Publié le 9 Juillet 2019

« Hirak » ou « intifadha » ?

Pour désigner le mouvement populaire algérien de 2019, voici la motivation de la préférence pour le mot « intifadha ».

Le terme arabe « hirak » fut employé au Yémen en 2007 pour désigner un mouvement politique et armé, puis au Maroc pour indiquer le mouvement populaire pacifique du Rif depuis 2016. « Hirak » signifie littéralement « mouvement » , un terme trop vague, trop neutre, « chewing-gum », passe-partout.

Par contre, le mot « intifadha » se traduit exactement par « soulèvement ». En outre, il contient l’idée de « secousse salutaire » ; en arabe classique, comme dans le langage populaire algérien, le verbe « anfadh » se dit « secouer » ; on dit, « anfadh rouhak ! » (secoues-toi !), par exemple « de ta léthargie »), ou, encore, «anfadh kassoutak » (secoue tes vêtements) pour en supprimer les saletés, les rendre propres. Ce qu’on appelle le mouvement populaire algérien de 2019 est, de fait, un « soulèvement » contre une oligarchie trop prédatrice, afin de se « secouer » de sa léthargie, de se débarrasser des saletés sociales dont il est victime, pour retrouver sa propreté (sa dignité).

Il est vrai que le terme « intifadha » rappelle une lutte exemplaire d’un peuple pour sa dignité, celle du peuple palestinien contre une oligarchie coloniale. Bien entendu, ce combat est pacifique et armé.

Toutefois, il n’en demeure pas moins que le terme « intifadha », répétons-le, signifie « soulèvement », « secousse salutaire ». Alors, est-il légitime de rejeter ce mot parce qu’il rappelle la résistance palestinienne à l’occupation israélienne ?

Il est également à noter que les officines de propagande impérialo-sionistes n’aiment pas le terme « intifadha », parce qu’il évoque, précisément, le colonialisme dont est victime le peuple palestinien. Dès lors, ces mêmes officines trouvent convenable le mot « hirak ». Après tout, il ne signifie rien d’autre, comme déjà précisé, que « mouvement », un terme « politcally correct », très convenable à la propagande idéologique impérialo-sioniste. Dites par exemple à un membre du peuple, « hirak » puis « intifadha » ; vous constaterez que le second terme le fera sursauter et attirera son attention davantage que le premier terme.

Ne l’oublions jamais : les mots ne sont jamais innocents ! Ce sont des armes, de combat émancipateur ou d’aliénation dominatrice. Attention à leur utilisation adéquate, pour éclairer ce combat émancipateur, et non pas faire le jeu, par manque de vigilance, du langage de la propagande oligarchique, aliénante dominatrice. Et méfiance de ceux qui accuseraient cette vigilance d’excès, de trop mettre les points sur les i. C’est de cette précaution linguistique que dépend la désaliénation mentale, donc le résultat concret du combat pour l’émancipation libératrice.

Dès lors, « intifadha » n’exprime-t-il pas au mieux, le plus fidèlement possible l’équivalent « soulèvement », à savoir l’action contestataire citoyenne actuelle du peuple algérien, comme de tout peuple luttant pour sa liberté, d’une manière pacifique et/ou armée ?

S’agissant des compatriotes amazighes, si leur préférence va à un terme tamazight, qu’ils l’utilisent, équivalent à « soulèvement ». C’est là un enrichissement lexical.

Ceux qui décrivent cette intifadha algérienne actuelle comme « thaoura » (révolution) utilisent le mot de manière abusive. En effet, ce mot indique un changement radical abolissant un système socio-politique au bénéfice d’un autre. Nous n’en sommes pas à ce stade en Algérie, de manière concrète, bien que les manifestants appellent à ce genre de changement. Ce n’est qu’à l’avènement dans les faits de ce dernier, qu’alors il s’agira de « thaoura » (révolution).

Quant au mot « insurrection », en arabe on trouve « تمرد » (« tamarroud », évoquant une « maladie ») et « عصيان » (« 3oussyâne », soit « entêtement », « désobéissance »). Ce sont là deux termes qui ridiculisent la noblesse de ce qu’est une insurrection, donc qui ne peuvent émaner que d’une oligarchie. J’ignore si la langue arabe a un réel équivalent du terme « insurrection » ; pourtant, ce type d’acion eut lieu plusieurs fois dans les pays pratiquant l’idiome arabe.

En passant, notons l’étrange facilité avec laquelle le mot « hirak » est adopté par des manifestants (pas tous), et employé par la majorité des médias dominants oligarchiques, locaux et étrangers (et même certains alternatifs), ainsi que par des « personnalités » de l’ « élite » de la « société civile ».

Notons également l’étrange succès d’une chanson telle que celle intitulée « Liberté ». La désolante superficialité du contenu et le recours à une langue française, en outre médiocre, conviennent, bien entendu, à toute personne de conscience politico-sociale également superficielle et encore néo-colonisée linguistiquement, même dans ses chansons prétendument « populaires ». Le peuple algérien, quoiqu’on dise, d’abord, préfère exprimer ses revendications et chants dans ses langues maternelles (arabe algérien et tamazight), et, ensuite, a une conception de la liberté qui ne consiste pas seulement à ne pas en avoir « peur », mais à la concrétiser comme revendication fondamentale lui permettant de jouir de ses droits légitimes.

Certains objecteront que c’est là des considérations d’un aigri qui a constaté que le chant qu’il a proposé est resté ignoré (1). Il est vrai que la « marchandise-spectacle », faussement contestataire, plus exactement cette sorte de contestation qui conforte les oligarchies dominantes, est ce que préfère et alimente leur système idéologique, partout dans le monde. Hélas ! Quand un chant comme « L’Internationale » sera de nouveau composé et chanté par les peuples en lutte pour leur émancipation ? Ce chant, écrit par un authentique ouvrier cordonnier, membre de l’inoubliable Commune de Paris de 1981, fut malheureusement récupéré et sali par des oligarchies prétendument « prolétariennes ». Pourtant, il proclamait : « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes / Du passé, faisons table rase / Décrétons le salut commun ». Et quand l’intifadha algérienne actuelle produira un chant à la hauteur de notre très beau « Min jibâlinâ » du temps de la guerre de libération nationale ?

Revenons à « intifadha ». Voici une explication sur sa transcription en lettres latines. Le « h » suivant le « d » consiste à ne pas faire du suivisme néo-colonial occidental, qui écrit le mot « intifada » sans le « h ». Insérer cette lettre, c’est respecter fidèlement le terme original. En celui-ci, la lettre arabe n’est pas le « d » (د) mais une lettre plus compacte (ض). Les Occidentaux n’ont aucune difficulté à la prononcer, car elle est proche du « th » anglais. D’où le « d » suivi du « h ». Est-là du purisme ?… C’est simplement veiller au respect de la translitération d’une langue, et, ainsi, s’agissant d’une langue d’un peuple anciennement colonisé, à nous émanciper du néo-colonialisme de manière radicale, ce qui implique le domaine linguistique, pour faire partie dignement de la communauté humaine mondiale (2).

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(1) Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/preview/0fbe2a2065ef1fe4d15cfe9627a8c18736f54bac

(2) Le problème linguistique est développé dans mon essai « DÉFENSE DES LANGUES POPULAIRES : le cas algérien », librement disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-defense_langues_populaires.html

 

Publié sur Algérie Patriotique, le 10 juin 2019, et sur Le Matin d'Algérie, le 09 juin 2019.

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #PEUPLE-DEMOCRATIE

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Publié le 9 Juin 2019

Manifestation du mouvement populaire en Algérie, mai 2019.

Manifestation du mouvement populaire en Algérie, mai 2019.

1. Sont-ils inutiles ?

Enfin ! Après plusieurs vendredis de manifestations de rue, le débat s’est ouvert sur le problème des représentants de l’intifadha populaire en cours. Ainsi, les objectifs des uns et des autres seront confrontés. Tant mieux pour la démocratie ! Nous examinerons dans une première partie l’hypothèse de l’inutilité de représentants du mouvement populaire, puis, dans une seconde partie, leur nécessité.

Certaines « personnalités » politiques ou intellectuelles jugent que le mouvement populaire n’a aucun besoin de représentants, ni d’une direction. Pourquoi ?… Beh, pardi ! Parce que ces « personnalités » estiment, plus ou moins ouvertement, qu’elles sont les mieux placées pour représenter les intérêts du peuple… Pourtant, ce peuple ne les a pas élus, parce qu’ils n’ont jamais fait réellement partie de ce peuple ; plus encore, le comportement de ce dernier démontre qu’il ne leur accorde quasi aucun intérêt. Normal, pour qui connaît le peuple et son histoire. Il a une peur affreuse, - et il a raison -, de voir son action, encore une fois, récupérée par des soit disant membres de l’ « élite », et de se trouver, alors, soumis à une « issaba » (bande, oligarchie) de nouvelle forme, certes plus « démocratique », néanmoins ne reflétant pas les vrais intérêts du peuple, mais ceux d’une « issaba » nouvelle version.

La contrariété des « élites » à une représentation populaire est formulée par le R.C.D. (Rassemblement pour la culture et la démocratie) : « ni la nature du mouvement, ni l’état des institutions ne plaident pour une telle démarche qui ouvre la voie aux pressions et manipulations, voire à une dualité de pouvoirs aussi improductive que dangereuse».

Les « pressions et manipulations » font partie de toute guerre sociale. Est-ce un motif suffisant pour qu’un mouvement social renonce à se doter de représentants ? Quant à la « dualité de pouvoirs », sans elle a-t-il et peut-il exister un mouvement social qui bénéficie d’un rapport de force adéquat pour affronter le pouvoir étatique en place ?

Il est cependant vrai que cette dualité peut être « improductive et dangereuse », comme l’expérience historique le montre dans tous les pays. Toutefois, comment se sont opéré dans le monde les changements radicaux de système social (ce que déclare le peuple algérien durant ses manifestations publiques) sinon par l’émergence d’un contre-pouvoir populaire, en mesure d’imposer ses revendications ?… A contrario, quand donc des partis politiques institutionnalisés (par une oligarchie dominante, précisons-le) ont-ils réalisé les revendications légitimes proclamés par un peuple ?… Dès lors, à l’avis formulé par le RCD, n’est-il pas correct de répondre, en remplaçant le mot « mouvement » par « partis politiques » ?

Pour sa part, le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, ose la question : «On a affaire à un peuple. Est-ce qu’on peut structurer tout un peuple ? ». Ce qui fait dire à certains que structurer un mouvement social, composé de positions politiques différentes, voire divergentes, et unies seulement par une opposition à un système social, porterait à la division et à l’éclatement du mouvement, donc à son annihilation.

En effet, dans le mouvement populaire, on trouve aussi bien qui est pour la « démocratie » (encore que pas clairement définie) (1) que pour la « charia » (encore que pas proclamée trop ouvertement, par tactique). Comment donc ces positions opposées pourraient débattre et se choisir des personnes réellement représentatives du mouvement ?… Eh bien, si, comme le déclarent et le constatent les « élites », le mouvement populaire a prouvé, jusqu’à présent, une capacité étonnante de rester uni, pourquoi ne le resterait-il pas dans le choix de ses représentants, de manière à ce qu’ils incarnent démocratiquement le mouvement dans ses divers aspects, tout en réalisant le but commun : se débarrasser d’une « issaba » unanimement rejetée, pour édifier un système social où, comme dans le mouvement populaire actuel, toutes les tendances soient reconnues, puisque toutes revendiquent un système social de droit et de justice ?

La position des « élites » est devenue claire : pas question donc de représentants du mouvement populaire, mais uniquement de représentants de qu’ils appellent la « classe politique », des « personnalités », des membres de « syndicats autonomes », de la « société civile » (c’est quoi?) et du « mouvement associatif », en affirmant qu’ils sont dans le mouvement.

Pourtant, toutes ces catégories n’ont pas eu l’initiative de ce mouvement populaire, ont toutes, sans exception été surprises (2) par son surgissement, n’en sont pas l’émanation directe, pleine et entière… Quel droit, donc, ont-elles pour prétendre représenter ce mouvement qu’elles n’ont fait que prendre en marche ?… Le droit d’avoir fait de l’opposition auparavant ? Est-ce là un motif suffisant ?

En somme, ce refus de reconnaître au mouvement populaire le droit légitime de se doter de ses propres représentants, n’est-il pas l’éternel prétention des « élites », partout dans le monde et depuis toujours, de se croire les seuls « sauveurs » de peuple, parce que dotées de « savoir » et de diplômes « éminents », en opposition au peuple « ignare » et pas instruit, tout en lui reconnaissance – ah ! la contradiction ! – une « génialité » dans le soulèvement en cours ? Le but, inavoué de ce genre de déclarations, - répétons-le -, n’est-il pas de devenir la nouvelle « issaba » dominante, comme cela se constate partout et toujours dans le monde, toutefois de manière « démocratique » ?

Ajoutons à cette constatation une spécificité des partis algériens. Depuis leur création jusqu’à aujourd’hui, quelle est leur représentativité réelle ? Quelle est leur présence en terme d’adhésion et de mobilisation populaire ? Pas bezzaf, pour ne pas dire insignifiante. La preuve la plus cinglante ? Les manifestants dans les rues les ont non seulement ignorés, mais leur ont interdit de rejoindre le train, parti sans eux, et qu’ils voulaient récupérer.

Une autre manière de nier au mouvement populaire de se doter de ses représentants présente l’argument suivant : « Avant d’arriver à un dialogue et donc à ce débat relatif à la représentation, il faudrait que les lois répressives soient préalablement abolies ». Où donc a-t-on vu dans le monde une oligarchie qui a aboli ses lois répressives avant qu’un mouvement populaire contestataire soit parvenu à s’imposer comme contre-pouvoir de manière organisée et représentative, et, donc, à contraindre cette oligarchie à l’abolition de ses lois répressives ?

Enfin, on trouve cet argument : « dire au mouvement « structurez-vous », c’est faire preuve d’une méconnaissance complète de la nature du soulèvement populaire, et c’est oublier les conditions de son apparition. Le mouvement est né de cette manière, sans structure qui le conduit, et sans désignation d’une direction qui en prendrait la responsabilité. On ne peut pas reproduire le FLN/ALN de la guerre de libération. »

Quelle preuve concrète irréfutable a-t-on pour affirmer que le soulèvement populaire est sans structure ni direction ?… Certes, on ne les voit pas de manière publique. Les uns avancent l’hypothèse d’une manipulation étrangère, en connivence avec des harkis internes, d’autres parlent de spontanéité totale. Mais comment donc un mouvement populaire peut non seulement surgir, mais dans plusieurs endroits du pays en même temps, puis se maintenir dans la durée, en manifestant un comportement tactique intelligent, de manière totalement spontanée ?… Pour ma part, durant une manifestation à Oran (3), j’ai vu en action des organisateurs, des meneurs, des personnes distribuant le même slogan aux marcheurs pour les brandir, des personnes lisant sur des feuilles de papier des slogans adaptés à la conjoncture, et répétés en chœur. Peut-on, alors, nier « toute structure » et toute « direction » ?… Certes, il s’agit d’une structure et d’une direction inédites, adéquates à la situation, notamment à la crainte de l’habituelle répression directe ou indirecte, dont le régime s’est distingué, et cela depuis l’indépendance.

Se contenter d’affirmer que « le peuple algérien » a trouvé la manière efficace d’agir, c’est plutôt vague et non conforme totalement à la réalité. En effet, tout peuple n’est-il pas composé de personnes, et que certaines parmi elles, en cas de soulèvement, deviennent des meneurs et des leaders, de manière plus ou moins ouverte, plus ou moins reconnue ?

On trouve un cas où la même personne affirme que le soulèvement populaire n’a pas de leaders, puis, quelques lignes après, déclare « Quant à la question des représentants du Soulèvement, si le pouvoir est animé par la volonté politique de trouver des solutions, il sait où les trouver. Pour une fois, les renseignements dont dispose le DRS pourraient être utiles pour les trouver ». N’est-ce pas là une étrange manière de trouver des représentants au mouvement populaire, une manière policière qui n’a rien de démocratique ?

Enfin, qui donc parle de « reproduire le FLN/ALN de la guerre de libération », autrement dit une direction qui s’est imposée et a réussi à conquérir le peuple ?… Pourquoi oublier les deux importantes expériences autogestionnaires du peuple algérien : juste après l’indépendance et celle des comités de villages en 2001 ?

N’est-il pas étrange de constater chez les « élites » des raisonnements qui, d’une manière ou une autre, en prenant la précaution oratoire de faire l’éloge du peuple, de présenter des arguments pour lui dénier une capacité d’auto-organisation, pour ne l’accorder qu’à des « élites », malgré le fossé qui les séparent des préoccupations les plus authentiques du peuple ?

Le plus non pas curieux mais risible, - quoique de bonne guerre opportuniste -, c’est de voir des « personnalités » qui ont fait partie de l’oligarchie, d’une manière ou d’une autre, et donc ont bénéficié de privilèges de carrière, donner actuellement des conseils au mouvement populaire pour lui dire de se conduire avec « modération », « bon sens » et « sagesse » et, même, parfois osent se proposer (ou se faire proposer par leurs harkis de service) comme d’éventuels « représentants » pour parler au nom du peuple avec l’autorité étatique… Mais, bon sang, ce peuple algérien ne s’est-il pas conduit, jusqu’à présent, avec bon sens et sagesse ? Mème quand les policiers tabassaient des adultes ou des étudiants, ceux-ci n’ont-ils pas eu la modération de ne pas répliquer par la même violence, mais, au contraire, de réagir par leur mot d’ordre : « Silmya ! » (Pacifique) ? À moins que par « modération », « bon sens » et « sagesse », les ex-profiteurs de l’oligarchie régnante n’entendent ceci : que le peuple doit renoncer à certaines de ses revendications, jugées trop « radicales ». Une manière pour ces « conseillers », de préparer le terrain pour faire partie de la nouvelle caste dirigeante. Chaque époque et chaque nation a ses « marsiens » (4), les opportunistes du dernier quart d’heure.

Il nous reste à examiner dans la partie suivante l’hypothèse de la nécessité d’une représentation du mouvement populaire.

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(1) Nous examinerons ce terme prochainement.

(2) Quoiques certains prétendent le contraire, Voir https://www.algeriepatriotique.com/2019/05/26/revelations-de-mokri-sur-la-date-fixee-pour-le-declenchement-des-manifestations/

(3) Vidéo in https://www.youtube.com/watch?v=p2qCYLE2Qcg

(4) Ceux qui, en mars 1962, après le cessez-le-feu mettant fin à la guerre de libération nationale en Algérie, ont rejoint l’ALN (Armée de Libération Nationale), pour profiter personnellement de l’indépendance du pays.

 

Publié sur Algérie Patriotique, le 5 juin 2019, et sur Le Matin d'Algérie, le 5 juin 2019 sous le titre "De la représentativité du mouvement populaire : 1. Est-elle inutile ?"

 

2. Sont-ils nécessaires ?

 

La première partie de cette contribution (1) est déjà, en partie, une réponse affirmative à la nécessité d’une représentation pour l’intifadha populaire algérienne, comme, par ailleurs, de tout autre soulèvement contestataire dans le monde contre une oligarchie dominante. Toutefois, examinons pourquoi tout mouvement citoyen contestant une oligarchie exige de se doter de représentants autonomes, bien que cette allégation est d’une totale banalité pour qui connaît l’histoire sociale.

Dans la partie précédente de cette contribution, furent exposés les motifs qui expliquent pourquoi des « personnalités » dites de l’ « élite » osent affirmer qu’un mouvement social n’a pas besoin, ou n’a pas « pour le moment » besoin de représentants.

Risques.

Que le leader incarnant le pouvoir étatique, en l’occurrence en Algérie actuellement le chef de l’État-major de l’armée, appelle les manifestants à se doter de représentants, pourquoi s’en offusquer ?

Dans cette proposition, soupçonner un piège, cette hypothèse – certes, compréhensible - suffit-elle pour dénier au mouvement populaire l’exigence de se doter de représentants ?

Évoquer la crainte - légitime - que d’éventuels représentants du mouvement populaire, une fois élus, soient récupérés sinon physiquement éliminés (par des agents du pouvoir étatique ou, - ne l’oublions pas – par des éléments appartenant à des officines étrangères impérialo-sionistes), cette crainte suffit-elle, là encore, pour que le mouvement populaire renonce à se doter de représentants ?

Certes, tous les risques existent. Mais toute confrontation sociale conséquente ne peut pas en faire l’économie. Ce qu’il faut, c’est, d’une part, satisfaire la nécessité stratégique de se doter de représentants, et, d’autre part, prendre toutes les précautions et toutes les mesures possibles afin que ces représentants accomplissent leur mandat de manière satisfaisante.

Disons le clairement, quoiqu’il s’agisse encore d’une autre banalité toute élémentaire, quand pas d’une lapalissade : tout mouvement social ne peut pas se développer et s’affirmer efficacement sans disposer de structuration, de laquelle émanent démocratiquement une direction et une représentation autonomes. C’est là affirmer simplement ce que l’histoire humaine enseigne, quelques soient l’époque et la nation.

Le plus vite un mouvement social se dote de manière de cette organisation, puis d’une direction et d’une représentation, le mieux cela vaut.

À ce sujet, certains estiment qu’il faut laisser, donner au mouvement social le temps de faire mûrir ces exigences. Dans ce cas, il ne faut jamais oublier que précisément, dans les circonstances de bouillonnement d’un mouvement social, le temps est l’un des éléments-clé fondamentaux du mouvement social. Des deux adversaires en présence, - le pouvoir étatique d’une part, et le mouvement social de l’autre -, celui qui maîtrisera le mieux le facteur temps l’emportera. Il en est de la confrontation sociale exactement comme dans la confrontation militaire.

Cependant, il faut faire vite lentement. Vite, parce que cela permet de disposer du plus de moyens possibles et d’anticiper sur les actions de l’adversaire ; lentement, parce qu’il s’agit de concrétiser les objectifs en estimant convenablement tous les éléments qui entrent en jeu. À ce sujet, rappelons une des règles de guerre (sociale ou militaire) : connaître suffisamment l’adversaire et connaître suffisamment soi-même, donc évaluer convenablement les aspects où chacun des deux est fort et faible.

Quelques soient les motifs invoqués, un mouvement social qui ne dispose pas d’une organisation, d’une direction et de représentants autonomes, ce mouvement démontre son impuissance et se condamne à l’échec ! Encore une fois, toute l’histoire humaine le démontre. C’est là une loi dans le domaine social, qu’on le veuille ou pas. La nier, c’est soit ignorer l’histoire sociale et ses enseignements, soit tromper le peuple afin de l’empêcher de se doter des indispensables leviers lui permettant de concrétiser ses revendications, et donc récupérer son mouvement au bénéfice des membres de l’ « élite » auto-proclamée salvatrice.

Difficultés

Bien entendu, se doter d’une auto-organisation, de laquelle sortiront une direction et une représentation n’est et n’a jamais été facile, dans aucun mouvement populaire du monde. Car les opinions et les positions sont différentes, quand pas opposées, mais se tolèrent parce que dirigées toutes contre un adversaire commun.

Cependant, à supposer de réussir à éliminer ou neutraliser l’adversaire (« Dégagez tous ! »), les objectifs de ce qu’il convient de construire divergent et même peuvent s’opposer. Dans certains cas historiques, ils ont même débouché sur des guerres sanglantes (Russie entre mencheviks et bolcheviques, Chine entre communistes et nationalistes, Espagne entre libertaires et staliniens, Algérie entre FLN et MNA, etc.).

De ces faits, certains tirent argument que le mouvement social éclaterait s’il décide de se doter d’une direction et d’une représentation. L’objection est que sans ces deux éléments, le mouvement ne dépassera jamais la phase de la protestation publique. Tout au plus, comme on le constate actuellement en Algérie, - c’est le cas partout ailleurs dans le monde -, des soit disant « personnalités » de la soit disant « élite » ou « société civile », liées ou non au système oligarchique, se proposeront comme solution salvatrice. Or, ces « personnalités » ne l’ont jamais été. Tout au plus, - cela fut dit dans la première partie -, en cas de réussite de leur prétention, elles édifient une nouvelle caste oligarchique, plus « démocratique » parce qu’elle concède au peuple des miettes refusées par l’oligarchie précédente. C’est le prix à payer pour conquérir le pouvoir, quitte, par la suite, une fois l’oligarchie devenue puissante, à supprimer les concessions consenties par la conjoncture.

Or, - voici encore une autre banalité élémentaire -, un peuple ne peut être sauvé que par lui-même. Et il ne peut le concrétiser qu’en sachant se doter de ce que le fonctionnement social lui impose : une organisation autonome, une direction et une représentation.

Adaptation

Reste au mouvement social de chercher et de découvrir les conditions concrètes lui permettant de trouver la méthode la plus efficace, la plus rapide et la plus démocratique pour se doter des éléments organisationnels lui permettant de concrétiser ses revendications légitimes.

