Publié le 25 Août 2020

SORTIR DE LA BARBARIE - Partie 1 : militarisation et robotisation

En ce début de vingtième et unième siècle, où en sommes-nous ?... Voici une contribution au débat. Seront respectivement exposés la situation actuelle (partie 1), un aspect particulier, la culture (partie 2), le problème de l’organisation (partie 3).

 

Prémisses.

1) Il ne s’agit pas de désespérer (cela porterait à la défaite voulue par l’adversaire), mais de trouver les moyens de riposte adéquate.

2) Il n’est pas question de renvoyer des antagonistes dos-à-dos ; toute remise en cause de l’hégémonie impérialiste états-unienne est utile pour éliminer de la planète ce gendarme-gangster mondial, mais également prévenir l’apparition d’un autre, de forme inédite.

3) Depuis la disparition de l’URSS, le monde est entré dans une époque de capitalisme triomphant et sauvage. Il est semblable à son apparition, mais en plus cruel parce que possédant plus de moyens. Toutefois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’hégémonie de la nation actuellement dominante, états-unienne, est en déclin. Mais, comme tout empire allant vers sa fin, il recourt à tous les moyens, y compris les plus criminels, pour tenter de maintenir sa prédominance. Le monde est donc entré dans une guerre mondiale prolongée, dans tous les domaines, guerre « froide » pour le moment, où l’arme nucléaire tend à être mise en question comme garantie de dissuasion réciproque.

4) Sur la planète, surtout depuis l’échec des expériences « socialistes », l’espoir a disparu, laissant place à la peur et au désespoir chez trop de personnes. L’actuel covid-19 en est l’aspect apparent de l’iceberg. Partout et toujours dans l’histoire humaine, - depuis le dictateur colonisateur, Jules César, et le premier empereur chinois, le dictateur Qin Shi Huáng -, la peur citoyenne est l’instrument fondamental de toute forme de tyrannie ; les foules y succombent facilement, victimes de la « peste émotionnelle », décrite par Wilhelm Reich.

Pour ne pas succomber à cette angoisse paralysante et asservissante, il est vital, comme l’expliquait Sun Tze dans son traité, de connaître suffisamment les forces et les faiblesses respectives de l’ennemi et de soi-même. Des deux adversaires, celui qui parvient le mieux à cette connaissance s’assure la victoire. Il faut également ne pas confondre des batailles avec la guerre, mais considérer celle-ci dans toute sa durée ; généralement, elle est de temps long, parfois dépassant une génération humaine, et de formes multiples, la dernière étant le recours aux armes.

 

Critères comparatifs.

Les observations suivantes sont le résultat de la lecture de divers ouvrages, articles de presse et déclarations où sont comparées les nations les plus puissantes, actuellement en concurrence dans le monde. Celle hégémonique, états-unienne, veut maintenir sa domination coûte que coûte, tandis que deux autres, Chine et Russie, sont décidées à accéder à leur existence dans un monde multipolaire.

Quelque soit l’idéologie de l’auteur de livre, d’article ou de propos publics, que constate-t-on généralement ?… Des comparaisons dans les domaines militaire (combien d’ogives nucléaires), technologique (combien d’inventions et de brevets), économique (chiffres du PIB et autres indicateurs), autrement dit combien le pays comprend de scientifiques, de techniciens, de militaires, d’économistes, etc.

Mais rien, absolument rien concernant combien (certains riront ou ricaneront) de philosophes, de romanciers, de poètes, d’artistes, de psychologues, de psychiatres, d’anthropologues, d’archéologues, de pédagogues, etc. Tout ce qui contribue au développement de la raison, du sens de la justice, de la bonté, de la beauté, de l’utilité bienfaisante, tout ce qui permet à l’espèce humaine de s’affranchir de son animalité brutale, féroce, prédatrice, meurtrière, bref de s’émanciper de la cupidité et de l’ambition d’une minorité au détriment de la majorité, tout cet aspect n’est pas considéré dans la comparaison entre les nations les plus « puissantes » de la planète : les mots civilisation (culture) et barbarie semblent inexistants (1).

