment de son peuple, et en s’accoquinant avec des entreprises étrangères néo-colonialistes. Et, pour terminer, cet homme ne s’est pas contenté de se taire, en jouissant de ce qui lui restait à vivre ; au contraire, répétons-le, il a combattu et dénoncé publiquement le colonialisme interne. Vous l’avez deviné : c’est notre frère aîné Lakhdar Bouregaâ.

Cet homme incarne ce que le peuple algérien et l’humanité entière possèdent de meilleur en dignité.

Dès lors, et parce que cet homme ne s’est jamais permis de jouer au héros, ni au candidat Président, ni au « zaïm », ni au chef de Parti, ni a permis qu’on fasse de lui une « icône » à adorer, mais parce que cet homme s’est contenté simplement d’agir en simple citoyen libre et solidaire, dès lors, ne serait-il pas légitime de l’élire par acclamation comme Représentant d’Honneur de l’intifadha populaire algérienne ?… Comment cela ?… Eh bien, les prochains mardi et vendredi, ainsi que ceux qui suivront, que soient brandis le plus de portraits de ce frère aîné exemplaire, avec l’inscription en arabe, en tamazight, en français et en anglais : « Le peuple a élu son Représentant d’Honneur ! »… Mais attention !… « Représentant » et non « Président », ni «  zaïm », car le peuple algérien a trop souffert de ce genre de prétendants. Et encore attention : il ne s’agit pas de fabriquer une énième « icône » à adorer servilement (basta les aliénations, quelles qu’elles soient), mais simplement de reconnaître les mérites d’un citoyen compatriote et, surtout, d’agir comme lui ou, tout au moins, en faire l’effort.

 

Publié sur Algérie Patriotique (08.11.2019), La Tribune Diplomatique Internationale (08.11.2019), Le Matin d'Algérie (10.11.2019) - Voir les commentaires de lecteurs dans les publications, notamment sur Algérie Patriotique.

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Rédigé par Kadour Naimi

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