Certains ont proposé que dans chaque commune, chaque daïra, chaque willaya, les manifestants se choisissent des représentants, sous mandat impératif, dotés d’un plan d’action précis, puis, que cette assemblée d’élus, à son tour, se choisit par élection identique un groupe de représentants aptes à rencontrer ceux étatiques pour les négociations à tenir.

Ce genre d’initiative requiert une auto-organisation, du local jusqu’au national, donc des débats, et pour les réaliser, il faut des lieux, du temps et des citoyens disponibles. Il faut que les paroles se concrétisent en structure organisationnelle, et que cette dernière ne se transforme pas en bureaucratie stérile ou contre les intérêts des mandataires populaires.

Inutile de proposer des schémas : si le peuple en vient à la conscience de la nécessité de s’auto-organiser, il saura comment s’organiser. À ce sujet, les expériences internationales et algériennes (autogestion après l’indépendance et comités de village du mouvement populaire de 2001) sont des pistes (non des recettes) dont il faut s’inspirer. En adoptant comme règle : partir du local spécifique et traditionnel en ayant comme horizon l’expérience humaine mondiale.

Peuple auto-sauveur

En affirmant la confiance dans les capacités populaires non seulement à manifester publiquement, mais à s’auto-organiser, il n’y a pas à s’étonner que toutes les « personnalités » de toutes les « élites » ricaneront en parlant de « démagogie », d’ « utopie », d’« anarchisme » et autres joyeusetés. Ces « personnalités » l’avaient déjà fait du temps pas lointain ou le peuple algérien était traité, par elles-mêmes !, de « tube digestif », d’ « aliénés et obsédés sexuels et/ou religieux », de « résignés méritant leur sort », et autres étiquettes infamantes. Faut-il s’étonner que des « libéraux » traitent ainsi les peuples, quand même les marxistes orthodoxes ont toujours nié aux peuples une capacité auto-organisatrice, le traitant tout au plus d’ « économisme » (Lénine), autre manière de l’accuser de ne penser qu’à son « tube digestif ». Bien entendu, ce type d’accusation légitimait le fait de s’auto-délivrer le beau rôle d’ « avant-garde consciente et… scientifique », avec les résultats désastreux qu’on connaît : le totalitarisme des goulags (faut-il préciser qu’il commença au temps où Lénine et Trotski étaient au pouvoir?).

Pourtant, à plusieurs époques et dans plusieurs pays, à commencer par la merveilleuse révolte des esclaves qui s’étaient choisis Spartacus comme représentant, le peuple (alors, celui des esclaves) a démontré ses capacités auto-organisationnelles. Faut-il rappeler que c’est la trahison et non une stratégie déficiente qui causa la défaite de l’armée des esclaves conduite par Spartacus ? Les échecs des mouvements populaires radicaux ont tous eu comme causes une carence en terme d’organisation, de direction et de représentants. En témoignent toutes les personnes qui avaient participé directement à ces mouvements.

La question

Bien que de précédentes contributions ont exposé des motifs d’une absence de représentation autonome de l’intifadha populaire actuelle, reste, néanmoins, à se poser encore la question : pourquoi les manifestants algériens actuels continuent, après une quinzaine de vendredis de présence dans les rues, de demander au détenteur du pouvoir actuel d’opérer le changement radical qu’ils réclament, tout en lui exigeant « Dégage ! », au lieu de se mettre, ces manifestants, à construire de manière libre, égalitaire et solidaire leur propre structure d’où émaneront démocratiquement une direction et des représentants tout aussi démocratiques, en mesure d’entreprendre les négociations nécessaires.

Reste à savoir ce que le mot « démocratie » signifie. Ce sera l’objet de la prochaine contribution.

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(1) Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/preview/13c7464fd49b29b686ea340b3148452fd79c0295

 

Publié sur Algérie Patriotique, le 23 juin 2019, et sur Le Matin d'Algérie, le 11 juin 2019, et sur La Tribune Diplomatique Internationale, en une seule livraison, le 15 juin 2019.

 

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #EDUCATION-CULTURE

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Publié le 1 Juin 2019

Rassemblement populaire sur l'autogestion en Algérie, 1963.

Rassemblement populaire sur l'autogestion en Algérie, 1963.

1. Le Ciel, l’Olympe, Jupiter et les dieux

Dans la plupart des publications, nous lisons des exposés, analyses, dissections, conjonctures, hypothèses, plus ou moins savants, de personnes plus ou moins expertes. Et nous constatons la répétition de ces mêmes textes, ad nauseam.

Mais, voilà, presque tous ces articles, contributions, interventions, interviews, éditoriaux, etc. concernent le Pouvoir, l’État, les clans, leurs luttes. Y sont cherchés, traqués, supputés, supposés les énigmes, les occultations, plus ou moins indéchiffrables. Pour paraphraser Churchill à propos de la Russie, on cherche à déceler « une énigme enveloppée dans un mystère ».

Une fois, tel clan, telle institution, tel « homme fort » est déclaré dominant, décidant et commandant tout le destin du pays ; une autre fois, c’est tel autre. Parfois c’est le même auteur qui change d’opinion.

D’accord, c’est évidemment utile et appréciable de lire toutes ces tentatives d’explication. Quoique, généralement, ils nous laissent sur notre faim, dans l’ignorance, désorientés, ne sachant que faire. Quelquefois, ce sont les auteurs eux-mêmes qui avouent leur égarement dans ce labyrinthe sans fil d’Ariane.

C’est que les gens au pouvoir, quels qu’ils soient, savent tellement cacher leur jeu, et vous, ne disposant pas des informations nécessaires, restez incapables d’une analyse réellement exhaustive, concrète et opératoire. Ce n’est pas votre faute, nous le savons, et nous apprécions vos tentatives.

Mais, quand vous vous plaignez de l’opacité des gens au pouvoir en Algérie, n’oubliez-vous pas que l’opacité caractérise tout pouvoir hiérarchique, qu’elle est l’un des aspects de sa domination ? Qu’en Algérie, simplement, cette opacité est plus dense, parce que le système est moins démocratique qu’ailleurs ? Que, cependant, ailleurs aussi, l’opacité est de règle, sinon pourquoi l’existence et la répression, par les États dits « démocratiques », des militants du site Wikileaks, et des donneurs d’alerte, tels Edward Snowden ? Sinon pourquoi la concentration des moyens dits d’information (plutôt de manipulation) dans les mains de propriétaires de banques et d’entreprises, pourvoyeurs financiers des élections mettant au pouvoir politique leurs reconnaissants laquais souriants ?

Dès lors, obnubilés par les jeux du « Ciel », du « Sommet », de l’ « Olympe », de « Jupiter » et de la « Cour », impressionnés comme des insectes par leur « lumière » et les scintillements de leurs actes, déclarations et contre-déclarations, vous affirmez que le pays, le peuple ne seront sauvés que par des institutions ou « hommes forts » qui se trouvent… dans l’ « Olympe », autour de « Jupiter », dans sa « Cour » ou autour.

Les « sauveurs » de la nation et du peuple que vous nommez sont tour à tour des officiers de l’armée, en fonction ou en retraite, des « hommes sages » ayant exercé un temps dans la « Cour » puis ont été éjectés ou (très rarement) eurent l’honnêteté de démissionner, des leaders de partis politique d’opposition (réelle ou clonée).

À ces « sauveurs », vous demandez de contribuer à établir la « démocratie », une bonne économie, le « progrès », à rendre le pays « moderne » comme d’autres, pour participer au « concert des nations », à favoriser sciences, techniques, culture, art et littérature.

Chaque auteur d’analyse manifeste ses personnelles opinions (parfois fixations), en négatif (les mauvais, méchants, égoïstes, « traîtres à la nation ») ou positif (les bons, gentils, altruistes, « patriotes sincères »). À longueur de publications, à leur propos, les auteurs de textes écrivent, répètent, décortiquent, divisent les cheveux en quatre, cherchent des poils même sur les têtes chauves.

Ces exercices littéraires durent depuis l’indépendance nationale. Sans résultat autre que ce que tous ces textes n’ont jamais prévu ou pas clairement : quand une partie du peuple, excédée, se révolte, la réponse est soit la carotte (subventions financières) soit le bâton (interdiction de manifestation, emprisonnement, et même mitraillage de citoyens protestataires désarmés).

Et voilà nos analystes s’efforcer, là encore, à supputer, proposer qui, toujours au « Sommet », dans la « Cour », fut responsable de ces forfaitures, et quel fut le rôle de Jupiter.

Bref, en un mot, tous ces textes se résument à ceci : par le « Sommet » et pour le « Sommet ».

Pourtant, l’expérience pratique a enseigné : l’unique fois où, du « sommet », fut tenté un changement au service réel du peuple, après uniquement six mois, les sangsues de ce dernier l’ont fait échouer, et de manière significativement spectaculaire : l’assassinat du président Mohamed Boudiaf, en plein discours télévisé. Est-ce un hasard que seul lui fut éliminé de cette manière, mais aucun autre président ?

Pourquoi donc cette abondance de publications sur Jupiter et la Cour ?… Eh bien, parce que les auteurs de ces textes sont persuadés que tout changement, mauvais ou bon, ne peut venir que du « Ciel », d’en « haut », de l’ « élite » au pouvoir, ou aspirant le conquérir.

Et pourquoi cette conviction ?… Parce que la formation intellectuelle-idéologique de ces auteurs provient essentiellement d’une vision jacobine (pour employer un terme moderne) de la société : Autorité hiérarchique, Centralisation, Minorité pensante et agissante. Prophètes fondateurs de cette conception : Robespierre, Saint-Just, Marat, Marx, Lénine, Trotski. Et, au-delà, auparavant, les légistes chinois, Thomas Hobbes, Machiavel. Et, plus loin encore, les Commandements religieux. Et davantage plus loin : les mythes (babyloniens, phéniciens, égyptiens, grecs, romains, pour ne pas citer ceux chinois et hindou, l’influence de ce dernier étant indirect ou occulté sur les conceptions occidentales et moyennes-orientales).

Religieux et laïcs ont la même vision : tout changement ne peut et ne doit venir que du « haut », respectivement du « Ciel » ou de l’État (ou de son opposition, autre forme de l’Etat).

Avec cette restriction : il existe, cependant, des religieux qui accordent la priorité à l’être humain par rapport à son créateur : ils affirment « Aide-toi, le ciel t’aidera ».

Dans le domaine laïc, une conception meilleure se trouve chez ceux qu’on appelle les libertaires. Contrairement à l’opinion ordinaire, ils ne se limitent pas à Joseph Proudhon, Michel Bakounine, Errico Malatesta et disciples. Nous les trouvons plusieurs siècles avant l’ère chrétienne, à l’ouest (Diogène et Antisthène, les « cyniques ») comme à l’Est (les philosophes Lao Ze, Mo ze, Zhuang zi), ou, au Moyen-Orient, au Moyen-Age (Alhalladj). Quand ce dernier déclarait dans les rues « Ana Allah » (Je suis Dieu) , que disait-il d’autre sinon revendiquer son autonomie et sa libre autogestion spirituelle ? Telle fut la cause de sa condamnation au martyr par les détenteurs du pouvoir, pourtant louangés comme « éclairés ».

Cette conception sociale, privilégiant l’autorité hiérarchique, je l’ai appelée, dès 1981, hétéro-gestion : autrement dit, la gestion forcée des êtres humains par d’autres de leurs semblables. Nous avons affaire, ici, à un intégrisme totalitaire de type laïc ; il a l’illusion idéologique de se croire et de se proclamer « démocratique », autrement dit « pouvoir du PEUPLE ». Alors, qu’en réalité, il s’agit de pouvoir SUR le peuple. Cela se manifeste par sa réduction à des « masses » de manœuvre, instrument d’accès au pouvoir (par la lutte armée ou par les élections), rien d’autre.

Dès lors, la question se pose : tous ces analystes, obsédés par Jupiter, sa Cour et les autres dieux alentour, que connaissent-ils de ce qui suit ?

2. La terre, la « base », la « basse-cour »

Évitons tout malentendu par quelques précisions.

Voici qui nous sommes : le peuple dominé, parce qu’exclu de tout pouvoir sur sa vie ; exploité, parce que vendant, pour acquérir de quoi vivre, ses muscles ou son cerveau, considérés vulgaire marchandise, à des gens qui s’en enrichissent ; aliéné, par manque de moyens matériels et organisationnels d’acquérir les connaissances pour notre émancipation.

Rares, très rares sont les textes qui s’occupent de nous, nous la « canaille », la « racaille », les « ghâchi ».

Oh, bien entendu, nous avons déjà fourni les motifs de cette négligence : pour les auteurs évoqués ci-dessus, leur amour pour nous se limitent à chercher l’Homme Supérieur, le Sur-Homme susceptible de nous « sauver », de nous « concéder, « offrir » le bonheur dont nous avons besoin.

Quant aux auteurs qui montrent un réel et sincère intérêt pour nous, soit ils se limitent à constater avec regret notre « apathie » (autre manière de suggérer le rôle décisif de Jupiter et de la « Cour »), soit de poser la question, enfin, décisive et fondamentale, comme ici :

« (...) l’enjeu politique central est de savoir si les forces populaires (syndicats, associations, mouvements, partis antilibéral…) seront capables de reprendre le flambeau pour résister d’abord à l’offensive de l’oligarchie puis d’amorcer une contre-offensive. Car elles seules, du fait de leur force réelle et potentielle, peuvent réussir là où Tebboune ne pouvait qu’échouer. » (Ramdane Mohand Achour, Libre Algérie, 17 août 2017).

Les partis évoqués ici, nous attendons encore leur venue dans nos zones périphériques délabrées, nos bidonvilles vermoulus et nos dachras ignorées. Nous plaisantons ! Nous savons que ces messieurs-dames ne viennent chez nous, s’ils viennent, que pour obtenir nos votes afin d’accéder au jeu dans la Cour des puissants.

Une fois, nous avons lu une interview d’un dirigeant du Parti qui se qualifie « des Travailleurs ». Il crut montrer l’intérêt que son organisation nous manifeste, en déclarant, en substance : Ils viennent chez nous pour obtenir de l’aide. « Ils », c’est nous, le peuple.

Certainement, ce parti, à sa manière, nous défend. Toutefois, nous nous sommes demandés : plutôt que nous attendre pour aller chez eux, ces militants ne devraient-ils pas, eux, prendre la peine de venir chez nous ? Une autre question nous intéresse : parmi les dirigeants de ce parti, combien sont des travailleurs ? Je dis travailleurs, et non ex-travailleurs. Car nous savons que, généralement, les ex-travailleurs, une fois placés dans les bureaux de partis ou de syndicats, deviennent rapidement des bureaucrates, coupés et opposés aux intérêts de ceux qui restent des travailleurs.

Retournons à l’extrait de l’article cité.

Les syndicats, associations, mouvements qu’il évoque, oui, ça, c’est nous ! Nous entendons, évidemment, non pas ceux « clonés » par les gens de la « Cour », mais ceux créés de manière libre et autonome par des citoyen-nes, et autogérés par eux-elles. Notons, dans l’article ci-dessus, enfin, ce que nous attendons toujours de lire, mais en vain : « les forces populaires (…) elles seules, du fait de leur force réelle et potentielle ».

Voilà donc, un auteur qui nous accordent non seulement de l’importance, mais celle première et décisive. Merci !

Nous avons lu d’autres textes qui nous concèdent ce rôle, mais ils espèrent nous sauver par le retour d’un « Parti d’Avant-Garde ». Non, non ! Ce genre de « Sauveur Suprême » a démontré, dans le monde entier, sa lamentable et tragique faillite. Son retour serait une farce. D’accord, nous sommes peut-être des imbéciles, mais pas au point de répéter une erreur aussi grossière. Même si son Dieu fut Karl Marx, et son Prophète Lénine.
 

3. « Courroies de transmission »

Écartons un malentendu.

Voici les personnes auxquelles nous ne nous adressons pas, parce qu’elles sont nos ennemis résolues et implacables : toutes celles qui ont la triste (pour nous) fonction d’agir comme garde-chiourmes, gardiens du « Palais », mercenaires de la plume et de la parole, bref contre-maîtres de leurs Maîtres.

Nous savons que certaines de ces personnes sont, notamment, des caméléons : « démocratiques » et « progressistes » en paroles, mais, en réalité, profiteurs du système jupitérien. Nous connaissons votre but inavoué : rafler le fromage, l’argent du fromage et même le corps de la fermière. Vous, vous savez « profiter de tout », pour satisfaire votre adoration intégriste de votre Saint Ego.

Déjà, à l’époque de la « glorieuse » et « progressiste » dictature du complice d’un colonel, puis de celui-ci lui-même, nous avions compris la valeur du fameux « soutien critique ». Durant celui-ci, vous avez su, profitant de la bonne foi de votre « base militante », tirer profit du « moulin » du pouvoir étatique, et du « four » du peuple asservi. La « révolution » et le « peuple » ont été et demeurent pour vous un investissement en terme d’argent et de postes administratifs. Si tel ne fut pas le cas dans votre idéaliste jeunesse, vous l’êtes devenus dans votre « réaliste » âge adulte. Preuve en sont votre carrière « honorable », votre niveau de vie satisfaisant, votre statut social brillant, et l’admiration que vous portent les médias de la caste dominatrice, dont les strapontins vous sont concédés.

Nous constatons combien vous dénoncez l’obscurantisme islamique. Mais cela n’est pas le produit d’un réel sens démocratique, mais uniquement de votre souci de ne pas perdre les miettes que vous a concédé la hiérarchie dominante. Nous, peuple, sommes victime de deux obscurantismes : l’imposture à masque religieux, et votre tromperie à masque laïc.

Les « courroies de transmission » que vous êtes sont notre malédiction. Vous êtes la garantie de l’existence du système jupitérien. Sans vous, il s’écroulerait. C’est donc vous, les premiers responsables.

C’est pourquoi nous aimerions que les auteurs d’articles qui critiquent Jupiter et sa Cour s’intéressent plutôt, d’abord et principalement à vous, les « courroies de transmission » de l’exploitation dominatrice que nous pâtissons. Parce que, nous le répétons, sans vous, pas de Jupiter ni les clans de sa Cour.

4. De la rupture, mais après ?

Nous lisons également, quotidiennement, des pronostics divers sur le moment et les modalités de fin du système dominant. Et chacun va de son analyse.

C’est utile, bien entendu.

Cependant, il nous semble que, dans beaucoup de textes, échappe cette simple banalité : un système social prend fin quand ceux d’en « haut » ne peuvent plus le gérer, et ceux d’en « bas » ne peuvent plus le supporter.

Savoir en quoi, comment et jusqu’où ceux d’en « haut » ne peuvent plus gérer, nous l’avons dit, c’est découvrir un mystère dans une énigme. À ce sujet, les moins scrupuleux avancent des affirmations sans preuves convaincantes ; les plus circonspects avouent leur incapacité.

Le cas n’est pas spécifique à l’Algérie. Pour citer deux exemples, Lénine fut surpris par la chute du tsarisme ; De Gaulle, par le mouvement de mai 1968. Pour revenir à l’Algérie, l’ « élite » algérienne, laïque et religieuse, elle aussi, fut prise au dépourvu par le déclenchement de la lutte armée de libération nationale.

Quant à ceux d’en bas, il ne suffit pas de prévoir quand ils ne supporteront plus, et s’ils le manifesteront de manière pacifique, légale ou violente. Il y a plus important : se soucier du comment ils ne supporteront plus.

Si leur révolte, légale et institutionnelle ou violente, accouche uniquement d’un autre Jupiter et de sa Cour, que gagneront-ils ? Quand, ailleurs, Lénine, Mao Tsé Toung et autres, quand, en Algérie, Ben Bella, Boumediène et autres ont remplacé le système précédent, qu’a gagné le peuple, autre que de changer de maître ?

Oui, certes, quelques « os » (dans les domaines de la santé, de l’instruction, des salaires, etc.) furent concédées aux « masses », mais pas l’essentiel : le pouvoir social, celui de s’auto-gérer. Et quand une partie de ces « masses » pratiquèrent l’autogestion, elle fut, nous l’avons dit, réprimée dans le sang.

Ce qu’il faut donc c’est préparer le peuple à ne pas être réduit, encore une fois, par ses « sauveurs », à une simple « masse » de manœuvre, permettant aux futurs nouveaux maîtres de renverser les anciens, puis de prendre leur place.

Antonio Gramsci disait, je cite de mémoire : Instruisons-nous, car au moment décisif, nous aurons besoin de toutes nos connaissances pour réaliser la révolution.

Cette exigence, je l’ai vécue personnellement. Jeune étudiant, j’ai participé au mouvement de mai 1968. J’y ai constaté combien l’instruction citoyenne était fondamentale, non seulement pour promouvoir le mouvement social, mais lui assurer la victoire. Nous étions arrivés jusqu’à une grève générale nationale de plus de dix millions de travailleurs, et à voir le président-général De Gaulle abandonner le palais de l’Élisée, pour se réfugier auprès du chef de l’armée française, stationnée en Allemagne, le général Massu, de sinistre mémoire en Algérie.

Malheureusement, notre formation intellectuelle se révéla insuffisante pour changer de système social. Bien entendu, la défaite s’explique par d’autres facteurs. Mais notre manque de préparation théorique adéquate en fut un.

De même, si le peuple disposait de formation théorique suffisante, pour agir de manière conséquente, le parti bolchévik n’aurait jamais accaparé le pouvoir, en Russie ; les soviets auraient triomphé. En Algérie, aussi, la guerre de libération nationale n’aurait jamais accouché de la dictature, mais aurait généralisé l’autogestion sociale.

C’est dire combien l’éducation, l’instruction citoyenne, la formation intellectuelle sont l’exigence première et fondamentale pour se préparer à affronter la rupture sociale, la faillite de tout système jupitérien. C’est, nous semble-t-il, ce que l’histoire enseigne. Afin que le peuple ne soit pas réduit, encore une fois, à n’être qu’un instrument manipulé, pour se retrouver soumis à un système différend, mais toujours un pouvoir hétéro-gestionnaire.

Nous sommes conscients que la tâche est difficile. D’une part, sur elle pèsent plus de trois millénaires d’autoritarisme hiérarchique, clérical et laïc, partout sur la planète. D’autre part, son adversaire, sournois et retors, manifeste la plus grande cruauté, bien décrite par un de ses membres, Machiavel : l’État, quelque que soit sa forme, ouvertement despotique (« Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent ») ou hypocritement « démocratique » (« Il suffit de leur laisser croire que leur vote est libre, l’important est qu’ils nous élisent »).

Mais nous savons, également, autre chose. Que l’analphabète esclave Spartacus avait réussi, grâce à sa formation de gladiateur mais, surtout, à son intelligence, à former une armée d’ex-esclaves, que celle-ci a tenu tête et même fait trembler le pouvoir romain pendant plusieurs années, qu’elle gagna beaucoup de batailles contre des soldats dirigés par des généraux. Et que, à la fin, la révolte la plus importante de l’Occident antique fut vaincue uniquement par la traîtrise, la ruse et la corruption de marchands.

Nous savons, aussi, que les expériences d’autogestion les plus importantes, celle des soviets russes et ukrainiens et celles des collectivités espagnoles, sans oublier la nôtre algérienne, avaient donné des résultats appréciables ; seule notre manque de formation a permis à nos adversaires de nous vaincre.

5. Que (re)vive l’autogestion sociale !

Retournons à l’article cité plus haut. Nous aurions voulu y lire des propositions d’organisation des forces populaires évoquées.

Ce que nous attendons de tous-tes ceux-celles qui nous aiment, nous le peuple, ce sont des propositions concrètes, pratiques pour jouer pleinement notre rôle.

Une chose curieuse : de tous les textes qui font l’éloge de notre histoire récente (guerre de libération, ensuite indépendance nationale), rares sont ceux qui évoquent l’événement qui, pour nous, fut le plus important, le plus sinon le seul révolutionnaire.

D’abord, entendons-nous sur cet adjectif. C’est un processus social qui change la base, la racine d’un système social. Or, quelle est cette base, cette racine ?… Ce n’est pas le colonialisme ni l’impérialisme, c’est l’exploitation de l’homme par son semblable, par l’intermédiaire de sa domination.

Or, la guerre a libéré le pays du colonialisme, mais pas de l’exploitation-domination du peuple par une caste minoritaire. Donc la guerre de libération a abouti à une réforme (substitution d’une caste dominatrice-exploiteuse étrangère par une autre, indigène) et non à une révolution.

Où donc fut l’aspect authentiquement révolutionnaire en Algérie ?… Dans un événement qui ne vint pas d’un Jupiter ni de membres de sa Cour ou de son arrière-cour. Cet événement fut l’initiative de nous, les « ignorants », les « analphabètes » : ce fut l’autogestion des entreprises et des champs.