Bien entendu, la valeur d’une société dépend de sa capacité de fournir à chacun de ses membres les conditions matérielles d’une convenable existence : nourriture, logement, soins médicaux, transports, etc. Ces aspects concernent la partie charnelle, animale de l’humanité.

Mais qu’en est-il de l’esprit, donc de l’instruction ?… Consiste-t-elle uniquement à produire des savants, des ingénieurs, des techniciens, des militaires et des économistes et des… robots ?… Le but premier et dernier de l’instruction, notamment par la découverte des algorithmes et de l’intelligence artificielle, ce but est-il d’améliorer les conditions de vie humaine sur terre ou, au contraire, de fabriquer une humanité robotisée au profit d’une minorité d’oligarques, rétribuant la horde servile de savants, de techniciens, d’informaticiens, de militaires (et de propagandistes) ?

Puisqu’on évoque l’instruction, qu’en est-il également de cette forme d’instruction qu’est l’information ?… Consiste-t-elle uniquement à diffuser celle qui sert les intérêts d’oligarchies privées ou étatiques, en occultant toute autre information contestataire ? Si l’esprit n’a pas accès à des informations contradictoires, peut-il se former convenablement ? Ne se réduit-il pas à une caisse d’enregistrement de données, produites uniquement pour constituer des « opinions » et des images conformes aux oligarchies dominantes, quelque soit leur idéologie ? Est-ce ainsi que se forment des citoyens conscients des enjeux, capables d’éviter une guerre qui anéantirait l’humanité entière ?

Qu’un auteur d’ouvrages ou d’articles soit « conservateur » ou « libéral », de « gauche » ou de « droite », le raisonnement est respectivement celui d’Adam Smith (La nation ?... Quelles richesses matérielles ?), de Marx (La nation ?… Quel niveau des forces productives ?) (3), Staline (« Le Vatican ?... Combien de divisions », on dirait aujourd’hui : « Telle nation ?… Combien d’ogives nucléaires ? »). Dans toutes ces conception, les peuples, l’intelligence, la raison, la justice (ne parlons pas de la beauté) n’ont aucune importance.

 

Les livres manquants.

Quant au développement harmonieux de l’esprit humain, en terme de liberté, d’égalité et de solidarité, cela n’entre pas dans l’appréciation de la nation. Si, par hasard, on évoque des « valeurs culturelles ou civilisationnelles », on surfe dessus. On présente une appréciation superficielle d’idéologue louangeant le système politique dont il jouit dans sa nation, en dénonçant les « valeurs » de la nation concurrente. Bien entendu, l’idéologue en question évite soigneusement de reconnaître que sa nation et les autres ont un point commun : elles sont basées sur la cupidité (le profit) et l’ambition (le pouvoir) d’une minorité sur la majorité des citoyens composant la nation.

Le malheur des gens de « gauche » est d’avoir laissé leurs adversaires s’emparer et manipuler des thèmes comme « liberté », « droits de l’homme », « démocratie », « mondialisation », « émigration ». Le malheur des marxistes est d’avoir dédaigné l’éthique ou en l’évoquant de manière totalitaire (Trotski), en ignorant les travaux d’un Pietr Kropotkine, stigmatisé comme anarchiste.

« Le capital » nécessitait d’être complété par deux autres ouvrages : un sur l’éthique »et un autre sur la culture. L’absence de ces derniers condamna le marxisme à l’échec. Antonio Gramsci tenta de remédier en examinant le thème de l’hégémonie culturelle. Son emprisonnement par Mussolini arrangea les affaires pour Staline et, semble-t-il, son représentant italien Togliatti, au détriment du socialisme authentique.

Si donc des auteurs, réputés éclairés, et quelque soit, - répétons-le -, leur orientation idéologique, raisonnent uniquement en terme de puissance matérielle, nucléaire et électronique, que dire du reste des citoyens ? Et quel serait le futur de l’espèce humaine sur cette planète ?