Oui ! Uniquement cet événement fut une authentique révolution : parce que cette autogestion fut notre action libre et autonome, gérée par nous de manière également libre et autonome, parce que, durant cette période, fut éliminée l’exploitation et la domination de l’homme par son semblable, parce que cette maudite et vénéneuse racine et base de société fut éliminée.

Malheureusement, cette bénéfique autogestion fut écrasée par ceux-là même qui se proclamèrent « révolutionnaires ». Ô, hypocrisie ! Il est vrai que ces Tartuffe avaient l’illusion idéologique d’être nos « sauveurs », cette maudite et malfaisante croyance de réaliser le bonheur du peuple à son détriment, contre sa propre volonté et ses spécifiques désirs ! Pour établir une nouvelle caste dominatrice-exploiteuse, dite « populaire », « républicaine », « socialiste », « communiste », etc.

Hélas !, nous en sommes encore là, aujourd’hui. À l’exception de l’époque où notre autogestion exista, qui donc, par la suite, a encore parlé de notre autogestion, de notre capacité réelle et effective de prendre nous-mêmes notre destin en mains ? Et que cette magnifique expérience prit fin uniquement par la répression du Jupiter et la Cour alors dominant le ciel de l’État ?

N’est-il pas significatif que cette idée d’autogestion a été et demeure totalement ignorée, occultée des textes qui cherchent des solutions aux diverses « crises » successives survenues en Algérie, comme ailleurs dans le monde ?

Et, pourtant, ces textes, répétons-le, se disent, - et il n’y pas motif d’en douter -, « démocratiques ». Dès lors, en eux, où sont l’affirmation et les propositions de pouvoir effectivement du peuple ?

Par suite, une question se pose : pourquoi, aux efforts divers, multiples, continus, répétés de chercher et de proposer des solutions provenant uniquement de Jupiter et de la Cour, ne trouve-t-on pas les mêmes efforts concernant nous, le peuple ? Pourquoi cet oubli de l’autogestion ?

Il est vrai que cette conception fut, historiquement dans le monde, minoritaire. Et chaque fois qu’elle exista, elle fut réprimée dans le sang.

Mais il est également vrai que, dans le monde, cette conception n’est pas morte, que de temps en temps, elle réapparaît dans la pratique sociale, non seulement dans les pays développés, mais également dans des contrées non développés et en guerre.

Cependant, encore hélas !, dans le monde comme en Algérie, la conception jacobine demeure majoritaire. L’un des motifs de cette situation est le fait que les « élites » intellectuelles demeurent tributaires de cette même conception. Et si elles le sont, c’est parce qu’elles en profitent par les privilèges recueillis.

Mais, pourrait-on demander, où trouver des ouvrages parlant d’autogestion, d’expériences ayant eu lieu, contenant des analyses des succès et des erreurs, proposant des solutions ?… Rien de plus simple : chercher sur internet. Il est plein d’ouvrages et d’informations gratuites.

6. Eve, Prométhée et Ariane

Voici donc à qui nous nous adressons. Uniquement à celles et ceux qui ont toujours été de notre côté, exclusivement de notre côté, au prix de calomnies, exclusions, licenciements, rétorsions, prison, exil intérieur ou extérieur. Parce que, pour vous, comme pour nous, le problème fondamental, la contradiction principale ont été et demeurent toujours l’opposition irréductible entre dominateurs-exploiteurs-manipulateurs et dominés-exploités-manipulés. Éliminer ce système est, nous l’avons affirmé et expliqué, la seule manière d’être authentiquement révolutionnaire.

Pour remplacer ce système par quoi ?… Nous l’avons également dit : par l’autogestion sociale généralisée.

Ce n’est une utopie que dans la seule mesure où elle n’est pas concrétisée. Et son élimination dans le sang ne prouve pas son inefficacité ; tout au contraire, cette suppression démontre que là est la véritable solution au problème social, à tous les problèmes sociaux.

À ce propos, nous disposons d’exemples illustres et significatifs, dans le monde occidentale.

Eve eut le courage de saisir la « pomme de la connaissance », au prix d’être chassée du « Paradis » par le détenteur du Pouvoir céleste, qui, en outre, décréta la punition collective du « pécher originel » sur toute sa descendance.

Prométhée, lui également, eut du courage : il offrit le « feu » de la connaissance à l’humanité. Et, lui aussi, accusé du vol du « savoir divin », subit le châtiment connu, par volonté vengeresse du Jupiter de l’Olympe.

Enfin, Ariane offrit le fil à Thésée ; il lui permit de ne pas se perdre dans le labyrinthe du monstre, et de réussir à le terrasser, ce symbole de tout Pouvoir, monstrueux et inhumain.

Nous, le peuple, nous sommes cette humanité méprisée. Nous avons besoin de toutes les Eve (signifiant « vivante »), de tous les Prométhée (signifiant « prévoyant »), de toutes les Ariane (signifiant « sacré ») qui ont cette admirable et généreuse qualité d’esprit et de cœur : nous offrir (le fil de) la connaissance !

Évidemment, en avançant la conception autogestionnaire, nous savons qu’il s’agit d’une proposition générale. Qu’il faut donc y consacrer tous les efforts et de manière permanente pour chercher, imaginer, proposer des modes d’organisation concrète, spécifiques à chaque situation locale et temporelle.

Voilà, cher-es frères et sœurs, ou compagnons et compagnes, si vous voulez, les efforts que nous attendons de vous. Mettez l’autogestion sociale à l’ordre du jour ! Intéressez-vous donc, faites fonctionner vos méninges, vos neurones, votre imagination, votre savoir, votre expertise, vos intuitions à nous proposer des modes d’action pratiques, ponctuels, opératoires pour nous sortir de notre « apathie », de notre situation de « ghâchi » (ça rime avec gâchis). Et, encore mieux, venez les pratiquer avec nous, en vérifier l’utilité, corriger les infirmités, trouvez d’autres solutions.

Nous avons déjà des exemples à méditer, peut-être à imiter : syndicats autonomes, comités de chômeurs, associations autonomes, toutes ces formes d’organisation populaire autogérée.

Entre vous et nous, il ne s’agit pas, vous le savez, de « Sauveurs » d’un côté, et de « sauvés », de l’autre, mais d’entraide, fraternelle comme on dit, de solidarité. Parce que notre émancipation est la condition de la vôtre ! Et réciproquement ! Parce que l’élimination de l’immonde racine exploitation-domination-aliénation, et son remplacement par l’idéal liberté-coopération-solidarité, qu’est l’autogestion sociale, voilà la condition de notre émancipation, que l’on soit intellectuel-le ou travailleur-euses manuel-les.

Alors, produisez des enquêtes et des reportages sur nous, de manière permanente, détaillée, dans tous les domaines. Exposez nos expériences d’autogestion (comités de chômeurs, syndicats autonomes, associations en tout genre, sociales et culturelles, littéraires et artistiques) ; analysez nos succès et nos erreurs ; proposez-nous des solutions pour ces dernières. Que chaque jour, comme les autoritaires sur Jupiter et sa Cour, vous, également, parlez de nous, de nos initiatives, de nos points de force et de nos faiblesses, et encore présentez-nous des propositions concrètes et opératoires.

Nous savons que vous êtes minoritaires. Mais, grâce à une certaine liberté d’expression et d’action actuelle, conquise au prix du sang réellement démocratique, vos écrits et vos actions comptent. Même s’il s’agit uniquement de gouttes et non d’un fleuve ni d’un océan, ces gouttes nous rafraîchissent dans l’enfer obscurantiste, affairiste, clientéliste, opportuniste et même raciste.

Ces gouttes pourraient, avec le temps (il faut le compter, avoir patience et endurance, l’une suppose l’autre), finir par devenir fleuve. Rappelez-vous ! Partout et toujours, chaque fois que les « experts » ont décrété un peuple définitivement et complètement léthargique, une saine révolte les a surpris. Mais, les « experts » n’apprennent jamais de leçon, aveuglés par leurs préjugés, dus à leurs privilèges.

À vous donc, et seulement à vous, celles et ceux qui veulent sincèrement n’avoir comme titre de gloire que celui de servir réellement le peuple, quelque soit le prix à consentir, voici non pas nos doléances, mais notre adresse.

Occupez-vous de nous, comme les autres se soucient de Jupiter et de la Cour, avec la même attention, le même suivi, le même effort.

Avec nous, votre travail est plus facile. Nous n’avons rien à cacher ; au contraire, nous désirons tout vous montrer :

- nos conditions de vie, misérables, pénibles, difficiles, dans nos faubourgs, nos bidonvilles et nos taudis sales et puants, étouffants l’été, humides l’hiver, toujours pénibles ;

- nos conditions de travail, dans des endroits manquants de sécurité nécessaire, pleins de poussière détruisant les poumons, dépourvus de lumière et donc abîmant les yeux ;

- nos conditions de sécurité ou plutôt d’insécurité individuelle ;

- nos conditions idéologiques aliénées et l’absence d’aide de celles et ceux qui « savent » (les intellectuels et les militants des partis dits « démocratiques » et « progressistes » ) pour nous en affranchir ;

- nos conditions affectives et sexuelles, et leur affreuse charge de frustrations ;

- nos efforts, malgré tout, pour nous libérer de l’exploitation-domination-manipulation par des luttes, dans les domaines où nous y parvenons : syndicats autonomes, comités de chômeurs, associations culturelles, etc.

Nous voudrions que vous rendiez publiques nos résistances et nos revendications, autant que les autres parlent des « luttes » au « sommet ». D’autant plus, nous répétons, qu’à notre propos, vous disposerez de toutes les informations.

Par conséquent, prêtez également votre attention à la « base », à la « basse-cour », à nous, le peuple, à nos luttes, à nos contradictions, à nos actions pour en sortir. Et efforcez-vous de suggérer des propositions, non seulement pour mais par le peuple !

Nous savons que c’est difficile, très difficile. À vous de réfléchir, de montrer votre intelligence et votre imagination, et proposez ! Proposez !

Nous expérimenterons, nous vérifierons, en sachant que, dans cette entreprise, nous affronterons la répression sous ses diverses formes, des plus bénignes aux plus malignes. Tout pouvoir hiérarchique est cruel, par nature, par essence, par conséquence. Encore davantage (l’expérience l’a montré) quand il se prétend salvateur. Seuls l’ignorent les naïfs ; quand aux profiteurs, ils prétendent le contraire, évidemment.

Mais, s’il vous plaît, chers sœurs et frères, compagnes et compagnons, n’écrivez pas sur nous à la manière superficielle, subjective, fausse, opportuniste et complaisante à des castes dominatrices, en échange de misérables argent et gloire médiatique (le style photographique qui les représente en dit long, en faisant d’elles et d’eux des copies d’acteurs hollywoodiens).

Par textes déplaisants, que nous condamnons avec indignation, nous avons en vue certaines présentations de nos aliénations, de nos convictions spirituelles, de notre vie affective-sexuelle (article dans le journal français « Le Monde » du 31 janvier 2016, à propos d’un événement à Cologne, en Allemagne), de nos problèmes « ethniques », de notre absence dans les théâtres, etc.

Encore une fois (excusez-nous d’insister), nous vous invitons à faire des enquêtes concrètes et objectives à notre propos, sur le terrain. Vous en faites, de temps en temps. À notre avis, ce n’est pas suffisant. Nous vous prions de le faire de manière aussi continue et régulière que les autres publient leurs articles sur les « luttes au sein de l’appareil d’État ».

Nous savons que ces derniers articles peuvent être écrits de manière confortable : lire des communiqués, des articles et des livres, sans sortir de la maison ou du bureau ; tout au plus, se déplacer dans les « allées du pouvoir », elles aussi bien agréables.

Mais, pour parler de nous de manière véridique, vous êtes obligés de venir dans nos bleds, douars, gourbis et périphéries. Pas commode, nous en sommes conscients.

Rappelez-vous que le peuple est en majorité composé de paysans, de travailleurs manuels.

Certains évoquent une majorité de jeunes. Soit ! Mais ils ne précisent pas leur composition sociale, par oubli des classes sociales (ce n’est plus à la mode, ou cela ne convient pas à certains de le mentionner). Or, ces jeunes sont dans leur majorité des enfants de nous, le peuple laborieux ou chômeur. Nous avons également lu que les « jeunes » se désintéressent de la « politique ». Là, encore, les auteurs d’articles ignorent ou ont oublié l’aspect social de classe. Qui sont donc ces « jeunes » ? Certainement pas ceux qui, d’une manière ou d’une autre, tirent profit du système jupitérien, mais, encore une fois, des gens des familles populaires. Sinon, qu’on nous démontre le contraire.

Quand vous viendrez chez nous, pardonnez-nous si vous êtes dérangés par la saleté de nos rues non goudronnées, par la puanteur de nos demeures mal construites, par les mauvais comportements de nos jeunes sans instruction et sans les moyens indispensables de vie, par leur agressivité et leur violence, par notre simplicité qui pourrait vous sembler de la grossièreté.

Et, s’il vous plaît, ne confondez pas notre rustique religiosité pour un sanguinaire intégrisme ; nous l’avons prouvé durant la « décennie sanglante ». Que voulez-vous ? Quand on n’a pas la chance d’accéder à la science, il nous reste la religion. Elle nous permet d’exister de manière digne, malgré tout. Ne soyez pas superficiels et dogmatiques au point d’ignorer cet aspect de notre situation. Soyez plus intelligents que les intégristes totalitaires. Sachez trouver dans notre spiritualité religieuse ingénue, mais pour nous essentielle, des éléments de notre émancipation. Vos aînés ont su le faire durant la guerre de libération nationale. C’est encore possible dans la lutte pacifique de libération sociale. Théologie de la libération, ça vous dit quelque chose ?

Nous sommes le peuple, que voulez-vous ? Si nous manquons d’ « éducation », c’est parce que le système social où nous sommes nés a fait de nos parents des pauvres (c’est la richesse qui produit la pauvreté), au point de vue matériel. Et des pauvres n’ont pas les moyens d’offrir à leurs enfants l’ « éducation » adéquate pour « compter » dans la gestion du pays.

Donc, efforcez-vous à trouver puis à nous proposer des solutions, non pas dépendantes du vouloir de l’État, de son « clan » dominant (ne savez-vous ce qu’ils pensent de nous et comment ils nous traitent ? Ignorez-vous la nature intrinsèque de tout pouvoir hiérarchique ?), mais des solutions praticables par nous, autrement dits autonomes, autogérées. On est mieux servis que par soi-même, n’est-ce pas ? Aidez-nous à « nataklou 3ala rouahna » (compter sur nous-mêmes), vu qu’on ne peut pas compter sur l’État, ni ses institutions, ni sur les partis d’opposition.

Il est possible qu’il vous soit plus aisé d’imaginer des solutions d’en « haut ». Permettez-nous cette insolence : Y avez-vous bien réfléchi, aux solutions d’en « haut » à notre propos ? Ignorez-vous qu’elles se présentent uniquement quand notre pression, nous, peuple, est assez forte pour les y contraindre ? Quelque soit le pays et l’époque, avez-vous vu un riche (en argent) et puissant (en pouvoir social) concéder quoi que ce soit sans y être contrait par la pression populaire ?

Par conséquent, nous vous invitons à faire l’effort de concevoir des solutions qui viennent d’en « bas », de nous, le peuple, « al ghâchi », la « foule », la « masse », comme disent certains. Afin que nous sachions comme créer notre fameuse pression populaire.

Permettez-nous une remarque. Ne vous contentez pas de nous présenter ou suggérer des méthodes autogérées uniquement dans des domaines limités de type civique, par exemple organiser un comité de nettoyage par nous-mêmes des saletés de notre rue, de notre quartier ou village ; créer une association d’aide aux femmes battues sinon violées ; créer une coopérative de production ou de consommation ; créer un café littéraire, etc.

Ces associations sont certainement utiles et nécessaires. Nous avons besoin de les créer ; elles sont de très bonnes initiatives ; elles nous permettent de nous exercer, de mieux apprendre à nous auto-gérer.

Mais, de vous, nous attendons davantage : comment préparer et organiser l’autogestion de la société entière ! Alors, tout le reste viendra. Le fil d’Ariane ! C’est de lui que nous avons besoin.

Deuxième remarque. Ce fil d’Ariane ne doit pas être (l’histoire enseigne) une recette, du genre parti d’avant-garde, dictature du prolétariat, ou « démocratie » parlementaire bourgeoise (genre USA, Europe), etc. Nous avons besoin simplement d’indications essentielles sur la manière de préparer (avant la rupture sociale) l’autogestion, puis, après, de la consolider, de la défendre, de la généraliser, de la faire partager et aimer de manière libre par les citoyens.

Bref, aidez-nous à répondre à la question fondamentale et rationnelle : Mais quel système social voulez-vous ? En quoi serait-il meilleur (ou le moins mauvais) que les autres ? Et les réponses que nous donneront doivent être simples, concrètes, pratiques, opératoires, donc convaincantes.

Par conséquent, travailleurs de l’intellect, à vos méninges, vos neurones et votre intelligence ! Nous vous attendons avec impatience. Non pour recevoir une Vérité Révélée, ni une Philosophie de l’Histoire (genre déterminisme marxiste), ni une Science infuse (type socialisme « scientifique »). Nous désirons, simplement, disons-le pour l’ultime fois, des suggestions, des pistes de travail valables, dignes d’être examinées et expérimentées par nous-mêmes.

Que naisse, finalement, le mouvement national pour l’autogestion sociale. C’est le seul organisme que nous voulons, parce qu’il sera le seul librement voulu par nous, autogéré par nous, réellement démocratique, sans chef ni sauveur suprême, basé sur mandat impératif, avec, bien entendu, votre aide mais non votre autorité, vous l’avez compris. Liberté, égalité, solidarité, du local au mondial, voilà nos trois principes. Et qu’on nous divise pas par des questions de religion, d’ethnie, de nationalité, de sexe, ou toute autre. L’autogestion saura les régler.

Ultime observation.

Contrairement au projet marxiste de soit disant transition (d’abord dictature du « prolétariat », autrement dit d’une caste restreinte, pour, ensuite, arriver à la société « parfaite », sans classes ni État, qui n’est jamais réalisée et qui ne peut jamais l’être, vue l’existence d’une nouvelle caste dominatrice privilégiée), l’autogestion nécessite la complémentarité entre moyen et fin. Cela signifie que la société autogérée, qui est notre but, doit se pratiquer, aussi et d’abord, dès le début, chaque jour, dans tous les aspects de la vie sociale. Le moyen est la fin, et vice-versa.

7. Vox populi

Ah, oui ! Nous en sommes conscients. Nous, nous ne lisons pas les journaux. Huit à dix heures de travail nous ont exténués ; nous sommes analphabètes ou presque ; le journal coûte cher relativement à notre revenu mensuel ; le même motif nous empêche l’emploi d’un ordinateur où se trouvent des journaux en ligne.

Cependant, il y a quelques hommes et femmes du peuple, dont des jeunes, qui ont les moyens de lire. Écrivez pour elles et eux. Et nous espérons que ces dernier-ère-s nous transmettrons vos propos.

S’il vous plaît, employez un langage simple, clair, concret,t compréhensible. Vous n’avez pas à nous impressionner par un langage « savant », « génial », où le mot et la phrase rendent le contenu confus et inaccessible. Nous ne sommes pas des doctorants universitaires, ni des auditeurs destinés à applaudir un « poète » « contestataire ». « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », affirma un auteur qui s’entend en la matière.

Nous savons que vous ne disposez pas de télévision pour communiquer avec nous. Ce moyen d’information est entre les mains de marchands (dire « véreux » est un pléonasme). Pour eux, nous ne sommes et ne devons être que des consommateurs de leurs marchandises, et des cerveaux à conditionner pour… consommer leurs marchandises. Source de leur profit.

Mais vous disposez d’un moyen pour entrer en communication directe avec nous : la radio.

Il existe, également, d’un autre moyen. Il fut et continue à etre utilisé par ceux qu’on nomme les ignorants mais qui, dans ce domaine, se sont révélés intelligents. J’ai en vue l’emploi par les intégristes religieux de cassettes et de DVD audio. Ils contiennent des prêches, outre à des sourates du Coran. On les entend même dans certains magasins et boutiques.

Voilà donc, aussi, une manière de communiquer avec nous. Enregistrez vos propositions de cette manière et mettez-les à notre disposition. Soyez certains que nous les écouterons, si vous nous parlez de nos problèmes, à nous, et nous proposez des solutions pour les résoudre, par nous-mêmes, si, également, vous savez utiliser le langage simple qui est le nôtre.

À ce propos, pour nos enfants, vous pouvez recourir au français ou à l’arabe moyen-oriental. Mais pour nous, employez nos langues maternelles, l’arabe algérien et le tamazight.

Oui, nous le savons aussi. Certains d’entre vous affirment que nos deux langues parlées ne sont, comme disaient auparavant les colonisateurs, que des « charabias », des « pataouecs », des « jargons » sans « nuances subtiles » ni capacité de « conceptualisation ».

Pourtant, ces langues nous ont permis de battre le colonialisme, d’inventer l’autogestion industrielle et agricole, de travailler, d’aimer et de vivre. Si vous avez l’intelligence des intellectuels qui ont inventé les langues européennes, et de ceux qui ont modernisé le chinois, le vietnamien et l’hébreu, vous n’aurez pas de difficulté à utiliser nos langues, même pour discourir de manière complexe. Mais faut-il vraiment un langage complexe pour pratiquer l’autogestion sociale ?

Avant de nous exposer la « fétichisation de la marchandise », expliquez-nous la fétichisation du pouvoir hiérarchique. Avant de nous informer sur l’économie (capitaliste ou collective), donnez-nous des éclaircissements sur le fonctionnement du système social (hétéro- et auto-géré).

Bien entendu, vous occuper de nous ne vous procurera certainement pas argent et gloire médiatique (comme aux chantres du système jupitérien, ou à ses « critiques », mais uniquement de détails, manière de le justifier, en occultant l’essentiel : l’exploitation).

Ce que vous gagnerez est uniquement une conscience meilleure de citoyen libre et solidaire. Pour nous, c’est ce qu’il y a de plus précieux. Nous espérons qu’il en est de même pour vous. En tout cas, notre appel s’adresse uniquement à celles et ceux d’entre vous qui, réellement et non uniquement en paroles, sont des citoyen-nes libres et solidaires, autrement dit privilégiant l’action autonome et autogérée du peuple plutôt que celle dominatrice (ou prétendument « libératrice ») des « clans » détenant l’État.

P.S. : Pardon, peuple, si j’ai parlé en ton nom. Comment aurais-je pu t’en demander l’autorisation ? Je sais également que tu n’as pas l’opportunité de me lire, donc de me répondre, de corriger mes éventuelles erreurs, et de préciser tes réelles désirs et volontés. Cependant, je me suis permis de parler en ton nom parce que tu n’as généralement pas droit à la parole, et parce que je me considère partie de toi. J’espère, néanmoins que d’autres personnes, se considérant, elles aussi, partie de toi, liront ces observations, y réfléchiront, les corrigeront, les compléteront, les amélioreront, les appliqueront. Pour que revive l’autogestion !

Dans une prochaine contribution, je me proposerai de décrire certains aspects généraux d’une société autogérée, telle qu’elle a existé et telle qu’elle pourrait l’être dans le futur.

 

Publié sur Le Matin d'Algérie, les 02 - 03 - 04 septembre 2017.

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #EDUCATION-CULTURE

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Publié le 16 Mai 2019

Manifestations populaires en Algérie, mai 2019.

Manifestations populaires en Algérie, mai 2019.

Pendant longtemps, il a semblé que l’indépendance de la nation algérienne était un fait acquis pour toujours. Dès lors, l’intérêt se portait, très légitimement, sur la libération sociale du peuple de la dictature exercée sur lui par une oligarchie autochtone, et cela depuis l’indépendance nationale. Ce qui porta le peuple à déclarer : « Nous avons été trahi par les dirigeants de l’armée des frontières ; ils sont devenus les colonisateurs intérieurs ! » C’était le cas. D’où les problèmes et conflits, parfois sanglants, qui ont toujours existé entre le peuple et l’institution militaire.

Contexte international : flux et reflux.