Voici ce que l’on sait depuis longtemps :

« Dès qu'on eut placé le bonheur et la force de la société dans les richesses, on fut nécessairement conduit à refuser l'exercice des droits politiques à tous ceux qui n'offrent pas, par leur fortune, une garantie de leur attachement à un pareil ordre, réputé le bien par excellence.

Dans tout système social de ce genre, la grande majorité des citoyens, constamment assujettie à des travaux pénibles, est condamnée de fait à languir dans la misère, dans l'ignorance et dans l'esclavage. » (2)

Bien entendu, veillons aux distinctions concernant la poursuite des richesses matérielles. Tandis que ce but aggrave les inégalités aux États-Unis, il les diminue en Russie et en Chine. Cette dernière a amélioré le sort matériel des laissés pour compte, et se propose l’élimination totale de la pauvreté absolue. Il reste cependant que dans les trois nations, le capitalisme domine. Et, comme tout capitalisme, quelque soit sa « spécificité », il se caractérise fondamentalement par la cupidité et la domination d’une minorité sur la majorité des citoyens.

Par conséquent, il faut comprendre qu’au-delà de l’antagonisme capitalisme/communisme (ou socialisme, ou social libéralisme, ou social-démocratie, etc.), l’antagonisme réel fondamental est entre égoïsme dominateur et libre solidarité égalitaire (l’égalité entendue comme celle des besoins matériels et culturels, et non des facultés physiques et psychiques).

L’égoïsme se contente, par la domination, d’acquérir des richesses matérielles (au détriment des autres), tandis que la solidarité, libre et égalitaire, exige le partage équitable. Sans ce dernier, les richesses profitent principalement à une caste minoritaire de privilégiés exploiteurs. Le problème est donc fondamentalement éthique, culturel, civilisationnel, bref psychique. Là, aussi, le marxisme a failli à ne pas considérer cet aspect de l’humaine condition. La psychologie fut considérée une « idéologie bourgeoise ». Même quand Wilheim Reich démontra la tendance fascisante des travailleurs, les dirigeants du parti communiste allemand… l’expulsèrent. L’histoire leur a donné tort.

 

Militarisation et robotisation.

La partie intellectuelle de l’humanité, - encore une fois toutes idéologies confondues -, se contraint à la concurrence impitoyable, où la fin justifie les moyens. Les champs de combats, outre les traditionnels, sont actuellement l’espace, ainsi que le corps et le cerveau humains. La nette tendance est de militariser le premier et de robotiser les seconds. Les deux aspects se conditionnent et se complètent, constituant une menace à l’existence même de l’espèce humaine et de la planète qui permet sa vie.

En comparaison de la situation actuelle, celle décrite dans « 1984 » de Georges Orwell, en terme de contrôle totalitaire des citoyens, est littéralement de la rigolade.

La gestion du covid-19 révèle que, dans la partie intellectuelle de l’humanité, la composante dotée de science manque, dans sa majorité, totalement de conscience, remplacée par le compte en banque, « les richesses » disait Buonarotti. Telle est la loi fondamentale du capitalisme, cette troisième forme de cupidité et de domination, après l’esclavagisme et le féodalisme. La tentative de quatrième forme, le socialisme (ou communisme) échoua parce que la cupidité et la domination, sous d’autres formes, continuèrent à exister dans les « élites dirigeantes », formant les oligarchies étatiques totalitaires.

Dorénavant, les seules « Lumières » bienfaisantes de l’humanité ne proviennent pas des philosophes, moralistes, artistes, psychologues, pédagogues, etc.. Ceux qui défendent la liberté, l’égalité et la solidarité sont stigmatisés comme « utopistes », « irréalistes », « complotistes », « anarchistes », etc. Y comprise la minorité de l’élite qui opère dans les sciences, la technologie, la médecine, etc. Tandis que ceux qui défendent , quelque soit le domaine, la cupidité et la domination sont convenablement rétribués et dotés de « prestige » médiatique. Les « lumières » actuellement dominantes sont celles des explosions atomiques. Terrifier pour régner : recette de toujours, partout.