Cependant, la suite des événements a porté à reconsidérer la situation, précisément en ce qui concerne l’indépendance nationale acquise. Ce nouveau point de vue s’explique par le changement du contexte historique. Après la phase mondiale de combats anti-coloniaux pour l’indépendance nationale, et anti-impérialistes contre les menaces néo-coloniales, dans les années 1950-1960, l’échec lamentable des oligarchies du camp prétendument « socialiste », à la fin des années 1980, a permis aux tendances néo-coloniales et impérialistes de reprendre l’offensive. Leur but devint celui de transformer les oligarchies des nations nouvellement indépendantes en harkis et marionnettes. Comme ces oligarchies étaient menacées par les peuples, victimes de leurs dictatures, les oligarchies néo-coloniales et impérialistes fournissaient assistance militaire et autre aux oligarchies autochtones du « Tiers-Monde » pour les maintenir au pouvoir, en échange, évidemment, de concessions en termes de main-mise sur les ressources naturelles du pays et d’installations de bases militaires d’espionnage et autre. Nous en sommes à cette phase. Ses manifestations les plus éclatantes sont de deux genres : assistance militaire aux oligarchies harkies (du type Arabie saoudite, Émirats et Qatar), agressions militaires directes contre les oligarchies opposées à la main-mise sur leurs ressources naturelles et sur leur territoire (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, etc.), et télé-guidage occulte, sous prétexte de « démocratie », pour changer d’oligarchie autochtone, plus servile (Ukraine, Géorgie, Venezuela, etc.), coup d’État de type « juridico-parlementaire » (Brésil).

Algérie.

En Algérie, tout en admettant l’existence d’un pouvoir oligarchique dominant le peuple, l’objectivité oblige à reconnaître que cette oligarchie n’est jamais tombée dans le rôle de harkie-marionnettes du néo-colonialisme, qu’il soit français, états-unien, moyen-oriental, turc ou autre. Les preuves en sont les manœuvres plus ou moins occultes, et les menaces plus ou moins évidentes que les puissances néo-coloniales, en premier lieu française, ensuite états-unienne, ont toujours exercé sur l’oligarchie algérienne, notamment par l’intermédiaire de leurs agents autochtones, plus ou moins masqués. N’oublions pas l’action, plus ou moins occulte, du colonialisme sioniste israélien, à travers des citoyens algériens qui manifestent ouvertement leur solidarité avec l’oligarchie sioniste israélienne. Ces oligarchies néo-coloniales et coloniale agissent ainsi parce que l’oligarchie algérienne (plus exactement la composante dominante de celle-ci) résiste depuis l’indépendance, d’une manière ou d’une autre, à concéder une main-mise étrangère significative sur les ressources naturelles (1) de la nation et l’installation de bases militaires étrangères sur le territoire. Ajoutons que l’oligarchie algérienne fait partie partie du « front du refus », autrement dit a toujours refusé d’abandonner la lutte du peuple palestinien pour ses droits nationaux, reconnus par l’organisation des Nations Unies ; toutes les autres oligarchies qui ont maintenu leur solidarité avec le peuple palestinien ont été punis, par la quadruple coalition néo-coloniale française et anglaise, impérialiste états-unienne et colonialiste sioniste israélienne : punition par l’agression militaire (Liban, Irak, Libye, Syrie, Yémen), punition par l’embargo économique (Iran).

Indépendance et liberté.

Lors de la résistance vietnamienne à l’agression impérialiste états-unienne, le président Ho Chi Minh lança le slogan : « Rien n’est plus important que l’indépendance et la liberté ». Par indépendance, on sait qu’il s’agit de celle de la nation contre toute domination étrangère. Par « liberté », il fallait entendre celle du peuple à se construire de manière autonome le système social conforme à ses intérêts.

Hélas !… Même l’héroïsme exemplaire du peuple vietnamien n’a pas pu empêcher de voir ses sacrifices récupérés par une oligarchie inédite, prétendument représentative du peuple (2). C’est que les peuples, conditionnés par des idéologies autoritaires hiérarchiques, masquées de « révolutionnaires » et de « populaires », - où la soit disant « élite » intellectuelle est responsable dans sa grande majorité -, les peuples peinent à prendre conscience qu’ils ne peuvent se sauver que par eux-mêmes, autrement dit par l’institution autonome d’organismes de gestion de leur société, basées sur le triptyque liberté-égalité-solidarité (3).

Cependant, le problème de l’existence d’oligarchies autochtones est à distinguer absolument du problème de l’indépendance nationale. Autrement dit, critiquer et faire « dégager » les représentants d’une oligarchie, pour édifier une société libre, égalitaire et solidaire, ne doit pas faire oublier que les ennemis du peuple et de sa nation sont à l’affût pour transformer cette phase de rupture sociale populaire émancipatrice en occasion pour intervenir, à travers leurs harkis locaux (organisations et individus), déguisés en « démocrates », pour reprendre le contrôle du pays, en y installant une nouvelle oligarchie harkie à son service. C’est dire que le combat social doit aller de pair avec le combat patriotique pour l’indépendance de la nation (4). C’est là une entreprise stratégique fondamentale. Le perdre de vue serait fatal : voir, par exemple, le cas de l’Égypte où, après le soulèvement populaire du soit disant « printemps arabe », l’oligarchie locale se trouve sous l’influence directe des oligarchies tant états-unienne que sioniste israélienne.

D’où l’importance vitale d’établir, de maintenir et de développer au maximum la solidarité entre le peuple et l’institution armée dont le but est de défendre l’intégrité et l’indépendance nationales. Que dans l’armée existent des éléments contraires aux intérêts de la patrie et du peuple, ne doit absolument pas porter à dénigrer ou négliger l’importance de l’armée, en tant qu’institution, comme moyen de défense patriotique militaire.

Comme disait Mao Tsé Toung, les contradictions au sein du peuple et les contradictions entre le peuple et les institutions qui le gèrent sont à régler absolument par le peuple seul, et dans son unique intérêt légitime (5). Toute ingérence étrangère, ouverte ou à par l’intermédiaire de ses harkis locaux, toute ingérence prétendument « humanitaire », toute ingérence déclarant « contribuer » à l’établissement de la « démocratie », sont à neutraliser absolument, car elles sont, - et toutes les expériences le démontrent ! -, contraires au peuple et à sa nation ; elles ne visent qu’à l’instauration d’un nouveau système néo-colonial.

La perte de la solidarité entre un peuple et son armée, quelque que soit le pays, c’est la double perte de l’indépendance de la nation et de la souveraineté du peuple. Encore une fois, toutes les expériences, sans exception, l’enseignent. Or, ces deux impératifs sont indéfectiblement liés entre eux. Une des preuves que des manifestants en Algérie l’ont compris, ce sont des photos qu’ils brandissent : celles de Larbi Ben Mhidi, de Mustapha Ben Boulaid, de Zirout Youcef et autres combattants de la guerre de libération nationale, sans oublier la présence physique parmi les manifestants de survivants du noble combat patriotique, telle notre sœur Djamila Bouhired.

_____

(1) Pour se limiter à un seul exemple, rappelons-nous la règle 49/51 permettant à l’État algérien de maintenir le contrôle sur les joint-ventures étrangères, et les tentatives récentes de certains individus, membres ou ex-membres de l’oligarchie algérienne, d’éliminer cette règle fondamentale d’indépendance nationale.

(2) Le doublement vainqueur de l’armée coloniale française et de l’armada militaire états-unienne, le général Nguyen Giap, dénonça, dans ses vieux jours, cette trahison oligarchique de l’idéal social populaire.

(3) Voir « Trois oui, trois non et deux conditions pour le mouvement populaire » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/03/trois-oui-trois-non-et-deux-conditions-pour-le-mouvement-populaire.html

(4) Voir article « Nationalisme et patriotisme » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2018/08/nationalisme-et-patriotisme.html

(5) Et cela par l’institution par le peuple lui-même d’organisations libres, égalitaires et solidaires, représentant de manière authentique le pouvoir du peuple, autrement dit la véritable démocratie de type populaire. Voir article «Auto-organisation ou l’échec » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/04/auto-organisation-ou-l-echec.html

 

Publié sur Le Matin d'Algérie, le 06 mai 2019, Algérie Patriotique, le 07 mai 2019 et sur La Tribune Diplomatique Internationale, le 11 mai 2019.

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 11 Mai 2019

Repression en Algérie durant la guerre anti-coloniale (1954-1962).

Repression en Algérie durant la guerre anti-coloniale (1954-1962).

Je viens de lire les deux contributions de Youcef Benzatat, et, bien entendu, les commentaires de lecteurs, au sujet de l’article de Kamal Daoud publié sur le New York Times, le 15 octobre 2018 (1). Un des lecteurs que j’estime exprima le souhait de lire une sereine argumentation à ce sujet. C’est le but de cette contribution. Précisons deux choses. Ce n’est pas la personnalité de Kamel Daoud qui sera examinée ici, ni son œuvre littéraire, mais uniquement les idées et « arguments » contenus dans son article ; en outre, la présente contribution s’adresse prioritairement aux lecteurs et lectrices (et non aux trolls, rétribués ou non) qui, de bonne foi, croient que certaines idées de K. Daoud sont bénéfiques au peuple algérien.

De la guerre.

Certains lecteurs ont reproché à Youcet Benzatat son « obsession » et son « acharnement » concernant Kamel Daoud. Pourquoi ne s’agirait-il pas, au contraire, de l’obsession et de l’acharnent de ce dernier à évoquer le thème de la guerre de libération nationale ? Son article sur le NYT ne s’intitule-t-il pas : « Ma guerre avec la guerre d’Algérie » ?

Et pourquoi le choix de ce jeu de mots ? N’est-il pas un banal procédé sophiste, qui fait bien « sonner » les mots pour impressionner ?… Ne serait-il pas plus pertinent, plus raisonnable de dire plutôt : Paix avec la guerre d’Algérie ?… En effet, K. Daoud déclare dans son article : « Tout ce que j’entendis alors a créé en moi, comme dans l’esprit de beaucoup de personnes de mon âge, une saturation qui provoqua le rejet. » Dès lors, ces deux résultats sont-ils surmontables par la « guerre » à la guerre, ou, au contraire, par la paix ?… Autrement dit par la résilience ?

Des idées qui dérangent, mais qui ?

D’autres lecteurs ont exprimé leur admiration pour K.Daoud parce qu’il « dérange » les idées officielles étatiques

Est-il certain que la critique de la version étatique suffit pour considérer un auteur utile à la clarification des idées et des conceptions ?… En effet, on peut critiquer la propagande officielle étatique dans deux buts différents : le premier est pour défendre les intérêts du peuple, dominé et exploité par les dirigeants de l’État en question. Est-ce la cas chez K. Daoud ?

Dans son article, il déclare : « Mes engagements en Algérie se préoccupent plus des libertés individuelles, d’un régime incapable de transition et de la montée de l’islamisme. » Certes, ces problèmes existent et exigent des solutions. Mais l’Algérie n’a-t-elle pas, également, d’autres problèmes ?… Le peuple n’est-il pas exploité et dominé par une oligarchie, en partie étatique, en partie privée, aux intérêts convergents ? Les associations citoyennes collectives, notamment les syndicats, ne sont-ils pas empêchés dans l’exercice de leurs droits légitimes ?… Ceci à l’intérieur. Et, concernant l’extérieur, n’y a-t-il pas une triple menace néo-coloniale française-impérialiste U.S.-sioniste israélienne ? Et, cela, parce que les dirigeants étatiques algériens, bien que anti-démocratiques à l’intérieur, manifestent cependant une indépendance nationale tout à l’opposé des régimes arabes soumis aux puissances néo-coloniales (anglaise et française), impérialiste états-unienne et sioniste israélienne ?

Dès lors, se limiter à évoquer les « libertés individuelles », le « régime incapable de transition » et la « montée de l’islamisme », est-ce suffisant pour décrire les problèmes qui affligent l’Algérie ?… Ces arguments, bien que pertinents, ne sont-ils pas des arbres qui cachent la forêt ?… En effet, les thèmes évoqués par K. Daoud ne sont-ils pas ceux habituels de la propagande néo-coloniale-impérialiste-sioniste ?… N’est-ce pas par celle-ci que furent et demeurent justifiées les agressions militaires contre l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, l’Iran ?… Dès lors, le contenu des « engagements » formulé par K. Daoud, qui dérange-t-il ?… Seulement le « régime » algérien et « l’islamisme » ?… Plus loin, nous examinerons la pertinence des trois aspects des « engagements » de K. Daoud.

Reconnaissance.

Considérons ce que certains commentaires (trolls ?) définissent comme « réussite » professionnelle et « reconnaissance » du « monde » envers K. Daoud.

Ce « monde », c’est qui concrètement ?… Est-ce celui des personnes et des associations citoyennes (algériennes ou étrangères) qui combattent réellement pour un monde sans agressions étrangères, sans dictatures internes, un monde où liberté et solidarité humaines se conjuguent et se complètent ?… Le New York Times est-il le journal qui exprime et défend ces combats ?… N’est-il pas, au contraire, la propriété de membres de l’oligarchie états-unienne, et, par conséquent, justifie et défend son comportement de gendarme de la planète, pour conserver l’hégémonie impériale sur ses ressources et ses peuples, condition indispensable pour garantir les richesses et le pouvoir de cette oligarchie ?… Alors, comment expliquer la publication de l’article de K. Daoud dans ce journal, si réellement ses « engagements » remettaient en question cette hégémonie impériale ?

Encore de la guerre, mais laquelle ?

Notons le titre de l’article de K. Daoud dans le NYT : « Ma guerre à la guerre d’Algérie ». De par le monde, y compris l’Algérie, les personnes soucieuses de précision ne parlent pas de « guerre » (d’Algérie, de Viet Nam, de Chine, etc.), mais de guerres de libération nationale. Seuls les auteurs écrivant dans les médias de propagande impérialiste préfèrent les expressions « guerre du Viet Nam », « guerre de Chine » ou « guerre d’Algérie ».

En effet, ce genre d’expression, en se référant uniquement au terme indiquant le pays, occulte ce qui caractérisa ces guerres : une résistance populaire pour libérer la patrie d’une oppression militaire étrangère. Ainsi, l’on constate que les mots et les expressions ne sont pas innocents, ni le fruit du hasard. Soit l’auteur est un ignorant, et dans ce cas est-il un journaliste et un écrivain dignes de ces qualificatifs ? Soit il sait de quoi il parle, et, alors, son vocabulaire appartient à la propagande impérialiste, et donc manipule et conditionne les lecteurs pour servir les intérêts impérialistes.

Une expérience éclaire davantage ces observations. Sur le moteur de recherche de Google, j’ai écris d’abord en français : « guerre d’indépendance américaine » ; j’ai obtenu beaucoup de liens. Ensuite, j’ai écris : « guerre d’Amérique » : aucun ne concernait la guerre d’indépendance des États-Unis. Puis, en anglais, j’ai écris : « independence american war » : j’ai obtenu beaucoup de liens ; en écrivant : « America war » : le premier lien correspondait à ces deux mots, par contre le second fut « america war of independence » (les deux derniers mots en gras). Donc, le moteur de recherche Google, dont les propriétaires font partie de l’oligarchie états-unienne, sait très bien distinguer entre « guerre d’indépendance » des États-Unis et « guerre américaine » (2). Quant à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, elle parle de « American Revolutionary War (1775–1783), also known as the American War of Independence ».

Par contre, les membres de l’oligarchie française commencèrent par parler d’ « événements » d’Algérie, ensuite certains ont fini par prononcer « guerre d’Algérie ». Mais aucun n’a dit, jusqu’à ce jour, pas même le Président Macron, « guerre de libération algérienne » ni « guerre d’indépendance algérienne ». Dès lors, quand K. Daoud parle de « guerre d’Algérie » dans le NYT, son discours et sa conception reflètent quelle vision, et donc position idéologico-politique, autrement dit servent quels intérêts ?… Ceux de la vérité historique ? Ceux du peuple algérien ?

L’emploi de l’expression « guerre d’Algérie » par K. Daoud, soit elle a été bien réfléchie par un journaliste et écrivain qui sait employer son cerveau correctement, et, alors, elle n’exprime que la formulation impérialiste de ce fait historique ; soit, il s’agit d’une expression pas suffisamment méditée par l’auteur, et, donc, qu’en est-il de l’effort de clarification historico-sociale qui devrait caractériser tout journaliste et écrivain digne de ces attributions ?

À ce sujet, examinons l’article. K. Daoud déclare : « Je n’ai pas connu la guerre, mais elle a été présente dans mon imaginaire. Par la voie de mes parents et proches et de leurs discussions, et par la voie de l’État : l’école, la télévision, les fêtes officielles et les discours politiques. »

K. Daoud n’a-t-il donc pas, comme d’autres personnes de son âge, connu ou entendu parler d’aucun authentique combattant (et combattante) de la guerre de libération ? Et n’a-t-il pas lu des témoignages publiés par certains d’autres eux ?

K. Daoud ajoute :

« Quand j’étais enfant, l’une des façons de faire rire autour de soi était de moquer les vétérans de guerre et leur propension à exagérer ou inventer leurs faits d’armes passés pour bénéficier de privilèges au présent. On sentait dès l’école qu’il y avait mensonge. Cette intuition était confortée par nos parents qui nous parlaient de faux moudjahidines — de faux anciens combattants — de plus en plus nombreux à réclamer des droits, et aussi par le spectacle des injustices induites par ces droits : accès privilégié au logement et à l’emploi, détaxes, protections sociales spéciales et autre. »

Décidément, l’enfant K. Daoud n’a entendu parler, de la part de ses « parents » que d’une catégorie de « vétérans de guerre » qui faisaient « rire » par leur « propension à exagérer ou inventer » ou à avoir un « accès privilégié ». Quant aux combattants de la guerre de libération qui ont courageusement affronté les tortures ou la mort et qui, après l’indépendance, ont simplement considéré avoir accompli leur devoir de citoyen désirant sa propre dignité, selon ses dires, K. Daoud n’en a jamais entendu parler de la part de ses parents. Que penser, alors, de ce genre de parents qui, eux, au contraire de leur enfant Kamal, ont connu la guerre de libération nationale ?

Présenter la guerre de libération nationale algérienne, en l’appelant « guerre d’Algérie », et en la réduisant à des « vétérans » risibles, imposteurs et profiteurs, est-ce acceptable de la part d’une personne définie comme journaliste et romancier (laissons de coté le fait qu’il soit algérien) ?… Considérons à présent le journal NYT. Publierait-il l’article d’un auteur qui se baserait uniquement sur des racontars de parents et de proches ainsi que sur la propagande étatique, pour définir la guerre états-unienne d’indépendance anti-coloniale seulement comme « guerre d’Amérique », avec principalement un ramassis de « vétérans », risibles, imposteurs et profiteurs, parce que l’auteur de l’article n’a connu que ce que ses parents, ses proches et une propagande étatique lui ont dit sur ce fait historique ?

K. Daoud conclut :

« Je fais donc partie de cette génération pour qui la mémoire de la guerre d’Algérie — et selon les manuels scolaires, son million et de demi de martyrs algériens — est marquée par la méfiance. Nous avons grandi convaincus qu’il s’agissait désormais d’une rente et non plus d’une épopée. »

Lire ces mots de la part d’un jeune algérien manquant de culture, d’instruction et de connaissances historiques peut être compréhensible. Mais est-ce le cas quand il s’agit d’une personne qui écrit dans des journaux algériens et new-yorkais, sans parler de la publication de deux romans ?… Sa « méfiance », - légitime -, pourquoi ne l’a-t-elle pas porté à connaître l’histoire réelle, pour distinguer et séparer le vrai du faux, savoir où est la « rente » et où est l’ « épopée » ? où sont les faux et les vrais combattants de la guerre de libération ? Où est la propagande étatique et la vérité historique ?… De la part d’un journaliste et écrivain digne de ce nom, ce genre d’étude, de recherche et de discernement ne sont-ils pas une obligation absolue ?… Par conséquent, ne voir qu’un aspect de la guerre de libération, à savoir ses représentants « risibles », imposteurs et profiteurs, autorise-t-il à ignorer et à rejeter l’aspect positif d’épopée que fut la guerre de libération algérienne, comme toute autre guerre de libération nationale, en dépit de ses errements et de ses carences ?… Dès lors, de la part d’un intellectuel, occulter l’aspect positif d’un fait historique, comment le caractériser ?… Ignorance ?… Mais, alors, est-on un intellectuel digne de ce nom ? L’autre hypothèse serait de connaître la vérité mais l’occulter. Qui en serai, alors, le bénéficiaire ?… Est-ce la vérité historique ? Est-ce le peuple algérien ? Sont-ce les lecteurs de l’article de K. Daoud ? Ou, plutôt, tous ceux qui veulent ternir, salir, stigmatiser, ridiculiser et s’esclaffer de rire en évoquant la « guerre d’Algérie » (ou toute autre guerre de libération nationale), en la (les) réduisant à des individus imposteurs et profiteurs, parce que, voyez-vous, c’est ce que mes « parents » et mes « proches » m’ont dit. Est-ce ainsi qu’un article doit décrire l’histoire réelle d’un fait historique ?… Il est vrai que le NYT est un journal « prestigieux », pour ceux qui ignorent qu’il est la propriété des membres de l’oligarchie impériale états-unienne.

De la mémoire (3)

Souvenons-nous. En décembre 2017, le Président français E. Macron, dans un bain de foule à Alger, déclara à un jeune qui l’interpella sur le passé colonial : « Mais vous n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? »... Que dit K. Daoud dans son article ?… « Aujourd’hui, la France d’Emmanuel Macron — un président qui, comme moi, n’a pas connu cette guerre » ; et, ailleurs, le même Daoud dénonce le fait de « ressasser sa mémoire coloniale ». Notons les verbes : Macron (« embrouiller »), Daoud (« ressasser »), et leur signification sémantique concernant l’une des guerres de libération nationale les plus importantes du siècle passé.

Si l’on comprend bien la « logique » de Macron et de Daoud, une personne qui n’a pas connu une guerre ne devrait pas s’en sentir concerné, parce que ce conflit appartient au passé (ou, pourquoi pas, au présent). Cependant, la richesse de la France dans laquelle vit Macron n’est-elle pas, aussi et en partie, le résultat des entreprises coloniales de son pays ? Et la situation de Daoud, comme journaliste et écrivain non colonisé, n’est-elle pas, elle aussi et en partie, la conséquence d’une guerre de libération nationale ?

Le même Président français déclara : « Votre génération doit regarder l’avenir ». Et que dit K. Daoud dans son article ?… « il est aussi nécessaire aux décolonisés de dépasser le passé, et assumer leur présent, avec sincérité. »… On estimera que K. Daoud a la « liberté individuelle » de refléter la vision du Président français. Soit ! Mais que penser de cette coïncidence d’identité de vue, au point de quasi paraphraser les déclarations du Président français ?… S’étonnerait-on, alors, du fait que lors de sa visite à Alger, ce même Président invita à déjeuner, à Alger, entre autres « personnalités » de l’ « opposition », Kamel Daoud ?… Et devinez quelle photo accompagne l’article de K. Daoud dans le NYT ?… Une splendide photo du Président Macron, tout sourire et tendant amicalement la main à des Algériens, eux aussi tout sourire, lors de son fameux bain de foule à Alger.

Venons à la reconnaissance de ce Président au sujet de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française. Concernant ce dernier, K. Daoud écrit aux lecteurs états-uniens : « Maurice Audin, un jeune communiste français ». Est-ce la vérité ?… La voici : plus exactement, Maurice Audin, bien que de souche française, ne fut pas membre du parti communiste français, mais algérien, et c’est en tant que militant de cette organisation qu’il a combattu l’armée coloniale française. Encore une fois, le vocabulaire de K. Daoud n’est-il le reflet direct de celui de l’oligarchie française ? C’est elle qui parle de « communiste français », occultant l’algérianité assumée par Maurice Audin.

À ce sujet, notons cette coïncidence. K. Daoud note, justement, ceci : « les islamistes salafistes ou les islamistes sans mandat politique direct insistent plutôt sur le fait qu’Audin était communiste et athée ». Ainsi, est occultée l’algérianité de Maurice Audin. Quel est, alors, le vocabulaire de K. Daoud ? Il présente Audin comme « français », reflétant ainsi le vocabulaire de l’oligarchie française. Il est vrai que plus loin, K. Daoud émet cette réserve : « Français ou non ». Mais, pourquoi pas : « Français ou Algérien » ?… Ce genre d’expression n’est-il pas, de la part de K. Daoud, identique à celui des salafistes qui nient l’algérianité de Audin ?

Revenons au Président Macron. K. Daoud parle de « son miracle de self-made-man politique »… Une personne soucieuse de vérité, encore plus si elle se prétend journaliste, trouvera autre chose. Ceci : « La subite apparition d’un nouveau parti politique, En Marche !, sur la scène électorale française, et la candidature de son président, Emmanuel Macron, à la présidence de la République ne doivent rien au hasard. Les partisans de l’alliance entre la classe dirigeante française et les États-Unis n’en sont pas à leur coup d’essai. » (4)

Quant à la mémoire de tous les méfaits commis par le colonialisme non seulement en Algérie mais sur la planète, à propos de la reconnaissance par le Président E. Macron, non pas de ces crimes contre l’humanité, mais uniquement de la torture puis l’assassinat du combattant algérien pour l’indépendance, Maurice Audin, K. Daoud écrit : « « J’avais du mal à trouver des mots sincères. Je voulais saluer le courage de la déclaration mais sans pour autant m’enfermer dans le rôle du décolonisé qui ne fait que ressasser sa mémoire coloniale et attendre des excuses (5). Je voulais à la fois honorer le passé et affirmer ma liberté vis-à-vis de lui. »

De quelle « liberté » s’agit-il ?… Celle de ne voir dans le passé que des faux combattants de guerre « risibles », imposteurs et profiteurs ?… Élargissons l’examen. Quand l’exigence de reconnaissance (n’allons pas jusqu’aux excuses) est exprimée par les peuples autochtones d’Amérique en ce qui concerne le génocide de leurs ancêtres, par les peuples d’Afrique en ce qui concerne leur esclavage dans les plantations états-unienne, par le peuple chinois en ce qui concerne les méfaits de l’armée impériale fasciste japonaise notamment dans la ville de Nankin, par le peuple japonais en ce qui concerne les deux bombardements atomiques sur des villes (non militaires), les peuples colonisés en ce qui concerne ce que les envahisseurs leur ont fait subir,... ce genre d’exigence, est-ce donc uniquement « ressasser sa mémoire » ?… Parler ainsi, n’est-ce pas là le discours précisément de toutes les oligarchies ayant commis des crimes contre l’humanité, et refusant jusqu’à aujourd’hui de les admettre ?… À une seule exception, - il faut le noter - du crime contre l’humanité que fut la « solution finale » nazie contre les Juifs ; ce crime a été non seulement reconnu par l’État allemand succédant au nazisme, mais des dédommagements financiers furent concédés aux descendants des victimes ; plus encore, une majorité des oligarchies européennes vont jusqu’à justifier les crimes de l’armée israélienne contre le peuple palestinien par le fait que le peuple juif fut victime d’un holocauste. Encore une fois, est-il juste que le peuple dit « juif » soit l’unique peuple à mériter reconnaissance, compensations financières et justification des crimes d’Israël ? Qui en a décidé ainsi ? Et dans quel but ?

Précisons, cependant, qu’en 2001, le Parlement français a reconnu officiellement que l'esclavage et la traite des Africains étaient un « crime contre l'humanité », et a consacré le 10 mai à leur souvenir. En 2007, pour la première fois, l’État U.S. de Virginie a admis sa responsabilité et a demandé les excuses pour l'esclavage des Africains et pour « l'exploitation des natifs Américains ». Et le colonialisme planétaire, quand sera-t-il reconnu, sans parler non pas d’excuse mais d’indemnisations pour les destructions humaines, matérielles et culturelles conséquentes ?… S’agit-il là seulement de « ressasser la mémoire » ?... Toute réconciliation, que ce soit entre individus ou entre peuples, ne nécessite-t-elle pas au moins la reconnaissance des torts commis, pour ne pas parler d’excuses et de dédommagements matériels ?… Quand le poète martiniquais Aimé Césaire écrit : « Combien de sang dans ma mémoire », est-ce qu’il « ressasse » ?

Destinataires.

Quand le NYT publie un article de K. Daoud, à qui s’adresse-t-il principalement ?… Aux lecteurs des États-Unis (dans la version anglaise). En leur présentant une « guerre d’Algérie » (et non une guerre de libération nationale anti-coloniale), « risible », dominée par des imposteurs et profiteurs, favorisés par un « régime », quel est le but poursuivi par ce journal ?… Sachant que son éditeur en chef n’est pas un idiot amateur, mais sait ce qu’il fait, que ce journal est la propriété de membres de l’oligarchie impérialiste états-unienne, et qu’il a, par conséquent, toujours défendu leurs guerres d’agression, quelle conclusion s’impose ? Un tableau si méprisable de la guerre de libération nationale algérienne, en outre fourni par une personne présentée comme écrivain non pas états-unien, mais algérien et vivant en Algérie, ce genre de tableau ne prépare-t-il pas les lecteurs du journal NYT a justifier une éventuelle guerre de l’armée états-unienne pour offrir à l’Algérie, selon les dires de K. Daoud dans l’article concernant ses « engagements », les « libertés individuelles », combattre un « régime incapable de transition » et la « montée de l’islamisme », avec les résultat déjà constatés en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie ?… Et demain en Algérie, parce que ce dernier pays, malgré ses tares, n’a pas consenti à s’abaisser au misérable rôle de marionnette de l'hégémonie impériale ?… Toute guerre d’agression se prépare par des mots dans des organes dit d’information, faut-il le rappeler ? Et faut-il rappeler, aussi, que ces mots sont plus efficaces si ce ne sont pas les agresseurs qui les prononcent, mais des membres du peuple à agresser, vivant en son sein ?… Autrement, pourquoi, l’article de K. Daoud, tel que publié dans le NYT, commence par « ORAN, Algérie » ?

Culpabilité ou dette de reconnaissance ?

K. Daoud écrit: “On me faisait sentir coupable de n’être pas né plus tôt pour pouvoir faire la guerre. »… Quelle est l’identité précise de ce « on » ? La propagande étatique officielle ?… Et comment expliquer la contradiction suivante ? D’une part, K. Daoud affirme n’avoir connu de cette guerre que des aspects risibles, de vantards et profiteurs ; cependant, d’autre part, il s’est trouvé des « on » qui lui reprochaient de n’avoir pas participé à cette farce honteuse.… Peut-on culpabiliser une personne pour n’avoir pas été membre d’une imposture ?

Autre considération. Dans son excellent témoignage « Se questo è un uomo », Primo Levi, qui fut interné en camp de concentration, parla d’un sentiment étrange de culpabilité : celui d’avoir survécu à ses compagnons d’infortune. Primo Levi n’eut pas besoin de « on » pour le culpabiliser. La noblesse de sa conscience humaine, basée sur la solidarité avec les victimes, lui a suffi pour éprouver ce sentiment de culpabilité. Le porta-t-elle finalement au suicide ? Seul, lui le savait.

En ce qui me concerne, personne ne m’a fait « sentir coupable » de n’avoir pas participé à la guerre de libération nationale algérienne. Bien qu’enfant, j’ai cependant participé aux manifestations populaires patriotiques. Et j’ai regretté, sans avoir subi nulle pression, de ne pas être monté au maquis. Nous fûmes quelques uns, au lycée, à le proposer. Un dirigeant de la lutte vint nous dire : « Merci pour votre dévouement. Mais l’indépendance arrivera bientôt. Vous serez plus précieux au pays en lui fournissant par la suite vos connaissances. » Aussi, je n’ai éprouvé aucun sentiment de culpabilité, et je n’ai jamais connu des « on » qui me reprochèrent ce comportement.

Par contre, j’ai eu et je conserverai jusqu’à ma mort un sentiment de dette envers les compatriotes qui avaient sacrifié leur vie afin que je puisse être affranchi de ma condition de colonisé. Et je me considérerais un ingrat si je ne transmets pas ce sentiment de dette à mes enfants et aux autres enfants (6). Et cette dette ne s’arrête pas aux combattants de la guerre de libération nationale algérienne ; elle remonte aux premiers êtres humains qui, sur cette planète, ont combattu pour leur dignité, leur liberté et leur solidarité, en nous transmettant la mémoire de leurs luttes pour continuer à réaliser ce qui est le plus noble idéal de l’humanité. Ce devoir de dette ne se manifeste-t-il pas symboliquement chez tous les peuples du monde, par la commémoration annuelle de leur libération d’une domination étrangère, ou d’une domination oligarchique (fête internationale des travailleurs, le 1er mai) ?

K. Daoud écrit encore : « Reconnaître le crime [concernant Maurice Audin] c’est donc, pour le gouvernement français, enrayer le geste de ceux qui voudraient lancer ce passé [colonial] comme un cocktail Molotov dans le présent. »… Ainsi, reconnaître le passé colonial ne serait rien d’autre ? Ce langage n’est-il pas celui des membres de l’oligarchie coloniale et néo-coloniale ?… Comparaison n’est pas raison, dit-on. Mais, à ce sujet, vient en mémoire un fait. Voici quelques jours, une municipalité de Los-Angeles a décidé de déboulonner une statue de Christophe Colomb, désormais considéré comme une personne ayant commis des crimes contre l’humanité envers les populations autochtones d’Amérique. Il s’est trouvé quelques journalistes espagnols pour protester contre ce qu’ils considéraient comme inacceptable. Il est vrai que ce colonisateur a considérablement enrichi l’oligarchie espagnole de l’époque et que, d’une certaine manière, cette richesse continue à profiter à ces « journalistes » espagnols contemporains. Par contre, des représentants d’Amérindiens ont applaudi à ce qu’ils estiment être enfin un acte de reconnaissance de crime contre leurs ancêtres.

Ce fait permet de répondre à la question que K. Daoud se contente de poser : « Mais pour moi, pour nous ? Que doit faire le décolonisé quand il obtient les excuses de l’ex-colonisateur ? »… Mais il serait, enfin, décolonisé dans le domaine historique, parce qu’il verrait, enfin, les descendants de ses colonisateurs renier l’image qu’ils s’étaient confectionnée du colonisé : un « barbare » et un « fainéant » tout juste à coloniser, pour le « civiliser » et, pour cela, tenter de l’exterminer par des massacres collectifs, et, en cas de résistance, comme en Algérie, le réduire à une masse d’ « Arabes » et de « Kabyles » expropriés de leurs terres et condamnés à « suer du burnous » pour leurs « bienfaiteurs » coloniaux.

K. Daoud conclut : « Audin est enfin reconnu comme victime de torture et sa mort comme un crime. Très bien. Mais s’il est nécessaire pour le colonisateur de sortir de la mémoire coloniale avec honneur, il est aussi nécessaire aux décolonisés de dépasser le passé, et assumer leur présent, avec sincérité. »… Les déclarations du Président Macron, concernant Maurice Audin et le colonialisme en Algérie, suffisent-elles pour parler d’ « honneur » à leur propos ? Le reste serait donc insignifiant ? C’est-à-dire la destruction d’une entière société dans ses structures matérielles et culturelles, et la tentative de lui appliquer la « solution indienne », c’est-à-dire l’éliminer pour la remplacer par des colons français, sans parler des méfaits commis par l’armée française durant la guerre de libération nationale algérienne.

Quant aux décolonisés, « dépasser leur passé », consiste-il à le présenter comme une guerre uniquement finie en objet de « rire » et de « rente », sans rien d’autre ?… Et « assumer leur présent, avec sincérité » consiste-t-il uniquement à évoquer les « libertés individuelles », le « régime incapable de transition » et la « montée de l’islamisme » ?… Sont-elles donc insignifiantes la domination-exploitation du peuple algérien par l’oligarchie régnante, d’une part ? Et, d’autre part, la menace de plus en plus pressante de l’alliance des oligarchies impérialiste U.S.-britanique-française-israélienne pour réduire l’Algérie à ce qu’elle a fait des autres pays du Moyen-Orient (sans oublier le Maroc), à l’exception de la Syrie de l’Iran et du Yémen ?

Revenons en détail à ce que K. Daoud définit comme étant ses « engagements ».

Libertés individuelles.

Si elles ne sont pas considérées en relation avec la solidarité collective, que sont ces libertés sinon l’expression de l’égoïsme arrogant d’une caste méprisant le peuple, et s’alliant à d’autres castes hégémoniques dans le monde ?… En effet, les « libertés individuelles » existant dans les pays soit disant « démocratiques » et « libéraux » ont-elles permis à leurs citoyens du bas de l’échelle sociale de bénéficier de la liberté de mieux vivre : avec un salaire plus juste, une sécurité sociale convenable dans la vieillesse, un système de santé plus accessible, un habitat plus vivable, un accès à l’instruction et à la culture plus émancipateur, enfin, un sentiment de justice empêchant leurs armées d’agresser et de massacrer d’autres peuples de la planète ?

Régime.

Concernant le « régime incapable de transition » en Algérie, cette constatation n’est-elle pas vague, ressemblant à du langage diplomatique codé ? Un journaliste compétent et honnête ne devrait-il pas mentionner vers quel type de système socio-politique doit aller cette transition ?… Il est vrai que lorsqu’on écrit sur un journal comme le NYT, il faut veiller à ne pas « déranger » le vocabulaire employé, et surtout ne jamais appeler un chat, un chat, et un fripon, un fripon.

Mais si, par « transition », K. Daoud (et d’abord l’éditeur du NYT) sous-entend le mot « démocratie », il y a risque. Certains lecteurs avertis savent que, déjà, l’ex-Président Bush Jr., l’ex-premier ministre Tony Blair et l’ex-Président Sarkozy (sans parler de Bernard Henri-Levi) avaient promis la « démocratie » aux peuples d’Afghanistan, d’Irak et de Libye, avec les résultats constatés. Bien entendu, ces « personnalités » ne pouvaient pas déclarer de manière publique, franche et cynique : « En réalité, nous agressons les pays pour nous emparer de leurs territoires et y établir des bases militaires pour d’autres agressions, pour mettre la main sur des ressources naturelles notamment le pétrole et le gaz, afin de renforcer nos industries et nos armées, enfin pour exploiter la main-d’œuvre locale ; seulement ainsi les oligarchies, qui ont permis notre élection et les privilèges dont nous jouissons, maintiendront et augmenteront leurs richesses ». Ne reste-t-il pas donc à K. Daoud à préciser la « transition » qu’il souhaite ? Se limite-t-elle aux deux des thèmes qui composent ses « engagements » : « libertés individuelles » et pas d’ « islamisme » ?… Nous avons déjà dit que l’Algérie, plus exactement son peuple, n’a pas que ces deux exigences.

Islamisme.

Concernant, la « montée de l’islamisme », si, là aussi, ne sont pas nommés qui en ont été et demeurent les initiateurs réels de ce phénomène, fait-on du journalisme compétent et honnête ? 

Toute personne qui s’informe correctement sur internet sait que l’islamisme politique (salafiste et des Frères Musulmans), ainsi que l’islamisme terroriste (des organisations islamistes militaires), dans tous les pays du monde, dont l’Algérie, cette personne donc connaît désormais ses créateurs, ses financiers et ses soutiens : les oligarchies impérialiste U.S., néo-coloniales anglaise et française, colonialiste israélienne, ainsi que leurs sous-traitants : les oligarchies saoudienne et qatarie.

Ne pas porter ces précisions, en se contentant de dénoncer la « montée de l’islamisme », comme on le lit dans l’article de K. Daoud, c’est exactement ce que la propagande officielle des oligarchies mentionnées ci-dessus déclare. Après avoir créé cet « islamisme » pour déstabiliser les États récalcitrants à leurs visées hégémoniques, ces oligarchies prétendent le combattre. Or, désormais, en Syrie, les masques sont tombés : ce sont l’armée syrienne étatique, avec le soutien de la Russie, du Hezbollah libanais et de militaires iraniens qui combattent les organisations terroristes islamistes, tandis que les corps spéciaux des armées états-unienne, anglaise et française collaborent sur le terrain (en envahissant illégalement le territoire syrien) avec ces organisations islamistes, présentées comme « démocrates » (bien entendu !). La région d’Idlib en est la preuve la plus évidente : l’armée syrienne et ses collaborateurs russes ne peuvent pas éliminer les organisations terroristes qui s’y trouvent pour un seul motif : elles sont protégées par ceux-là même qui déclarent officiellement combattre l’ « islamiste » radical.

Bien entendu, l’organe de l’oligarchie impériale, le NYT, ne peut qu’accueillir toute version qui prétend combattre la « montée de l’islamisme », précisément en la liant à l’existence d’un « régime incapable de transition ». Et la présenter par la voix d’une « personnalité » algérienne est une excellente tactique propagandiste. À payer à prix d’or ! L’argent étant le nerf de toute entreprise, surtout quand elle est rapace et vile.

Lier l’ « islamisme » et un « régime » est une tactique propagandiste connue. L’exemple le plus significatif fut, par les propagandistes états-uniens, d’associer Al-Qaïda avec le régime de Saddam Hussein, certes dictatorial mais laïc ! Joseph Goebbels, le spécialiste en propagande, affirma : « Plus le mensonge est gros, plus il a de chance d’être cru ». Et certains y ont cru.

En outre, en évoquant la « montée de l’islamisme », fait-on preuve de déontologie journalistique en ne fournissant pas d’autres informations, qui complètent la situation ?… Celles-ci. Dans les pays occidentaux, notamment aux États-Unis, la montée des sectes évangéliques chrétiennes politiquement néo-conservatrices, donc en faveur des agressions impérialistes, et en Israël celle des intégristes juifs qui veulent l’extermination des Palestiniens pour réaliser le « grand » Eretz Israël, promis par leur Dieu au « peuple élu ».

Certains objecteront que le phénomène islamiste se manifeste de manière plus cruelle et plus brutale, d’où l’insistance à le condamner. Question : les manifestations bruyantes et violentes des islamistes, ainsi que les égorgements spectaculaires de prisonniers par les organisations islamistes, diffusés en vidéo, sont-ils plus cruels et plus barbares que les massacres de populations civiles par les bombardements des armées états-unienne, anglaise et française ?… Certes, il est vrai que les évangélistes chrétiens et les intégristes juifs agissent de manière discrète, et que les résultats des bombardements sont soigneusement occultés à l’opinion publique. Mais un journaliste compétent et honnête peut-il en être dupe, à moins de complicité ?

Je vous serais reconnaissant de démontrer aux lecteurs, d’un journal algérien ou français ou dans le NYT, l’inconsistance de mes arguments et mes propres errements, éventuellement en mettant en évidence leur aspect « islamiste », de voix du « régime », de « décolonisé » qui « ressasse sa mémoire » ou tout ce qui vous semblera utile. À moins de juger cette contribution citoyenne au débat indigne de mériter une clarification.

Adresse.

Qu’il soit permis de la formuler à l’auteur de l’article qui vient d’être discuté.

Après ce que vous avez admis concernant vos errements de première jeunesse dans la nébuleuse islamiste du Front Islamique du Salut, - ce qui est à apprécier -, n’êtes-vous pas, à présent, en errements dans la nébuleuse idéologique de leurs mentors états-uniens et français, en bénéficiant, cette fois-ci, des privilèges qui vont avec : une certaine gloire médiatique et, bien entendu, des rétributions financières pour vos écrits de journaliste et de romancier ?

Ignorez-vous que le NYT vient de se distinguer par une fake news ?… Elle fut révélée dans The Nation, un journal états-unien qui n’appartient pas, lui, à l’oligarchie états-unienne, et par un journaliste d’investigation (celle authentique) Tim Shorrock. L’article s’intitule « Comment le New York Times a trompé l’opinion à propos de la Corée du Nord », dans le but de manipuler les citoyens états-uniens pour une éventuelle agression contre ce pays (7). Bien entendu, la Corée du Nord est considérée par l’oligarchie états-unienne, pour employer votre langage (mais n’est-ce pas, d’abord, celui de cette oligarchie ?), un « régime incapable de transition ». Soit !… De quel droit une armée étrangère devrait opérer cette « transition », et non son propre peuple ?… N’avons-nous pas, déjà, les exemples de la manière dont des « régimes incapables de transition » ont été traités par les oligarchies états-unienne-anglaise-française en Afghanistan, Irak, Libye et ont tenté de faire en Syrie ?

« Errare humanum est, perseverare diabolicum » (L'erreur est humaine, l'entêtement [dans son erreur] est diabolique).

Il semble que vous n’avez pas seulement persévéré à errer de la nébuleuse islamiste à celle de leurs mentors oligarchiques occidentaux. Vous avez manifesté une autre double errance. La première fut votre article concernant les faits de Cologne. Vous vous êtes empressé, dans un journal bien entendu d’une oligarchie occidentale, « Le Monde », à dresser un tableau des jeunes algériens comme des obsédés sexuels. Vous affirmez : « Le sexe est la plus grande misère dans le ‘‘monde d’Allah’’ »... Ce n’est donc pas l’exploitation économique (avec sa corollaire, la domination politique) qui est à la base de la misère sexuelle, quelque soit la société considérée, et la religion qui y domine ?… Il est vrai que les personnes qui ne souffrent pas d’exploitation économique peuvent considérer leur sexualité frustrée comme « la plus grande misère », mais pas seulement dans le « monde d’Allah ».

À présent, dans le NYT, vous avez traité la guerre de libération de phénomène risible d’imposteurs profiteurs.

Or, quelle est l’une des caractéristiques de ce qu’on appelle la propagande, autrement dit les fausses informations visant à manipuler l’opinion publique pour servir une oligarchie dominante (et payante) ?… C’est l’extrapolation. Elle consiste à partir d’un fait relatif (réel ou supposé) pour en déduire une généralisation outrancière, ni logique, ni raisonnable, qui condamne une totalité dans son ensemble.

Deux exemples. La propagande nazie, partant du fait que quelques banquiers allemands étaient de religion juive, fit croire que tout Juif est un un financier véreux, donc que tout le peuple juif est obsédé par l’accumulation financière au détriment des autres peuples. Résultat ?… La solution finale des chambres à gaz. La propagande coloniale française, partant du fait que des résistants algériens employaient le couteau ou la bombe artisanale comme arme, parce qu’ils ne disposaient pas de mitraillettes ni de chars ni d’avions, décréta que les Algériens sont une race de « barbares cruels » (occultant la cruauté infiniment plus barbare des bombardements au napalm de l’armée coloniale française).

Et vous, quel fut votre « raisonnement » concernant les événements de Cologne, puis la guerre de libération nationale algérienne ?… Partant de quelques viols attribués à des jeunes Algériens (que le tribunal allemand reconnut, ensuite, comme infondés), vous avez évoqué le problème des frustrations sexuels (réels) en Algérie, pour laisser entendre que tout Algérien en Europe est un violeur en puissance. Cela est, de toute évidence, une fausseté. Mais c’est une musique qui sonne très bien dans les oreilles fascistes et racistes occidentales… Puis, avec votre article sur la guerre de libération nationale, vous partez des dires de vos « parents » et « proches » (comme s’ils représentaient la vérité historique objective), puis d’un fait réel (des faux moudjahidines) pour laisser croire que la guerre de libération nationale est un « passé » qui n’a donné comme résultat en fin de compte qu’un ramassis de profiteurs. Là, encore, cela ne correspond pas à la vérité historique. Mais c’est une musique pour les oreilles de l’éditeur du NYT. Et cet éditeur, avec vous, a fait mieux qu’avec la fake news concernant la Corée du Nord. Alors qu’au sujet de ce pays, le NYT publia l’article d’un journaliste états-unien, David Danger, connu pour ses liaisons avec la CIA, avec vous, concernant l’Algérie, le NYT a eu le coup de « génie » de faire écrire un Algérien, en prenant la précaution de commencer l’article par son lieu de résidence : « ORAN, Algérie ».

Si la fake news concernant la Corée du Nord a comme but évident de préparer l’opinion états-unienne à une agression contre ce pays parce que c’est un « régime incapable de transition », (comme, auparavant, le même « argument » de propagande fut employé pour préparer l’opinion états-unienne à l’agression contre l’Irak), quel est donc le but réel du même NYT en publiant votre « information » sur la guerre de libération nationale algérienne ?

Dès lors, « sincèrement », comme vous l’écrivez, êtes-vous certain d’être, pour votre part, un « décolonisé », non seulement dans votre « imaginaire », mais dans vos écrits ? Et que vos déclarations servent le peuple algérien, et non les oligarchies néo-coloniales (européennes, dans le cas de Cologne) et impérialiste (à propos de la guerre de libération nationale algérienne) ?

Je vous serais reconnaissant, et probablement également les lecteurs qui vous défendent en croyant à la sincérité et à la bienfaisance de vos engagements, de répondre à cette contribution, pour en réfuter, invalider ou nuancer l’argumentation ; ainsi, vous montrerez que vos engagements, tels que définis par vous, sont réellement en faveur du peuple algérien, et non de ceux qui voudraient encore une fois lui faire « suer le burnous ».

Enfin, pourquoi ne pas ajouter à vos « engagements » la dénonciation de la mentalité harkie (économique, poliique et « intellectuelle ») qui continue à exister sous une forme nouvelle, correspondante à la période néo-coloniale et impérialiste ? En proposant vos articles aux journaux Le Monde et The New York Times ?

Approfondir.

Les lecteurs qui souhaiteraient enrichir ces considérations pourraient lire ou relire « Peaux noires, masques blancs » de Frantz Fanon, « Portrait du néo-colonisé » d’Albert Memmi, « Les chiens de garde » de Paul Nizan, « La trahison des clercs » de Julien Benda, et « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi. On y découvrira ou on rappellera respectivement : que l’on peut avoir une peau noire tout en aspirant la voir blanche (par exemple, être algérien de peau basanée, tout en désirant avoir un « visage » ou masque « blanc », européen ou « occidental ») ; que pour être « dé »-colonisé, il faut encore ne pas devenir néo-colonisé ; que l’oligarchie sait toujours trouver les intellectuels qui la servent, tout en se réclamant d’idées généreuses telles que « liberté », «laïcité», « démocratie » ; que les personnes se présentant comme les intellectuels les plus « dérangeants » et les plus « sincères » peuvent, en réalité, trahir ces mêmes idéaux dont ils se parent, pour jouir d’une misérable gloire médiatique et d’un vile salaire de mercenaire ; qu’enfin la sincère sincérité n’a jamais été et ne sera jamais publiée dans les médias d’une quelconque oligarchie dominante, et donc exploiteuse, de cette planète, encore moins quand cette oligarchie manifeste concrètement et partout une ambition impériale.