 

Les deux fléaux de l’apocalypse : cupidité et ambition.

Un des précurseurs fondamentaux de la révolution française écrit : « Discourez tant qu’il vous plaira sur la meilleure forme de gouvernement, vous n’aurez rien fait tant que vous n’aurez point détruit les germes de la cupidité et de l’ambition. » Où est la nation actuelle où ces deux monstruosités n’existeraient pas, d’une manière ou d’une autre ?

Certes, il est possible d’établir une échelle graduée avec des pourcentages, permettant un jugement plus objectif des diverses nations. Quel belle institution mondiale serait celle qui établirait ce tableau ! Elle ne pourrait être que citoyenne, et certainement soumise à tous les chantages et pressions des gouvernants concernés.

Pour faire accepter par les citoyens ces deux fléaux, la cupidité et la domination (pour la satisfaire), les « élites » dominantes bombardent l’humanité de propagande inspirée des maîtres en la matière. Pis encore : cette propagande utilise des moyens plus puissants, et même des inédits, littéralement totalitaires. Ces moyens se manifestent dans tous les domaines possibles : publications écrites, films, télévision, réseaux sociaux, (jeux vidéo, etc.). On appelle cela « information » et « divertissements » en continu, pour continuellement bombarder les cerveaux de mensonges politiques, tout en vendant les produits nocifs, le tout pour conforter les dividendes des marchands du superflu, et consolider la domination des oligarques.

Quelle est la cerise empoisonnante sur le gâteau de la servitude universelle ?... Les deux plus puissantes armes de conditionnement massif des cerveaux, la télévision et les jeux vidéo sur ordinateur ou téléphone portable. Quelque soit le pays et son système politique, ils diffusent principalement la haine et la violence par des humains, des robots ou une combinaison des deux, sur terre comme dans l’espace.

L’intérêt des peuples est clair : pas de dépendance, ni militaire, ni économique. Malheureusement, les deux principaux adversaires actuels ont fondamentalement le même système économique, avec, certes, des variantes diverses : capitalisme.  L’histoire le démontre amplement : le capitalisme, c’est la cupidité et la domination, de manière directe et militaire, ou indirecte et économique, ou, encore, par combinaison opportune des deux méthodes.

Comment mettre fin à ce monde des Super « Big brothers » ?… Par la culture et par l’auto-organisation. Elles seront respectivement évoquées dans les parties suivantes.

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(1) « Les institutions sociales n'ont pas été établies parce que l'homme est [pas seulement] un animal qu'il faut nourrir, mais parce qu'il est intelligent et sensible. La culture est faite pour embellir et aider la Société et la société n'est point faite pour [uniquement] fleurir l'agriculture. » Gabriel Bonnot de Mably, 1768, in « « Doutes proposés aux philosophes et aux économistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques ». Et encore : « Quand la propriété foncière [ou toute autre] serait beaucoup plus favorable à la reproduction des richesses qu'elle ne l'est en effet, il faudrait encore préférer la communauté des biens. Qu'importe cette plus grande abondance, si elle invite les hommes à être injustes et à s'armer de la force et de la fraude pour s'enrichir. Peut-on douter sérieusement que dans une société où l'avarice, la vanité et l'ambition seraient inconnues, le dernier des citoyens ne fût plus heureux que ne le sont aujourd'hui nos propriétaires les plus riches ? » Les mots entre [] sont ajoutés par moi.

(2)  Philippe Buonarroti : « Gracchus Babeuf et la conjuration des égaux ».