Dès lors, il avait raison, Diogène dit le cynique : dans ma première pièce de théâtre, en janvier 1968, je l’avais représenté en tenant sa légendaire lanterne, en plein jour ; aux gens qui lui demandaient le motif de ce bizarre comportement, il répondait, selon les uns, « Je cherche un homme », selon d’autre « Je cherche la vérité ». Sacré Diogène !… Au puissant Alexandre le Grand, déjà conquérant impérialiste, qui vint le trouver en lui demandant : « Dis-moi ce que tu veux, et je te le donnerai », le vieux philosophe, modestement vêtu et étendu par terre tranquillement, lui répliqua simplement : « Enlève-toi de mon soleil. » Qu’est-ce donc que le soleil sinon la liberté authentique par rapport aux puissants du moment, qu’ils soient autochtones ou étrangers ? Et cette liberté ne se réduit-elle pas à forfaiture et privilège de caste, si elle n’est pas complétée par la solidarité égalitaire entre tous les êtres humains ?

_____

(1) Il est utile d’en lire le contenu ici : https://www.nytimes.com/2018/10/15/opinion/audin-macron-france-guerre-algerie-torture-crimes.html

(2) Le lecteur peut compléter la recherche en inscrivant au lieu de « Amérique » ou « America » respectivement « États-Unis » ou « United-States ».

(3) Pour ce thème, un ample développement se trouve dans mon essai « La guerre, pourquoi ? La paix, comment ?... »: PRÉMISSE ou droit de pensée et devoir de mémoire, Partie II. Mémoire, librement accessible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-guerre-paix.html

(4) Voir les détails ici : De la Fondation Saint-Simon à Emmanuel Macron, par Thierry Meyssan

http://www.voltairenet.org/article196012.html

(5) En passant, notons que le titre de l’article de K. Daoud, dans sa version anglaise sur le NYT est : « What to Do When Your Colonizer Apologizes ».

(6) J’en parle dans mon prochain roman « Grande-Terre, Tour A » ; j’ai, également, évoqué ce thème dans certaines de mes contributions précédentes dans la presse.

(7) Voir https://reseauinternational.net/comment-le-new-york-times-a-trompe-lopinion-a-propos-de-la-coree-du-nord-tim-shorrock/

Publié en 3 parties sur Algérie Patriotique, les 24, 26 et 27 novembre 2018, et en 3 parties sur Le Matin d'Algérie, les  25, 26 et 27 novembre 2018, sous le titre "Pourquoi le NYT s'est_paye un néo-harkisme".

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 10 Mai 2019

Manifestations populaires en Algérie, avril 2019.

Manifestations populaires en Algérie, avril 2019.

Ayant remarqué, durant les manifestations populaires, l’absence d’un chant nouveau unificateur, j’ai pensé à en écrire et proposer un.

Du point de vue formel, il est composé sur la base du fameux hymne chanté durant la guerre de libération nationale, notre fameux et sacré « Min jibâlinâ ». Il avait manifesté l’ardente volonté populaire à libérer la nation de l’infame et criminel colonialisme. Ainsi, par cette référence formelle, ce chant établit le lien entre le combat national libérateur passé, avec le combat social libérateur présent.

Ce lien entre lutte passée (pour l’indépendance de la nation) et lutte présente (pour l’émancipation sociale du peuple) est également établi par le contenu même du chant. En effet, il évoque tout autant les martyrs de la guerre de libération nationale que ceux du combat social (octobre 2008, printemps-été 2001, etc.).

Pour le reste du contenu, l'orientation sociale en est totalement claire, mobilisatrice, unificatrice et populaire, telle est tout au moins l’intention.

Le texte est composé de manière volontairement courte. Ainsi, il est facilement mémorisable et convient à une marche collective.

Du point de vue linguistique, ce chant présente deux aspects. Le premier est lexical. Le terme « démocratie » n’est pas exprimé par le néologisme « dimocratiya », mais par sa traduction littérale, plus fidèle : « pouvoir du peuple ». Le second aspect est le suivant : ce chant est écrit dans la langue maternelle d’une partie du peuple, l’arabe algérien (1).

Espérons que nos compatriotes amazighes le traduiront en tamazight, ou s’en inspireront pour composer un chant dans leur langue maternelle.

En voici la traduction française :

De nos rues s’élèvent les voix libres

nous appelant au pouvoir du peuple :

l’égalité, la liberté

et entre nous la solidarité

 

Hommage à notre peuple

et à nos martyrs

les morts pour l’indépendance

et les morts pour le pouvoir populaire

 

De nos rues s’élèvent les voix libres

nous appelant au pouvoir du peuple :

l’égalité, la liberté

et entre nous la solidarité.

Le chant se trouve ici :

https://www.youtube.com/watch?v=p2qCYLE2Qcg

_____

(1) Les motifs de ces options se trouvent dans mon essai « DEFENSE DES LANGUES POPULAIRES : Le cas algérien », disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-defense_langues_populaires.html

 

Publié sur Le Matin d'Algérie, le 25 avril 2019 , La Tribune Diplomatique Mondiale, le 25 avril 2019, Algérie Patriotique, le 10 mai 2019.

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 10 Mai 2019

Dixième vendredi de manifestations populaires en Algérie, 26 avril 2019.

Dixième vendredi de manifestations populaires en Algérie, 26 avril 2019.

En cette phase du mouvement populaire algérien, une fois démissionné l’ex-président A. Bouteflika, le thème en discussion est le suivant : opérer la transition vers un système démocratique. Le problème, alors, posé est celui-ci : cette transition est-elle possible dans le cadre de la Constitution et des lois existantes ? À cette question, les réponses sont diamétralement opposées. Les lecteurs savent qui en sont les protagonistes, par leurs déclarations publiques, complétées par celles de juristes et spécialistes en la matière. Pour notre part, intéressons-nous, à un examen général de la question.

Droit de la force et force du droit.

Depuis que l’être humain pense, et cela partout dans le monde, on a découvert un fait général : ce qu’on appelle le droit, la loi, la Constitution sont toujours le produit de la partie la plus forte de la communauté sociale, celle dominante. Cette force est le résultat de son intelligence à produire les idées qui fournissent légitimité, en se basant précisément sur la force, celle des armes. Ce recours est indispensable car nous avons affaire à une domination sociale, où le droit est, en dernière instance, le résultat de la force, que la composante sociale qui l’emploie le reconnaisse ou l’occulte. Nous avons affaire, dans ce cas, à une oligarchie, exerçant sa domination dans le cadre d’une structure étatique, hiérarchique et autoritaire. Bien entendu, cette situation d’oppression est légitimée d’une manière ou d’une autre : religieuse (le « Ciel » chez les Chinois, Dieu dans les religions monothéistes), ou laïque (chez les fascistes, la soit disant « loi du plus fort » dans la soit disant « lutte pour la vie » - « struggle for life », et chez les « démocrates » de toutes sortes, la Constitution).

Dans tous ces cas, la société humaine est encore dans sa phase pré-historique animale, car c’est précisément dans le règne animal que règne cette « lutte pour la vie », basée sur la loi du plus fort. Cependant, certaines catégories d’animaux pratiquent la non-violence et la solidarité.

Toutefois, dans l’espèce humaine, au cours de son évolution historique, sont apparues également des personnes qui croient à des rapports humains caractérisés par la non-violence, l’égalité, la liberté et la solidarité. Dans ce cas, est apparue une situation totalement opposée à celle ou le droit est l’expression de la seule force brutale ; nous avons affaire, alors, à une société où le droit prime et détermine l’usage de la force. Cette dernière est exercée uniquement quand sont niés les principes de liberté, d’égalité et de solidarité entre les êtres humains. Encore que dans ce cas, la force exercée privilégie d’abord l’argumentation, la discussion, pour ne recourir à la force violente qu’en cas ultime d’auto-défense.

Notons que, malheureusement, l’histoire humaine est généralement dominée par des oligarchies dominantes, donc par l’exercice d’un droit issu et basé sur la force. Seule la partie éclairée de l’humanité a lutté et lutte encore pour une force issue et basée sur le droit, établi selon la meilleure et la plus juste conscience humaine.

En Algérie, l’armée.

Revenons à la phase présente du mouvement populaire. Des représentants de partis politiques et de la société civile expriment deux opinions opposées.

La première déclare que l’armée algérienne, parce que issue du peuple et de sa guerre de libération nationale, est une force au service du peuple. L’autre position affirme, au contraire, que cette armée, parce que sa structure de commandement fait partie de l’oligarchie dominante, et cela depuis l’indépendance, ne peut pas se solidariser avec les intérêts du peuple, car, alors, elle perdrait ses privilèges oligarchiques.

Toutefois, les deux positions s’accordent sur une constatation : quelque soit l’analyse que l’on fait de l’armée nationale, il est indéniable qu’elle constitue un rempart contre une déstabilisation-désintégration de la nation de la part de forces étrangères et/ou intérieures. Attention donc à ne pas affaiblir l’armée nationale, car c’est exactement ce qu’attendent les ennemis intérieurs et extérieurs du peuple et de la nation algérienne. C’est dire combien la situation est délicate, complexe, et exige l’examen le plus circonspect, afin que le souci légitime des intérêts du peuple ne fasse le jeu d’aucun ennemi de ce même peuple, que cet ennemi soit extérieur ou intérieur. Dès lors, attention à ne pas opposer peuple et armée, mais à trouver absolument le moyen de les allier l’un à l’autre, pour la défense commune de l’indépendance de la nation et de la satisfaction des intérêts du peuple. L’importance de cette union est stratégique, partout dans le monde, depuis toujours. Que l’entreprise soit difficile à concrétiser, il n’en reste pas moins qu’elle demeure indispensable.

Loi et légitimité.

On arrive au problème de l’opposition entre loi et légitimité. En Algérie, les lois actuelles sont indéniablement le produit d’une oligarchie pour assurer sa domination sur le peuple. Pis encore : la Constitution même, émise par cette oligarchie, fut piétinée chaque fois que cette dernière eut besoin de l’ajuster à ses intérêts. Enfin, les principes fondamentaux, de caractère universel, contenus dans cette Constitution, ont toujours été neutralisés par des lois applicatives qui en niaient totalement l’esprit.

Il s’ensuit que considérer les lois actuelles comme base pour une transition démocratique, fidèle aux revendications populaires, pose objectivement problème. Il faudrait, désormais, considérer toute loi comme légitime à la seule condition d’exprimer la volonté démocratiquement manifestée par le peuple. Par conséquent, à la « légitimité » de la loi, produite par une oligarchie dominante, au nom du peuple (ce qui est une totale imposture), il faut passer à la loi produite et acceptée démocratiquement par le peuple, donc réalement légitime.

Ce peuple a deux manières de formuler cette loi : par ses manifestations publiques, d’abord, ensuite par les organisations qu’il saura mettre en place pour donner à cette loi son aspect institutionnel. Bien entendu, des experts en la matière devront s’y associer, mais uniquement de manière technique, sans manipuler en aucune manière la volonté démocratique du peuple.

En ce sens, l’annonce publique de propositions par un collectif citoyen autonome, où adhèrent 28 organisations de tendances diverses (1), semble constituer être un élément positif pour sortir de la crise actuelle. On apprend qu’un collectif de la société civile algérienne pour une transition démocratique et pacifique a tenu une première rencontre nationale, le samedi 27 avril 2019 (2) ; toutefois on y trouve comme signataires des associations à propos desquelles un doute plane sur leur authentique souci du peuple et de la nation algérienne (3). C’est pour dire que, plus qu’auparavant, la vigilance est indispensable, bien que pas facile, pour distinguer les vrais des faux amis du peuple et de la nation algérienne. Pour cela, rappellons-nous et tirons les leçons adéquates des mouvements populaires contestataires passés, dans d’autres pays. Tout ce qui brille n’est pas or, tout ce qui se prétend ami du peuple et de la démocratie ne l’est pas toujours. Extrême lucidité et extrême vigilance !

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(1) https://www.algeriepatriotique.com/2019/04/29/un-collectif-de-28-organisations-appelle-a-louverture-dune-transition-politique/

(2) https://www.lematindalgerie.com/vers-une-conference-nationale-de-la-societe-civile-pour-une-transition-democratique

(3) Voir Ahmed Bensaada, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=475:2019-04-04-22-50-13&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119

Publié sur Algérie Patriotique et sur Le Matin d'Algérie, le le 30 avril 2019.

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 9 Mai 2019

Harkis (mercenaires indigènes) du temps de la guerre de libération nationale (1954-1962)

Harkis (mercenaires indigènes) du temps de la guerre de libération nationale (1954-1962)

On lit (1) : « Engagée il y a quelques mois par le président Macron, la réhabilitation des harkis vient d’atteindre des niveaux inédits... ». Et de citer les amendes financières « pour toute personne qui insulterait les harkis », la « promotion de films mettant en valeur « l’engagement militaire des harkis dans la défense de la France pendant la guerre d’Algérie », l’introduction de cours d’histoire sur le rôle de harkis dans les collèges et lycées français », la « consécration d’une journée nationale de commémoration des harkis », « rendre hommage aux enfants de harkis dans le cadre de la promotion civile de la Légion d’honneur », « encourager les initiatives cinématographiques, théâtrales, littéraires et artistiques visant à améliorer l’image de harkis dans l’opinion publique ».

Quelque temps auparavant, Kamel Daoud, dans le New York Times, reprocha aux Algériens de « ressasser la mémoire » (2), et que leur guerre de libération nationale ne fut en fin de compte qu’une farce risible, entreprise par des vantards et des imposteurs profiteurs.

Pure coïncidence les actions du gouvernement d’E. Macron, concernant les harkis, et les déclarations de son « invité » à déjeuner, K. Daoud, concernant la guerre de libération nationale ?… Le premier met au piédestal ceux des Algériens qui ont combattu contre le désir de libération du colonialisme de leur peuple, et le second ridiculise ce même combat.

Les commentaires au sujet de l’article de R. Mahmoudi sont intéressants à lire. Le plus remarquable est celui qui pose cette question : qu penseraient les Français si le gouvernement allemand décide de mettre à l’ « honneur » de leur nation les collaborateurs français durant l’occupation de la France par le régime nazi ? Ce lecteur aurait pu élargir sa considération à la planète entière : a-t-on vu un seul gouvernement d’une autre nation qui s’est permis de mettre à l’« honneur » les supplétifs qui ont combattu dans son armée d’occupation, contre le combat libérateur anti-colonial de leur propre peuple ?… Pas un seul, pas même les impérialistes états-uniens ni anglais. Seul le gouvernement d’E. Macron a osé !… Et, pourtant, lors de sa visite à Alger en 2017, il avait tancé vertement un jeune, en lui déclarant : « Mais vous n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? » À sa suite, K. Daoud écrivit dans le NYT qu’il fallait que les Algériens cessent de « ressasser la mémoire ». Et voilà les décisions envisagées par le même E. Macron en faveur des harkis. À quoi est réduite la fameuse « Grandeuuuur » de la « France », c’est-à-dire de son oligarchie.

Cependant, un argument n’a pas été évoqué par les commentaires. Cette opération de mettre à l’« honneur » l’infamie (car c’est le mots adéquat) de supplétifs d’une armée d’occupation coloniale, de la part des représentants de l’oligarchie française, quel est son but réel ?… D’une part, récupérer des voix électorales, certainement, car est-il possible d’imaginer des harkis parmi les « gilets jaunes » ? D’autre part, et c’est plus grave et parce que cela concerne le peuple algérien, cette opération de mise à l’ « honneur » ne tend-elle pas à créer plus de conflits entre les Algériens eux-mêmes, tant en France qu’en Algérie ? En outre, les harkis demeurés en Algérie ne se sentiraient-ils pas ainsi encouragés à réclamer des « honneurs » de la part du gouvernement algérien, des indemnisations matérielles et même des pièces de théâtre, des films, des romans, etc. pour « améliorer leur image » dans l’opinion publique algérienne ?… En effet, quand un K. Daoud se permet de se moquer de la guerre de libération nationale, pourquoi lui ou quelqu’un d’autre ne se mettrait pas à accorder de l’ « honneur » à des harkis ?… Autrement dit, après la période coloniale, voici le temps néo-colonial où les harkis, une deuxième fois, sont manipulés pour diviser le peuple algérien. Mais, cette fois-ci, avec un K. Daoud qui complète l’opération en ridiculisant la guerre de libération nationale, et un Boualem Sansal qui la réduit à une action de nazi.

Je l’ai déjà dit dans une précédente contribution, à propos des harkis (3). Le seul harki qui pourrait reconquérir un reste d’honneur, celui-ci authentique, est celui qui renie son action passée de harki, et dénonce l’opération manipulatoire de l’oligarchie française. Tout autre harki, et surtout celui qui profitera de cette mise à l’ « honneur » par l’oligarchie française, ce harki ne fera qu’aggraver son rôle de vile mercenaire, ayant combattu contre le légitime désir de son peuple de se libérer de l’infâme colonialisme. Espérons que le peuple algérien saura, encore une fois, combattre efficacement ces mercenaires.

K. Daoud (ou un autre de ces écrivains algériens à la mode) osera-t-il risquer une amende financière en dénonçant, dans le NYT ou Le Monde, cet acte du Président E. Macron, consistant non seulement à « ressasser la mémoire » du passé colonial, mais, plus encore, à mettre à l’ « honneur » ses plus viles agents, les harkis, là ou aucune autre oligarchie colonialiste ne s’est permise de le faire ?

Dernière observation : elle se trouve dans ma contribution intitulée « Qui donc s’acharne et sur quoi ?"

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(1) R. Mahmoudi, in https://www.algeriepatriotique.com/2018/12/02/12-000-euros-damende-pour-toute-insulte-contre-les-harkis/

(2) Voir ma précédente contribution « Peau basanée, masque néo-colonial ».

(3) In https://www.algeriepatriotique.com/2018/09/25/contribution-pour-en-finir-avec-les-harkis-de-la-france-coloniale/

 

 