(3) Quand la traduction du « Capital » de Marx fut proposée à Bakounine, il nota que dans l’ouvrage la classe prolétarienne était considérée de manière métaphysique, comme un élément mécanique dans le système capitaliste, sans volonté ni subjectivité. Rappelons également le terme « masses » (employé en science physique), appliqué aux peuples ; il niait ainsi leur subjectivité et leur caractère d’agent conscient. La proclamation « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes ! » fut occultée par tous les autoritaires, auto-proclamés uniques « savants » capables d’indiquer aux « masses » les recettes de leur paradis.

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Publié sur

Algérie Patriotique ( 24 août 2020),

La Tribune Diplomatique Internationale (24 août 20)

Réseau International ( 24 août 2020)

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #EDUCATION-CULTURE, #PEUPLE-DEMOCRATIE

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Publié le 22 Août 2020

Scène de "Al hnana, ya ouled !" (La tendresse, les enfants !), 2012. Ecriture et rréalisation par l'auteur.

Scène de "Al hnana, ya ouled !" (La tendresse, les enfants !), 2012. Ecriture et rréalisation par l'auteur.

Suite à la contribution précédente (1), voici une partie complémentaire. S’adressant aux pratiquants du théâtre en Algérie, elle n’a aucune prétention de fournir des « recettes », mais simplement de contribuer, sur la base d’une expérience personnelle, à un débat sincère, sans langue de bois, sur le présent et le futur du théâtre algérien, à la lumière de son passé.

 

Encore l’occultation.

Désormais, chaque Algérien le sait : l’occultation historique est généralement un sport adulé chez l’ « élite » algérienne, dans tous les domaines.

Concernant le théâtre algérien, presque tous ceux qui écrivent occultent, par ignorance ou mauvaise foi, deux expériences : celle de Mohamed Boudia et celle du Théâtre de la Mer. Un article

tout récent affirme : « Après l’épopée du théâtre des pères fondateurs Mahieddine Bachtarzi, Allalou, Rachid Ksentini qui ont à leur façon préparé le peuple à la révolution en étant des lanceurs d’alerte et des éveilleurs de conscience, le théâtre des années 1960-70 fut une belle époque, car il s’est arrimé à l’universel avec des géants tels que Kateb Yacine, Kaki et plus tard Alloula. » (2) L’auteur de cette affirmation signe comme « Professeur à l’École Polytechnique d’Alger ».

Dans ce texte, l’activité et l’importance de Mohamed Boudia sont occultées. Serait-il, pour employer le vocabulaire du Professeur, un « nain » ? Probablement, puisque, après son assassinat par les services secrets sionistes, seuls les Palestiniens honorèrent sa mémoire, en l’absence de tout représentant étatique algérien, tant politique que culturel. À ma connaissance, en Algérie, pas un seul lieu culturel ne porte le nom de Mohamed Boudia. Néanmoins, signalons une publication qu’aucune maison d’édition algérienne n’a songé à publier, mais uniquement une petite maison d’édition militante en France : Mohamed Boudia, « Œuvres, Écrits politiques, nouvelles, théâtre et poésie » (3).

De même, mon activité au Théâtre de la Mer est également occultée. Un « nain », aussi, n’est-ce pas ? Kaki fut l’unique homme de théâtre algérien qui, dès ma première production théâtrale, en 1968, « Mon corps, ta voix et sa pensée », non seulement offrit un lieu pour sa représentation, mais déclara publiquement dans la presse l’importance innovatrice de cette création théâtrale.

Remarquons, en passant, une caractéristique de beaucoup de l’« élite » algérienne actuelle. Quand une personne algérienne s’est distinguée dans un domaine quelconque, l’adjectif employé n’est pas, comme dans les autres pays du monde, « intéressant », « grand », « important », « digne d’attention ». Non. En Algérie, cette personne est toujours « géant », « immense », « monument », « universel », « icône ». J’ai suffisamment connu Kaki pour affirmer : en lisant le terme « géant » appliqué à lui, il aurait eu son typique sourire narquois devant une telle absence de sens critique, doublée d’adulation vulgaire.