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #EDUCATION-CULTURE

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Publié le 9 Mai 2019

Qui donc s’acharne ?
Du journal.
Je finissais de rédiger une contribution générale sur le thème du servilisme idéologique dans le monde, quand je suis tombé sur un article du 1er décembre du Washington Post (1). Devinez sur qui ?… Sur l’ « écrivain » Kamel Daoud. Les guillemets se justifient non pas par la négation de cette qualification à l’auteur, mais par le fait que cet aspect est avancé non pas pour parler de sa littérature, mais de ses « opinions » extra-littéraires, sur la société musulmane en général, et algérienne en particulier.
Or, qui est le propriétaire du Washington Post ?… Des membres de l’oligarchie impérialiste états-unienne. Et ce journal accueillait quelles autres « opinions » d’un homme présenté comme « dissident » et comme « journaliste » ?… Jamal Kashoggi, celui qui déclarait dans ses articles que les crimes des organisations « islamistes » en Syrie étaient du « bon travail », et qu’ils « savaient ce qu’ils faisaient »… Des lecteurs (ou trolls) pourraient objecter en croyant triompher : « Mais, alors, c’est la preuve que ce journal est impartial : il publie aussi bien les « opinions » d’un homme qui soutient les terroristes (Khashoggi) que celle d’un autre qui critique les intégristes islamistes (Daoud) ! »
Concernant ce dernier, dans ma contribution précédente (2), j’ai déjà fourni les arguments montrant que la critique faite par K. Daoud aux islamistes extrémistes, en occultant le fait qu’ils sont la création des oligarchies impérialistes (U.S. et anglaise), reproduit exactement la propagande de ces oligarchies : focaliser l’attention sur les « islamistes » intégristes pour la détourner des crimes et projets impérialistes, nettement plus graves que ceux des organisations terroristes islamistes : ces derniers coupent des têtes, les premiers déchiquettent et carbonisent les corps de civils par les missiles de leurs avions.
Quant à J. Kashoggi, ses critiques à l’oligarchie saoudienne ne visent pas la démocratisation du régime en faveur du peuple d’Arabie, mais l’instauration d’une oligarchie différente, dirigée par les « Frères Musulmans », parrainés par le régime turc actuel.
Un lecteur (ou troll) pourrait contester : « Quel serait l’intérêt des lecteurs d’un journal algérien, en l’occurrence A.P., à savoir ce qu’un journal étranger, pas même français, mais américain, écrit sur l’Algérie ? »… Et bien, le plus grand intérêt ! Car la lecture des journaux de l’oligarchie, à prétention de domination mondiale, indique leurs projets et le type de conditionnement pour les légitimer auprès de leur peuple. Et l’Algérie fait partie des projets stratégiques de l’oligarchie impériale, pour des motifs évidents : pétrole et gaz, situation territoriale d’importance stratégique en Méditerranée et dans la « sphère arabo-musulmane ». L’expérience l’a désormais montré, notamment avec l’Afghanistan et l’Irak : chaque fois qu’un journal de l’oligarchie états-unienne s’intéresse à un pays de la planète, et commence, notamment par la voix d’indigènes du pays en question, à répandre sur ce pays des considérations sur son manque de « libertés individuelles », de « démocratie », sur l’oppression des femmes causée par la religion, sur son régime dictatorial, l’étape suivante fut l’agression militaire pour « libérer » le peuple des tares signalées, avec le résultat qu’on a constaté. Si ces tares existent dans un pays, mais les journaux de l’oligarchie impériale n’en parlent pas, c’est que le régime de ce pays sert les intérêts de l’oligarchie impériale : c’est le cas des monarchies du Moyen-Orient.
Destinataires.
Dans l’examen d’un article, l’un des aspects qu’il est indispensable de connaître est celui-ci : à qui s’adresse l’auteur ?… Quand le texte est publié dans le Washington Post, il est destiné aux lecteurs d’abord des États-Unis, et, accessoirement, à ceux du monde anglo-saxon… Or, dans ma contribution précédente, j’ai déjà dit que le Washington Post, comme le New York Times, sont des organes de l’oligarchie impériale états-unienne, que la faction soit « républicaine » ou « démocrate » ne change rien, comme l’histoire le montre amplement. Si ces deux factions s’affrontent parfois pour la détention du pouvoir, c’est uniquement parce qu’elles diffèrent sur la méthode de gestion de l’emprise impérialiste mondiale, rien d’autre ; c’est le cas, actuellement, en ce qui concerne les conflits entre « démocrates » à la Hillary Clinton, et « républicains » à la Donald Trump.
Ceci étant précisé, venons au contenu de l’article sur le W.P. Il est écrit par James MacAuley, à partir de Paris .
« France », « Algérie.
D’abord, le titre : « Why France loves this Algerian writer more than Algeria does ? » (Pourquoi la France aime cet écrivain algérien plus que l’Algérie ?)… Comme à l’habitude, on a affaire à ce voilà 5.000 ans, Confucius dénonçait : la confusion des mots. En effet, que signifie « France » et « Algérie » ?… Voici la vérité : la « France » qui aime cet écrivain algérien est celle de l’oligarchie dominante en France. Le Président E. Macron (ce « représentant » magnifique des Français exploités et dominés, tel les « Gilets jaunes ») l’a invité à déjeuner, lors de sa visite en Algérie ; Bernard Henri-Levi (ce « défenseur » acharné des peuples d’Afghanistan, d’Irak, de Libye, de Syrie et de Palestine) le défend. L’article du W.P. fait précéder son texte d’une photo de K. Daoud avec cette légende : « Algerian writer and journalist Kamel Daoud poses in Paris on April 14, 2016 after receiving the Jean-Luc Lagardere prize for journalist of the year ». Rien de moins ! K. Daoud est célébré comme le « journaliste de l’année », par un « prix » intitulé au nom de Jean-Luc Lagardère. Qui fut donc cet homme ?... Un défenseur des opprimés de France, d’Algérie et de la planète ? Voici la vérité : un membre éminent de l’oligarchie industrielle et médiatique de France ; et qu’on lise les journaux, revues et livres que ses médias publient : on découvrira quel journalisme est pratiqué, et le « prix » à accorder à ses journalistes.
En outre, le lecteur du W.P. est invité à regarder le genre de photo à laquelle s’est apprêté K. Daoud. L’image est d’une importance fondamentale, dans toute communication, qu’elle soit commerciale (gagner plus d’argent) ou idéologique (détenir plus de pouvoir politique). Examinons d’abord ce qu’a fait le photographe : intense lumière blanche derrière et au-dessus de la tête du « primé », complétée par une sorte de nuage blanchâtre vaporeux ; le reste de l’image est plongé dans le noir, pour faire ressortir le personnage photographié. À présent, examinons ce personnage lui-même. Son regard n’est pas de face, mais oblique. Pourquoi donc ?… Et surtout, surtout, que remarque-t-on ?… Une chemise blanche sinon très claire, et ouverte sur la poitrine. Qui donc est connu pour se présenter toujours dans cet accoutrement ?… BHL. Coïncidence ?… Seules une personne ignorant les lois connues de la production de l’image de propagande (commerciale ou politique) pourrait s’y laisser prendre. Par conséquent, dans la conception de cette photo, serait-il erroné d’en conclure à une complicité totale entre le photographe et le photographié ?… N’est-ce pas dans la tentative, par l’image, de faire ce qu’on fait par la médiatisation de K. Daoud ?… Un prophète ? Une icône ? Un porte-voix ? Un leader ?… De quoi ? Mais de la « dissidence » anti-islamique intégriste et anti-« régime incapable de transition », au nom des sacro-saintes « libertés individuelles ».
Le journaliste de W.P. cite, les admirateurs de K. Daoud : «  Il est un homme extrêmement courageux », dit Alain Finkielkraut, un intellectuel public de droite » (…) « Pour Caroline Fourest, Daoud est l’image de l’homme musulman éclairé. « Kamel Daoud est une remarquable voix, qui correspond clairement à la tradition française de Voltaire, » dit-elle. « Il est un dissident qui n’a pas peur de dire la vérité, spécialement en face de la tyrannie religieuse. » Notons ceci : le journaliste du W.P. dit à ses lecteurs que cette femme est « une féministe et critique française du port du voile par certaines femmes musulmanes ». Mais est-ce que le lecteur ordinaire anglo-saxon prendra la peine de savoir qui est, plus précisément, cette femme ?… Voici la vérité : elle est, entre autre, éditorialiste à Marianne. Et si le même lecteur veut savoir qui est le propriétaire de ce journal, il saurait ceci : « En avril 2018, 91 % du capital du journal sont cédés au milliardaire tchèque Daniel Křetínský », un oligarque tchèque. À propos : Voltaire écrivait-il dans des journaux possédés par des milliardaires de son époque, comme le font Kamel Daoud et Caroline Fourest ?
Il est vrai que le journaliste du W.P. précise plus loin : « Daoud n’est pas universellement bien-aimé en France, où il est régulièrement critiqué comme étant complice en recyclant l’islamophobie, spécialement par des Musulmans français et par des académiques de gauche. »… En réalité, il s’agit de Français qui se distinguent par leur réelle position en faveur des exploités-dominés de France, d’Algérie et du monde, et ceci quelque soit leur religion ou leur athéisme.
Venons à ce que le titre de l’article du W.P. nomme « Algérie ».
L’ « Algérie » qui défend K. Daoud est celle qui ne fait pas partie des exploités-opprimés du peuple algérien, quoi qu’elle dise ; il serait facile de déconstruire les « arguments » de ces défenseurs, comme il facile d’opérer la même déconstruction des « arguments » de leur « héros ».
Quant à l’ « Algérie » qui n’apprécie pas K. Daoud, le journaliste du W.P. cite des auteurs. Akram Belkaïd : « Il y a un trauma qui n’a jamais été pris en compte » ; « Il est dangereux de mettre un couvercle sur la question de la mémoire historique. Tous les pays qui ont fait cela ne sont pas particulièrement bien lotis. »  ; « d’autres écrivains algériens de la génération de Daoud sont en désaccord avec le fait que le passé colonial n’est désormais plus une préoccupation urgente ». Cependant, le journaliste du W.P. ne précise pas que ce désaccord ne concerne pas uniquement le passé colonial, mais le présent néo-colonial, qu’une certaine vision du passé, présentée par K. Daoud, légitime. Enfin, il est dit qu’il est également reproché à K. Daoud de publier des livres que « les colonisateurs du pays [l’Algérie] veulent lire ». Sofiane Hadjaj déclare : « Le même texte écrit et édité en Algérie n’est pas lu de la même façon qu’il l’est en France ou aux États-Unis ».
Le journaliste du W.P. cite également l’imam qui alla jusqu’à appeler à l’assassinat de K. Daoud. Cependant, le même journaliste ne précise pas que cet appel d’un imam fut dénoncé comme inacceptable par une partie non négligeable d’Algériens.
Notons, enfin, que le journaliste du W.P. n’a pas informé ses lecteurs concernant les deux auteurs algériens qui ont le plus et mieux analysé les écrits de K. Daoud : Rachid Boudjedra et Ahmed Bensaada. On devine qu’exposer les critiques de ces deux intellectuels algériens aurait donné de K. Daoud une image par trop négative, notamment en dénonçant les accointances entre les écrits de K. Daoud et la propagande impérialiste. Le W.P. pouvait-il se le permettre ?… On voit ainsi comment ce journal pratique l’information de ses lecteurs : il leur donne l’impression de l’objectivité, de l’impartialité, en fournissant des points de vue opposés sur les écrits de K. Daoud, mais en évitant les opinions remettant en question l’idéologie même du journal.
Des excuses.
Le journaliste du W. P. écrit, concernant K. Daoud (3) : « Mais au-delà de ses talents littéraires, il fait appel aux sympathies françaises [lesquelles précisément, celles des opprimés ou des oppresseurs ?] en déclarant qu’il n’est pas particulièrement intéressé par des excuses (4) en ce qui concerne la violence employée pour essayer de supprimer l’indépendance algérienne. Il dit que le colonialisme est devenu un peu plus qu’une excuse pour l’Algérie [laquelle ? Celle des opprimés ou des oppresseurs?] pour ignorer sa dégradation interne. »
Que le colonialisme soit, en effet, une excuse pour une minorité d’oppresseurs algériens, peut-on, à partir de ce fait, évacuer le problème du colonialisme et ses effets jusqu’à aujourd’hui sur le peuple ?
Pour un lecteur états-unien, hostile à la reconnaissance des crimes de l’oligarchie états-unienne, et cela depuis le génocide des Amérindiens jusqu’à ses agressions actuelles dans le monde, lire qu’un auteur algérien n’est pas particulièrement intéressé par des excuses concernant le colonialisme, qu’est-ce sinon rassurer ce lecteur états-unien dans son confortable désintéressement concernant les crimes commis par l’oligarchie qui domine sa nation, et dont il profite matériellement dans son « american way of life » ?
Et comment, selon le journaliste du W.P., K. Daoud justifie son désintérêt ?… Par la « dégradation interne » de l’Algérie… Mais qui donc a produit celle-ci ?… Ne faut-il pas le préciser, indiquer les agents sociaux de cette dégradation, tous sans exception, en précisant ceux principaux et ceux secondaires ? Et, encore une fois, cette réelle dégradation interne, autorise-t-elle à ignorer celle produite par le passé colonial, et par le présent néo-colonial ?
Colonialisme.
Le journaliste du W.S., continue en citant K. Daoud : « Aussitôt que vous dites quoique ce soit, ils vous disent que c’est la faute du colonialisme », « Si vous dites que ce n’est pas vrai, ils vous disent : « Alors, vous êtes en faveur de la colonisation » Non. Je suis pour le présent. Maintenant. »
Examinons ces arguments. Concernant les « ils » employé par K. Daoud, le lecteur états-unien du W.P., qui ignore tout de l’Algérie, en vient à penser que ce « ils » indique la majorité des intellectuels et du peuple algériens… Car cet emploi du « ils » ne peut signifier autre chose. Cela correspond-il à la vérité ?… Les intellectuels et le peuple algériens, depuis déjà bien longtemps, ne déclarent-ils pas que leurs maux principaux viennent d’une dictature interne ? Quand au colonialisme, ne déclarent-ils pas qu’il n’est qu’un aspect des maux du peuple algérien, mais, cependant, qu’il n’est pas correct de négliger les trauma psychologiques multiples qu’il a laissés dans le peuple, et le fait que ce colonialisme vaincu persiste à renaître de sa défaite sous forme néo-coloniale ? Les interventions à peine récentes et actuelles de l’armée française ne sont-elles pas une preuve « bombardante » de ce néo-colonialisme ?… Dès lors, parler de « ils » de manière générale, est-ce rendre compte correctement de la réalité ? Et cette généralisation, sert-elle le peuple algérien ou ceux qui ont intérêt à l’opprimer de nouveau ?
Quand K. Daoud affirme : « Je suis pour le présent. Maintenant. » Ce présent n’est-il pas rempli d’agressions néo-coloniales (française et anglaise), impérialistes états-uniennes, sionistes israéliennes, et de projets du même genre, sous les noms de « Nouveau siècle américain », « Nouveau Grand Moyen-Orient », « Nouvel Ordre mondial », « lutte contre le terrorisme », combat pour les « libertés individuelles » (tout en les rétrécissant de plus en plus dans les nations impérialistes, néo-coloniales et sioniste) ? Peut-on oublier le cas le plus significatif de ce bâillonnement des libertés individuelles qu’est le « Patriot Act » états-unien, et le sort dont est victime Julian Assange (5), tandis que les colonnes du NYT et de Le Monde publient les « opinions » d’un K. Daoud, et le W.P., celles d’un Jamal Kashoggi, ainsi que cet article sur K. Daoud ?
Musulmans et Arabes…
Le journaliste du W.P., continue : « Daoud réserve la masse de sa critique aux fellow Muslims (6). Quand la tombe de son père dans la ville algérienne de Mesra fut vandalisée, Daoud blâma la propagation de l’extrémisme islamiste. »
Là, encore, si le blâme se limite aux vandales extrémistes islamiques, ne fait-il pas le jeu précisément de la propagande oligarchique impérialiste, laquelle fait croire que ce phénomène d’extrémisme islamiste est le produit uniquement de la « mentalité » ou de la religion musulmanes, en occultant qu’il est d’abord et principalement le produit des oligarchies pétrolières du Moyen-Orient, lesquels, n’oublions jamais de le préciser, ne sont que les marionnettes des oligarchies impérialistes ?
et émigrés arabes.
Le journaliste du W.P. continue : « Après qu’un groupe d’hommes arabes orchestra des assauts sexuels à Cologne, en Allemagne, durant le Nouvel An en 2015, il [K. Daoud] se moqua du « vœu pieux » (7) de la gauche européenne, laquelle, dans sa conception, a aveuglement accueilli les réfugiés arabes sans savoir que ces mêmes hommes, voient les femmes comme « coupables d'un crime horrible - la vie. »
Notons le terme « assauts », ce qui suggère une « horde », laquelle implique « animalité », donc « barbarie ». Comme on le constate, le journaliste du W.P. ne fait que reproduire les déclarations de K. Daoud. Et, encore une fois, le procédé de ce dernier est triple : généralisation, amalgame, stigmatisation. Ce que le journaliste occulte, c’est le fait que le tribunal allemand reconnut non coupables les jeunes accusés par K. Daoud et l’ensemble de la presse raciste et oligarchique impérialiste. Donc, pour le lecteur du W.P., cette fausse information concernant les viols est présentée comme vraie information.
À ce propos, à ma connaissance, je n’ai pas lu une déclaration de K. Daoud reconnaissant qu’il eut tort de lancer son accusation contre les jeunes émigrés. S’il la fait, j’en prendrais connaissance volontiers. Et s’il ne l’a pas encore fait, ne devrait-il pas faire cette auto-critique, comme tout journaliste honnête digne de ce nom ?
Sexualité.
Le journaliste du W.P. continue : « Deux semaines après, il [K. Daoud] souligna « la misère sexuelle du monde arabe » dans le New York Times (8). Son dernier livre développe ce thème. »
Que le monde arabe soit en proie à une misère sexuelle, c’est une vérité. Mais celle-ci n’est-elle pas le résultat d’une conception voulue et programmée par les oligarchies internes à ce monde arabe, pour maintenir leurs peuples dans toutes les formes de misères possibles, dont celle sexuelle n’est pas la seule, car ce « monde arabe » (plus exactement ses peuples) souffrent également de misère matérielle : l’exploitation économique et la domination politique ?… Et les peuples non arabes, précisément occidentaux et « judéo-chrétiens » (pour reprendre leur formule), n’ont-ils pas souffert de cette misère sexuelle, jusqu’aux années 1968 ? (9)… Rappelons un autre fait. Dans le monde non arabe, (comme, probablement dans ce dernier, de manière égale), le marché de la vidéo qui rapporte le maximum de profit à ses vendeurs est la pornographie. Ce fait ne prouve-t-il pas que le monde non arabe, à sa façon, souffre, lui aussi, de misère sexuelle ?
Encore un fait. On lit ceci : « Lundi 23 avril à Toronto (Canada), un jeune homme a foncé en voiture sur des passants. Il appartenait à la mouvance des Incel, ces « célibataires involontaires » mâles, victimes autoproclamées de la cruauté des femmes. Le crime de ces dernières ? Ne pas être sexuellement intéressées. Le châtiment ? Dix innocents fauchés, dont huit étaient des femmes.» (10) Il ne s’est trouvé aucun journaliste, ni aucun écrivain du Canada pour tirer, de ce fait, la conclusion que tous les hommes du « monde canadien » sont des obsédés sexuels et des oppresseurs de femmes. Imaginons ce que K. Daoud (et tous les « opinionistes » des oligarchies dominantes occidentales) auraient écrit si cet homme aurait été un Algérien, un Arabe ou un Musulman.
Par conséquent, se focaliser uniquement sur la misère sexuelle du « monde arabe », sans en fournir les causes originelles, et sans établir de relations avec les autres « mondes » de la planète, est-ce raisonner correctement ? Et à qui sert ce genre de raisonnement incorrect ?… Encore une fois, le lecteur ordinaire du W.P. que verra-t-il dans cette focalisation exclusive sur la « misère sexuelle du monde arabe » ?… Eh bien, que ces pauvres Arabes doivent en être libérés ! Et par qui ?… Pardi, par l’armée états-unienne ! Comme elle l’a déjà fait en Afghanistan, en Irak et ailleurs.
Le journaliste du W.P. précise que le dernier livre de K. Daoud « se développe sur ce thème ». N’est-ce pas là de l’acharnement, de l’obsession ?… Ou, plus trivialement, avoir constaté que le thème se vend, et qu’il faut donc augmenter la recette financière. Et qui finance la publication de ce livre ?… Bien entendu, des maisons d’éditions liées au oligarchies impérialistes. Et qui lit ce genre de livre ? Bien entendu, ceux qui cherchent à légitimer leurs préjugés méprisants ou haineux contre le « monde arabe ». Et qui voit augmenter son compte bancaire avec la publication de ce libre ? Bien entendu, les éditeurs et l’auteur. Et qui insérera les « arguments » contenus dans ce livre dans les médias qu’il contrôle, en les présentant comme reflétant la réalité du « monde arabe » ?… Bien entendu, les membres de ces oligarchies impérialistes.
Le journaliste du W.P. continue : « En France, toujours aux prises avec les conséquences d'une série d'attentats meurtriers, ses vues [de K. Daoud] lui ont gagné l’estime comme brave étranger dissident qui dit la vérité. Il est un commentateur régulier d’une radio française et un pilier dans les journaux français »… Lesquels ?… Le journaliste se contente d’ajouter : « souvent par ceux qui ne sont pas spécialement connu pour leur charité envers les Musulmans ». Le journaliste ne précise pas se ces « ceux » sont, toutefois, connus pour leur charité envers les exploités-dominés de la planète.
Comme on le constate, les attaques terroristes sont confondues avec les « Musulmans ». Autrement dit, une minorité se proclamant de l’Islam est confondue avec la majorité des croyants à cette religion. Encore une fois, qui diffuse cette propagande sinon les oligarchies impérialistes, selon la fameuse « théorie » du « choc des civilisations », dont l’auteur est un éminent membre de l’oligarchie idéologique états-unienne, Samuel Huntington ?
Islam.

Le journaliste du W.P. ajoute, citant K. Daoud : « Le problème avec l’Islam, il n’est pas colonisation ou oppression par l’Ouest. C’est l’oppression faite par la religion elle-même, d’abord sur les femmes, qui rend alors les hommes fous. » Cette ligne se trouve également être la thèse du nouveau livre de Daoud. »

Que la religion islamique soit employée comme instrument idéologique pour opprimer les femmes, c’est vrai. Reste à préciser qui sont exactement les agents qui utilisent de cette manière la religion. Reste également à se demander pourquoi les oligarchies impérialistes soutiennent les monarchies où cette oppression des femmes par la religion est la plus rétrograde, la plus obscurantiste, la plus cruelle, la plus totalitaire. Était-ce dans la dictature de Saddam Hussein ? Est-ce en Algérie ? Ou, plutôt, dans les pays satellites de l’oligarchie impérialiste états-unienne, en premier lieu la monarchie saoudienne ?… Dès lors, dénoncer l’oppression des femmes par la religion ne doit-il pas porter à compléter par les informations ci-dessus évoquées ?… Et ne faut-il pas, également, rappeler que le thème de l’oppression des femmes par la religion fut évoqué précisément juste avant l’agression de l’armée U.S. contre l’Afghanistan des Talibans ? Et que l’occupation du pays n’a fondamentalement rien changé à la situation des femmes, du moins celles du peuple.

Enfin, après cette considération sur le rôle oppressive des femmes par la religion, quelle conclusion est tirée ?… Que l’ « Ouest » et la « colonisation ou oppression » par lui n’a rien à voir … Mais, alors, pourquoi les femmes musulmanes des monarchies pétrolières sont infiniment plus opprimées que les femmes en Afrique du Nord, au Pakistan ou dans la province du nord-est de la Chine, à majorité musulmane ?… Pourquoi ne pas rappeler que l’oligarchie saoudienne, en ce domaine, est la plus criminelle, et qu’elle fut mise au pouvoir par l’oligarchie anglaise, puis soutenue, en échange de pétrole à prix convenable, par l’oligarchie états-unienne ?… Dès lors, partir d’un fait réel (oppression des femmes par l’Islam) pour en tirer la conclusion que l’ « Ouest » (vaguement indiqué, sans préciser qu’il s’agit de ses oligarchies dominantes) et ses « colonisation ou oppression » n’ont rien à voir dans cette situation, est-ce correct, est-ce que cela correspond à la réalité historique et sociale ?… N’est-ce pas le langage précisément de la propagande impérialiste ?

 

Effet des écrits.

Le journaliste du W.P. écrit : « Daoud dit être tranquille par sa popularité parmi un certain type de lecteur européen. « Devrais-je interrompre mes critiques de la société musulmane parce que mes écrits serviraient l’extrême droite ? Ou dois-je dois-je continuer, même si les écrits servent l’extrême droite » dit-il. « J’ai beaucoup réfléchi à cela, et je suis parvenu à une conclusion, à savoir que j’ai une responsabilité envers ma fille, mon épouse, le peuple autour de moi. Je dois dénoncer la violence qui leur est faite, même si mes mots sont appropriés [par d’autres, à savoir l’extrême droite]. »

Ne doit-on pas se demander : mais pourquoi les écrits de K. Daoud sont appropriés par l’extrême droite, et la servent ?… Et pourquoi pas les écrits d’Algériens qui mettent clairement à nu le système social capitaliste-impérialiste, en le montrant comme basé sur l’exploitation-domination des peuples, avec la complicité de ses satellites, notamment « musulmans » des monarchies pétrolières du Moyen-Orient ?

Autre demande : un intellectuel algérien doit-il se soucier uniquement de sa fille, de son épouse et du « peuple autour de lui » ?… Les filles et les épouses des autres ne méritent-elles pas également de la préoccupation ? Et qui est donc ce « peuple autour » de K. Daoud ?… Les exploités-dominés dans leur ensemble, non seulement par l’obscurantisme islamiste, mais également par le « libéralisme » économique laïc ?… N’est-il pas nécessaire de le préciser ?… Dans le NYT (11), Daoud présenta la guerre de libération nationale algérienne en se basant sur ses « parents », « proches » et « amis ». À présent, il déclare qu’il écrit pour défendre sa fille, son épouse et le « peuple autour de lui ». Est-ce suffisant ?… Se cantonner à défendre uniquement ces trois types, est-ce que les oligarques impérialistes n’agissent pas de la même manière ?

Enfin, K. Daoud pose la question : « Ma voix est-elle parfois appropriée ? Oui, elle l’est de temps en temps. Mais est-ce une raison pour se taire ? Non. »

N’est-il pas correct de poser, plutôt, d’autres questions : si ma voix est appropriée par l’extrême droite, c’est là une raison pour mieux réfléchir à ce que j’écris, à découvrir en quoi et pourquoi mes écrits servent cette extrême droite, puis faire en sorte que cela cesse. Sinon, quelle valeur peuvent avoir mes écrits s’ils ne servent pas uniquement les exploités-dominés, et non leurs bourreaux ? Si tel n’est pas le cas, alors, il y a quelque chose d’ambigu, de pas clair dans mes écrits. Il me faut donc le découvrir pour devenir clair, sans possibilité de récupération. N’est-ce pas ainsi que, partout et toujours, agissent les intellectuels dignes de ce nom ?

Voici un autre effet des écrits de K. Daoud, signalé par le journaliste du W.P. : « Pour la romancière Amina Mekahli (…) « Kamel Daoud représente l’espoir des Algériens qui vivent toujours en Algérie » (…) « Il donne cet espoir – je le vois aujourd’hui – spécialement aux jeunes écrivains algériens qui peuvent maintenant dire « Oui, c’est possible ». Et cela parce que Kamel Daoud vient d’un petit village de l’ouest. »

Qu’est-ce qui est donc « possible » ? Cela n’est précisé : défendre les opprimés au point de risquer l’emprisonnement et la mort, ou se vendre au plus offrant, en bénéficiant d’une médiatisation qui satisfait un ego ?… On le saura en posant la question : qui donc est cette Amina Mekahli ?… Pour le savoir, il suffit de lire ses écrits. Citons quelques extraits de l’un de ses articles (12). « L’Algérie se déconstruit, se reconstruit en oubliant de se construire. La traîtrise ! Quel vilain mot je trouve. Qui trahit qui et quoi ? Qui a juré fidélité ? À une idée, un mot, une ville, une meute ? Taillés comme des crayons les opinions pointent le pouce vers le bas. Aucune réussite n’est exonérée de trahison, aucune… »

On remarque déjà le style : il se veut flamboyant, autrement des mots qui voudraient sonner ; en réalité, ils sonnent creux et ne veulent rien dire. Passons, également sur « Quel vilain mot » : ne semble-t-il pas sortir de la bouche d’une Précieuse ridicule de Molière ?

Venons aux « arguments ». Pour cette auteure, la « traîtrise » n’est qu’ « un vilain mot ». Traître à son peuple, en faisant partie de ses exploiteurs-dominateurs, cela n’existe-t-il donc pas ? Traître à son peuple qui a combattu pour se libérer d’une domination coloniale ou impérialiste, cela n’existe donc pas ?... Quant à la « fidélité », se réduit-elle à l’être pour « un mot, une ville, une meute » ? Alors, la fidélité envers les peuples exploités et dominés, cela n’existe pas ? Enfin, pourquoi parler de « meute », ce terme qui rappelle les chiens, la « canaille populaire » et la « racaille » (dixit Sarkozy), qui rappelle, aussi, les « émeutiers », pour désigner de manière méprisante les révoltés du peuple contre l’injustice ?… Ah ! Les mots ! On croit les employer pour se masquer (en présentant une figure respectable), alors qu’on se démasque comme un vile petit-bourgeois arrogant envers la « meute » (peuple), et aspirant… à quoi ?… On le découvrira dans la suite du texte.

L’auteure ajoute (les gras sont les siens) :

« Les guerres des genres et des limites des frontières aiguisent les contradictions, et nous restons tous tièdes et gris, la peau noire et la feuille blanche, rasant les murs de la médiocrité, par peur de sombrer dans la haute trahison de la réussite et de l’universalité de l’esprit. »

De quelle « réussite » s’agit-il, et pourquoi ne pas lui accorder l’honneur de l’écriture en gras ?... Cela n’est pas précisé. Mais puisque cette auteure défend K. Daoud, ne faut-il pas en déduire qu’il s’agit de la « réussite » de ce dernier ?… Et de quelle « universalité » (mise en gras) est-il question, sinon de celle de se faire publier par les maisons d’éditions et dans les journaux des oligarchies mondiales, comme K. Daoud ?… Dès lors, cette universalité n’est-elle pas celle de l’exploitation-domination mondiale des peuples ?… Ah ! Encore les mots qui veulent masquer la servilité, mais la trahissent !

Et encore, l’auteure : « Un film qui ose toucher à la sacro-sainte révolution est une trahison, un artiste qui ose s’exporter est une trahison, un écrivain, un musicien, un individu lambda aussi. »

Décidément, la « révolution » (en gras), que l’auteure n’ose pas (par dégoût ? Mépris ?… comme K. Daoud ?) appeler guerre de libération nationale algérienne, cette « révolution » obsède certains et certaines ; ils s’acharnent absolument à la rabaisser, dénigrer, ne tenir compte que de ses aspects négatifs, comme le fait K. Daoud dans le NYT, et à l’égout le bébé avec l’eau sale !… Car le « bébé » dérange trop : il rappelle que le peuple algérien a eu des citoyens et citoyennes tellement valeureux qu’ils ont réussi à chasser de leur pays une des plus puissantes oligarchies coloniales, et ont libéré ceux qui sont nés après eux de l’infâme colonialisme. Mais ces valeureux ignoraient qu’une petite partie de ces bénéficiaires cracherait sur eux et leur combat. Pourquoi ? Pour de l’argent et de la « gloire » « universelle » ! Fournis par qui ? Par les descendants des colonisateurs. Dans quel but ? Pour prendre leur revanche par un néo-colonialisme où les harkis anciens seront remplacés par des harkis de nouvelle génération ; les premiers étaient en majorité des supplétifs militaires culturellement ignorants ; les nouveaux harkis sont des supplétifs « culturels » car dotés de « culture ».

Venons à ce que l’auteure appelle « s’exporter ». Question : mais s’exporter chez qui, en offrant quoi ?… Chez les éditeurs et journaux qui défendent les opprimés de la planète ou chez ceux qui tirent profit de cette oppression ?… L’auteure ne précise pas, mais on comprend aisément auxquels elle se réfère.

Elle écrit encore : « Où s’arrête la légitimité historique, politique, artistique, identitaire ? Et où commence la trahison ? Comment lever ses bras par-dessus les étoiles sans tomber dans l’oubli des siens ? Se greffer un drapeau sur les paupières ou se tatouer le nom de sa tribu sur la langue ? S’habiller de valeurs ou dévaloriser ses guenilles ? »

Glissons sur le style, encore à prétention flamboyante. Mais notons le mot « tribu », à défaut de peuple, car, pour l’auteur, elle a uniquement les « siens » (comme K. Daoud a sa « fille », son « épouse », le « peuple autour » de lui, ainsi que ses « parents », « proches » et « amis).

Intéressons-nous à l’ « argument » : la légitimité. L’auteure ignore donc que légitimité et trahison se révèlent selon la présentation faite d’un combat d’opprimés pour se libérer de leur oppression (étrangère ou interne) ? Que la légitimité consiste à revendiquer ce combat comme épopée libératrice, malgré ses aspects négatifs, et que la trahison consiste à partir de ces aspects négatifs pour condamner ce combat libérateur en le réduisant à une entreprise risible d’imposteurs, de profiteurs et de vantards ?

Remarquons que cet article de l’auteure est publié comme « chronique », lequel procédé fut un tremplin pour K. Daoud pour se faire publier.

Avec cette jeune femme auteure, ne constate-t-on pas que K. Daoud produit des émules qui aspirent à la même « exportation » et « universalité », par l’emploi du même langage et des mêmes procédés pour se faire connaître et vendre ?

Enfin, le journaliste du W.P., qui la cite, termine ainsi son article : « Il y a des gens qui le [K. Daoud] critique très violemment, mais il a aussi beaucoup de supporters » dit Hadjadj, son éditeur. « Tout simplement, c'est quelqu'un qui est lu. C'est le véritable accomplissement. »

Or, que signifie, dans la langue d’un éditeur, être « lu » ?… C’est vendre les livres qu’il fabrique, par conséquent engranger de l’argent. N’est-ce pas la loi « sacro-sainte » du capitalisme ? Là est le « véritable accomplissement ». Le contenu vendu, l’éditeur n’en parle pas : que lui importe-t-il, pourvu qu’il rapporte de l’argent ?

Questions finales.

Je termine cette contribution comme la précédente. Une seconde fois, je m’adresse à Kamel Daoud. Si vos intentions sont de défendre, outre votre fille, votre épouse et le « peuple autour de vous » : 1) Entendez-vous par cette vague expression le peuple algérien dans son ensemble, celui opprimé non seulement par l’islamisme, mais, également, par les oligarchies impérialistes qui le soutiennent ? 2) Si votre souci est ce peuple algérien, notamment ses femmes (sans oublier ses jeunes, ses vieillards, et d’une manière générale, ses hommes opprimés), pourquoi ne vous contentez-vous pas d’écrire uniquement dans des journaux algériens, pour vous adresser aux Algériens ? 3) Concernant votre souci de vous adresser également à des lecteurs occidentaux, pourquoi publier vos « opinions » dans des journaux tels que Le Monde et le NYT ? Comme journaliste, pouvez-vous ignorer que ces deux journaux sont possédés par des milliardaires qui font partie de l’oligarchie exploiteuse-dominante, et donc servent ses intérêts exclusifs ? Dès lors, pourquoi ne pas publier dans des journaux occidentaux qui dénoncent la domination oligarchique impérialiste, et défendent les opprimés de la planète ? 4) Pourquoi vos « opinions » coïncident avec les contenus de la propagande impérialiste et néo-colonialiste ? 5) Pourquoi vos écrits sont-ils appropriables par l’extrême droite, sans que cela vous pose problème ? 6) Pourquoi vous faites-vous photographier dans des poses qui ressemblent à celle d’un vulgaire acteur hollywoodien de série B, y compris son regard, sans parler de cette chemise blanche ouverte sur la poitrine ? 7) Pourquoi vous focalisez les problèmes de l’Algérie et du « monde arabe » uniquement sur l’extrémisme islamiste, la sexualité et les libertés individuelles, sans jamais évoquer le cadre dans lequel ces problèmes sont insérés : un système capitaliste basé sur l’exploitation-domination d’une majorité du peuple par une minorité d’enrichis, et que ce système capitaliste, par sa nature, par son essence provoque les guerres d’agression du plus fort et rapace contre le plus faible ? 8) Pourquoi votre défense des « libertés individuelles » ne vous fait-elle pas écrire, sur Le Monde et sur le NYT, votre « opinion » sur le cas de Julian Assange et sur les limitations des libertés individuelles sous prétexte de « guerre au terrorisme » ?... Enfin, démontrez donc, dans le journal où vous le jugez utile, que mes arguments sont faux, servent l’ « islamisme » intégriste, le « régime incapable de transition », sont contraires aux « libertés individuelles », entendues, par moi, comme solidaires avec les libertés collectives, précisément celles du peuple algérien (et de tout peuple) à n’être exploité-dominé en aucune manière, ni religieuse, ni laïque, ni interne ni externe. 9) Pourquoi ne pas écrire, enfin, sur cette autre misère : celle de ces jeunes (d’Algérie et de la planète) qui emploient leurs connaissances intellectuelles non pas pour combattre le système exploiteur-dominateur, sous toutes ses formes, cléricales et laïques, mais pour se mettre à son service pour un misérable gain financier et un encore plus misérable besoin de célébrité ?

Gare aux « cadeaux » !

Est-il nécessaire de conclure par cette affirmation ? La nécessité de combattre toute forme d’exploitation-domination, tant interne qu’externe, exige le combat contre les « faux » amis des peuples : ils prétendent le servir, alors que leurs écrits et leurs actes montrent qu’ils sont au service de leurs oppresseurs. Croire que s’intéresser à ces faux amis des peuples est secondaire est une grave erreur : les meilleures preuves en sont les agressions et les projets d’agression des diverses oligarchies néo-colonialistes, impérialistes et sionistes, directement ou par l’intermédiaire de leurs supplétifs « intellectuels », lesquels, précisément, se présentent comme amis des peuples, tout en s’exprimant dans les médias des exploiteurs des peuples. N’est-ce pas là une contradiction très révélatrice ?… Dans ces agressions, la propagande, notamment formulée par des indigènes de ces peuples, vise à démoraliser ces peuples, en leur donnant une image d’eux-mêmes dévalorisante, de « barbares » à « civiliser », et par qui ?… Par les plus barbares de la planète : ceux qui recourent aux missiles contre les populations civiles, pour les dominer puis exploiter leurs ressources naturelles. Enfin, gare aux naïfs et aux trolls qui font croire que les faux amis des peuples sont à négliger : après dix années de résistance, Troie, en acceptant dans l’enceinte de la ville un « cadeau », représenté par un cheval, sans tenir compte qu’il était offert par des Grecs impérialistes, est tombée ! Donc, gare aux « cadeaux » des faux amis, formulés en écrits ou en « coopération économique » !

Dernière observation à méditer. Ce qui frappe est ceci : parallèlement à la mise en place de bases militaires états-uniens autour de l’Algérie (Tunisie, Libye, Niger, sans oublier le Maroc), le New York Times mobilise Kamel Daoud (13) et le Washington Post le présente sous un jour élogieux. Et, parallèlement aux actions de l’armée française en Libye, Sahel et Syrie, l’oligarchie française remet à l’honneur les harkis. Ne faut-il pas en conclure que les harkis du passé et un néo-harki du présent (en attendant d’autres) sont mis en avant, comme chevaux de Troie, comme trolls ?… Concernant ce néo-harki, sa « littérature » ne me semble rien d’autre qu’un arbre pour cacher la forêt de ses « opinions » idéologiques. Car peu lisent ses livres, mais davantage lisent ses « opinions ». Et quand les oligarchies françaises et états-uniennes mettent en avant des « indigènes » d’un pays déterminé, l’ « opinion publique » s’y intéresse, et, parmi elle, certains s’y laissent prendre. D’où la nécessité de révéler sans relâche, avec obstination, avec acharnement ce que ces oligarchies trament sans relâche, avec obstination, avec acharnement. L’histoire enseigne : la propagande impérialiste, notamment à travers la mobilisation des supplétifs idéologiques locaux, prépare une « révolution de couleur » (genre « printemps arabe » égyptien), sinon l’agression armée (genre Syrie).

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(1) In https://www.washingtonpost.com/world/europe/why-france-loves-this-algerian-writer-more-than-algeria-does/2018/12/01/d79f2807-8165-41c1-9b44-9c61ef6c974d_story.html?noredirect=on&utm_term=.1a5e8c2fa567

(2) Intitulée « Peau basanée, masque néo-colonial ».

(3) La traduction en français est la mienne

(4) Notons que le journaliste du W.P., en parlant de Maurice Audin dit « militant algérien anti-colonial » (sans, toutefois, préciser sa qualité de communiste – cela ne se dit pas dans le W.P.), alors que Daoud le nomme « Français ». Voir ma contribution précédente: « Peau basanée, masque néo-colonial ».

(5) Voir « La crucifixion de Julian Assange » in https://www.investigaction.net/fr/la-crucifixion-de-julian-assange/

(6) Je ne sais pas comment traduire fidèlement cette expression : partisans des Musulmans ?

(7) In https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/31/cologne-lieu-de-fantasmes_4856694_3232.htmlIdées

(8) Version française ici : https://www.nytimes.com/2016/02/14/opinion/sunday/la-misere-sexuelle-du-monde-arabe.html

(9) Voir la brochure « De la misère en milieu étudiant … » (1966).

(10) In https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/04/29/frustration-et-terrorisme-nos-croyances-sexuelles-nous-massacrent_5292137_4497916.html

(11) Voir ma contribution précédente « Peau basanée... »

(12) In https://www.oranais.com/all/amina-mekahli

(13) Voir https://www.algeriepatriotique.com/2018/11/24/peau-basanee-masque-neocolonial/

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #EDUCATION-CULTURE

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Publié le 25 Avril 2019

Manifestation populire en Algérie, avril 2019.

Manifestation populire en Algérie, avril 2019.

La constatation du poids des idées reçues, véhiculées par une idéologie oligarchique dominante, exige de s’efforcer au maximum de clarification des mots et des expressions. Sans cette clarification, dont le meilleur moyen est le débat démocratique le plus libre, le plus large et le plus populaire possibles, aucun mouvement social ne peut réussir. Examinons donc ici quelques expressions et mots. Cet examen est indispensable car, à la fin de chaque démonstration de rue, les participants restent avec la question angoissante : comment faire accoucher les manifestations publiques avec le système social finalement revendiqué ?

Représentation politique.

Non pas les théories, mais l’histoire concrète sociale mondiale l’enseigne : aucun mouvement social ne peut aboutir sans se doter de sa propre représentation politique. Par ce dernier adjectif, il ne faut pas entendre nécessairement un parti, car celui-ci, quelle que soit sa couleur idéologique proclamée, faillit toujours à sa mission originelle, en voyant ses dirigeants se transformer, plus ou moins rapidement, en une caste élitaire privilégiée, aux intérêts contraires à ceux du peuple qu’elle prétend représenter. Il en est ainsi depuis la Révolution française de 1789 ; absolument aucun parti politique, y compris le plus « révolutionnaire », n’y fait exception (1).

Par l’adjectif « politique » donc, il faut entendre le terme étymologique de « polis » : cité. Et par extension : société (qu’on appelle depuis quelque temps « civile »). Par conséquent, la représentation dont il est question ici est de type social. Autrement dit, un mouvement populaire doit se doter d’une représentation en tant qu’émanation de ses intérêts et buts sociaux, en tant que mouvement social.

Évidemment, dire représentation politique, c’est, aussi, supposer une autorité, donc une direction. Encore une fois, l’histoire enseigne : aucun mouvement social ne peut concrétiser ses buts s’il ne dispose pas d’une autorité et d’une direction. Bien entendu, celles-ci doivent veiller à être l’émanation totale de la volonté populaire, exprimée de manière majoritaire, lors de débats libres, ayant pour but l’intérêt du peuple, et choisissant ses représentants avec mandat impératif.

Insistons sur le fait qu’il s’agit de représentants, et non de dirigeants. Les mots ont leur importance pratique ! Le seul dirigeant est et doit être le peuple, à travers l’expression de sa volonté. Par conséquent, les représentants qu’il choisit ont une seule fonction : concrétiser les décisions du peuple, rien d’autre. Si un représentant considère erronée une quelconque décision du peuple, c’est durant le débat qu’il doit formuler sa réserve, mais une fois qu’il assume la fonction de représentant, il est tenu à appliquer la décision pour laquelle il a été élu. Ajoutons que ce représentant ne doit bénéficier d’aucun privilège, autrement le voici devenu membre d’une caste oligarchique. Donc, ce représentant ne doit disposer que d’un salaire correspondant à celui d’un travailleur de qualification moyenne, et doit répondre à ses mandataires de tout acte de représentation de sa part.

Hétéro- et auto-organisation (2)

Pour un mouvement citoyen, il est vital de distinguer entre ces deux aspects. L’hétéro-gestion consiste dans la direction d’un mouvement social par des agents qui lui sont externes, même s’ils déclarent défendre les intérêts de ce mouvement social : politiciens professionnels, « sauveurs » divers, « leaders charismatiques », intellectuels, « experts », etc. Dès lors, il est inéluctable que le peuple finisse, à plus ou moins long terme, par n’être que le bras armé, le levier permettant à une nouvelle couche oligarchique de s’emparer du pouvoir étatique pour servir d’abord ses privilèges, en ne laissant au peuple que les miettes, en vue d’obtenir son consensus à son asservissement volontaire.

L’unique manière, donc, pour un mouvement social d’assurer la sauvegarde de ses intérêts légitimes est de s’auto-organiser. Cela doit être fait sur deux bases complémentaires : géographique et d’activité. Géographique : de l’immeuble au quartier, à l’ensemble des quartiers jusqu’à la ville, ainsi que villages, douars, etc. Activité : habitat, travail, études, loisirs, etc.

Encore une fois, l’histoire sociale le prouve (3) : le peuple est en mesure de construire ses auto-organisations de manière autonome, libre, égalitaire et solidaire. Il suffit que les éléments de ce peuple les plus expérimentés et instruits en comprennent l’importance stratégique absolue, et se mettent à l’œuvre.

Malheureusement, il semble que cet impératif décisif d’auto-organisation n’est pas encore suffisamment exprimée dans les manifestations populaires ; et, même parmi ce qu’on appelle les « élites » favorables au peuple, l’idée de son auto-organisation semble minoritaire. C’est qu’il est très difficile à un membre de l’ « élite » de se défaire de son aliénation présomptueuse à se croire un « sauveur » d’un peuple, jugé « ignorant » et « grégaire », d’une part ; et, d’autre part, le peuple, quoiqu’on dise, n’est jamais stimulé, encore moins préparé à s’auto-organiser, et lorsqu’il le fait (par exemple en constituant des syndicats ou autres associations autonomes), l’oligarchie dominante limite sinon réprime ces formes d’auto-organisations autonomes, tandis que les membres de l’ « élite », de mentalité majoritairement hétéro-gestionnaire, donc autoritaire, traitent ces formes d’auto-organisations populaires d’ « anarchie », évidemment. C’est dire qu’une révolte, même gigantesque, n’est pas automatiquement une révolution, autrement dit une rupture sociale radicale. C’est dire qu’en ce qui concerne les manifestations populaires, il faut se méfier de ceux qui les chantent de manière démagogique, sans souligner un fait : si ces manifestations sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes pour créer un système social nouveau, répondant aux intérêts du peuple. Il est indispensable que ces démonstrations collectives publiques accouchent et se complètent par l’auto-organisation populaire. Autrement, c’est l’amer échec, par la récupération sinon la répression, comme partout et toujours dans le monde.

Bien entendu, en formant ses auto-organisations, le peuple doit absolument veiller à ce qu’elles ne soient pas manipulées par quiconque, notamment par les agents locaux de l’impérialo-sionisme ni de l’impérialo-islamisme (saoudien, émirati et turc), sans oublier les agents de l’oligarchie autochtone.

Mots et enjeux.

Parmi les manifestants comme chez les « élites », on parle de « justice », de « droit », de « développement économique », enfin de « système dégage, tout le système ! »... Est-on certain que ces mots correspondent effectivement et efficacement aux enjeux sociaux ?… Ces derniers ne se définissent-ils pas, essentiellement et clairement, par trois aspects : exploitation économique de l’être humain par son semblable, domination politique du peuple par une oligarchie, conditionnement idéologique de ce même peuple par cette même oligarchie ? Et peut-on obtenir un système social considéré comme véritablement « juste » en l’absence de l’un de ces aspects ?

Or, ces trois aspects semblent absents comme formulations claires. Que les membres de l’ « élite », dans leur majorité, préfèrent les mots vagues, mais ronflants et creux, cependant à effet démagogique et manipulateur, cela est dans la nature de ces membres de l’ « élite ». Mais le peuple, dans ses diverses catégories (travailleurs, étudiants, jeunes, adultes, hommes, femmes) et ses porte-parole spontanés (à ne pas confondre avec les manipulateurs de tout acabit) ne doit-ils pas parvenir au maximum de clarté dans l’expression de ses revendications légitimes ? Tant que cette clarté n’est pas présente, un mouvement populaire, quelques soient son importance et ses prouesses, peut-il réussir, c’est-à-dire concrétiser les buts pour lesquels il se bat ? Ne risque-t-il pas de finir par être manipulé par ses faux amis ? On les reconnaît à leurs louanges les plus flamboyantes à propos du peuple, mais sans jamais parler de son indispensable auto-organisation pour s’auto-émanciper. Le flatteur vit toujours aux dépens de celui qui l’écoute ! Attention donc aux mots et aux expressions !

Double pouvoir.

L’effort de clarté et d’honnêteté exige de ne pas taire ni négliger un autre aspect du changement social. Une rupture sociale n’a lieu qu’en présence de l’émergence d’un pouvoir inédit qui entre en compétition avec le pouvoir établi. Le nouveau pouvoir s’exprime d’abord sous forme sociale populaire, tandis que le second s’incarne dans l’usage oligarchique de l’État.

Le pouvoir étatique, géré par l’oligarchie qui en détient les rouages, dispose de ses propres organisations dans tous les domaines sociaux : politique, juridique, idéologique, police politique, militaire. Au contraire, le pouvoir social populaire, dans sa première phase, ne dispose que de ses manifestations publiques de rues. Certes, elles peuvent chasser un tyran, mais pas le système social qui a produit ce tyran. Si donc le peuple veut réellement disposer d’une influence décisive, en mesure d’abolir un système inique au bénéfice d’un système au service de la communauté toute entière, ce peuple doit disposer d’un pouvoir réel, de type institutionnel : cela se concrétise par son auto-organisation. Celle-ci seule est capable de doter le mouvement populaire d’un pouvoir effectif, en mesure d’affronter le pouvoir étatique en place.

Dès lors, toute entreprise de transition, pour répondre correctement aux revendications formulées par le peuple, doit favoriser cette auto-organisation du peuple. Ainsi, cette forme de transition correspond réellement aux droits légitimes du peuple. Autrement, cette entreprise de transition, quelques soient ses déclarations publiques, accouche d’une nouvelle oligarchie dominante. Soit le pouvoir du peuple, institué, remplacera le pouvoir de l’oligarchie, soit ce dernier éliminera le premier.

Pacifisme et violence.

Quant à la méthode employée, elle est pacifique, sinon violente. Cette affirmation n’est pas le résultat d’une allégation gratuite ou d’une stupide divination, mais cette affirmation correspond au fonctionnement objectif des forces sociales en présence, tel que l’histoire mondiale le montre, partout et toujours. Aucune oligarchie sociale ne renonce à ses privilèges, à moins d’y être contrainte, de manière pacifique sinon violente. Partout et toujours dans le monde, chaque fois que la violence est employée par un mouvement social, elle accouche d’une oligarchie inédite, recourant, elle aussi, à la violence pour se constituer et se maintenir. C’est ainsi depuis la Révolution française de 1789.

Face à une auto-organisation d’institutions populaires, les forces détenant l’exercice de la violence se trouvent devant une alternative : s’opposer ou se solidariser réellement avec le peuple. Elles optent pour la seconde solution, si ces forces sont réellement ce que la Constitution les a définies, et ce qu’elles-mêmes se déclarent officiellement. En effet, police et gendarmerie n’ont pas pour rôle de réprimer les revendications légitimes pacifiques du peuple, mais uniquement de réprimer ce qui nuit au peuple comme communauté de citoyens. Quant à l’armée, son seul rôle est de défendre l’intégrité du territoire contre toute agression étrangère (ou interne, contraire au peuple).

L’espoir, donc, est que la méthode pacifique de changement social triomphe ; c’est l’unique manière de concrétiser un système social, lui aussi, basé sur le consensus pacifique.

Il est cependant vrai qu’il peut sembler que la violence obtienne le résultat escompté, et non pas la méthode pacifique. Toutefois, les expériences historiques montrent, sans exception, que ce raccourci n’a jamais produit le système social tel que voulu par le peuple, à savoir un système excluant toute forme de contrainte sociale par la violence. L’histoire enseigne : dans les changements sociaux, moyen et fin se conditionnement obligatoirement l’un l’autre.

Que donc aux institutions étatiques de l’oligarchie dominante soient opposées les institutions créées par et pour le peuple. Bien entendu, le mouvement populaire étant pacifique, il s’agit pour lui de créer de manière pacifique les institutions pacifiques qui lui permettent de concrétiser pacifiquement ses intérêts légitimes.

Du temps.

Penser que l’auto-organisation populaire réclame un temps très long est erroné. L’histoire enseigne qu’il y a des phases historiques caractérisé par un phénomène original : un jour équivaut à une année d’activité. Ce phénomène a lieu quand l’effervescence populaire atteint son niveau le plus élevé. Cette auto-organisation populaire pourrait donc se réaliser dans les plus brefs délais, si le peuple prend conscience de cette nécessité. À ce sujet, j’oserai même affirmer ceci : les 90 jours proposés pour des élections présidentielles en Algérie pourraient être suffisants pour construire cette auto-organisation institutionnelle du peuple, de telle manière que ce soit d’elle-même qu’émanerait un processus d’élection d’un président de la nation, celui-ci étant, alors, réellement une émanation de la volonté populaire.

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(1) Voir http://www.lematindalgerie.com/pour-un-mouvement-dautogestion-sociale

http://kadour-naimi.over-blog.com/2018/01/pour-un-mouvement-d-autogestion-sociale.html

(2) Ce critère fut développé dans ma thèse de doctorat en sociologie, non présentée. La recherche concernait le processus de transformation d’une révolution populaire en système conservateur totalitaire. Voir http://www.kadour-naimi.com/f-societe-autogestion-heterogestion-revolution.htm

(3) Toutes proportions gardées, voir la Commune de Paris de 1971, les soviets libres russes de 1917 à 1921, les collectivités espagnoles de 1936 à 1939, l’auto-gestion algérienne (celle authentique et non pas celle de la bureaucratie benbelliste), sans oublier la tradition en Kabylie des assemblées de village. Bien entendu, citer ces expériences historiques ne vise pas à les considérer comme des modèles ou recettes prêtes à l’emploi, mais uniquement comme sources d’inspiration. À ce sujet, voir la rubrique « Autogestion » in http://kadour-naimi.over-blog.com/

 

Publié sur Le Matin d'Algérie, le 14 avril 2019.

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #PEUPLE-DEMOCRATIE

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