Ce recours au superlatif, à l’hyperbole et à la grandiloquence n’est-il pas la manifestation inconsciente d’un complexe psychique d’infériorité ? En effet, quel besoin justifie cette boursouflure, inexistante dans les nations qui disposent de personnalités dont le rôle fut remarquable ?

Avec l’occultation de la pratique théâtrale de Mohamed Boudia et de la mienne, les artistes actuels ou futurs du théâtre algérien sont privés d’expériences qui marquèrent leur époque, et demeurent précieuses à connaître pour pratiquer un théâtre caractérisé par l’éthique et l’esthétique les plus rigoureuses, autrement dit refusant toute forme d’opportunisme, favorisant « carriérisme » et privilèges. Il est vrai que le carriérisme et les privilèges ne peuvent pas évoquer des expériences qui dénoncent ces fléaux sociaux.

 

Clés.

Toute œuvre convenable contient une réplique qui la résume. Dans « Mon corps, ta voix et sa pensée », première pièce du Théâtre de la Mer (1968), la clé était : « Je cherche la vérité ! », prononcée par le philosophe Diogène, s’adressant directement au public.

En 1973, dans « Et à l’aurore, où est l’espoir ? », un jeune chômeur chantait : « Almaskîn lâzmou yatchaja’ / wal khammâr ifîg / al mahgour lâzmou yatkallam / Had alklâm a’lîk/ Hammak ya maskîn / ma jâch mnassmâ / mahouch maktoub, abadane ! / Hammak jâye man khiânat / ‘arag khaddamtak. » (Le pauvre doit prendre courage et le soûlard se réveiller, l'opprimé doit parler. Ce langage te concerne. Ton malheur, ô pauvre, ne vient pas du ciel, il n'est pas écrit, jamais ! Ton malheur vient du vol de la sueur de ton travail.) La pièce reçut le « Prix de la Recherche » au Festival International de Hammamet (Tunisie), mais, en Algérie, elle ne trouva aucun lieu pour sa représentation pour motif d’ « agitation subversive ».

Quarante années plus tard, en 2012, ma dernière pièce théâtrale réalisée en Algérie « Al hnana, ya ouled ! » (La tendresse, les enfants !), la clé de l’œuvre résume la situation algérienne, par la voix d’un ouvrier ivre. La scène et la réplique sont la reproduction de faits réels, vus personnellement une nuit à Alger : « Anâ naskar bachrâb !… Bassah antoumâ râkoum sakranîne bal hasd, bal kadb, bal kourh, bal ghouch, bal hogra ! » (Moi, je m'enivre de boisson !… Mais vous, vous êtes ivres d'envie, de mensonge, de haine, de tricherie, de hogra ! » (4)

Faut-il étonner de ce qui suit ?… La pièce eut une seule représentation à un festival algérien, puis interdite de présentation dans les théâtres régionaux. Il s’est trouvé une personne qui affirma : «  Kadour Naïmi est venu à Béjaïa monter une pièce, El Hanana Yaouled. Une véritable catastrophe ! »... Que l’on regarde l’unique représentation pour savoir où est la « catastrophe » ou, plutôt, l’imposture (5). En passant, notons le qualificatif employé par l’auteur ; c’est la marque de fabrique typique d’une certaine « élite » intellectuelle algérienne : on est soit un « mythe » ou une « icône », soit une « catastrophe », comme chez les fanatiques religieux on est soit « Ange », soit « Diable », comme chez les totalitaires on est soit « bon », soit « mauvais ». Incapacité de critique éthiquement honnête et intelligemment équilibrée. Devinez l’identité de l’auteur qui parle de « catastrophe ! »… L’actuel animateur officiellement désigné pour la réforme du théâtre en Algérie, Hmida Layachi... Le mouvement populaire déclenché en février 2019 est, comme les révolutions : certains les font, d’autres en profitent. Un Hmida Layachi comme animateur d’une réforme du théâtre algérien, est-ce là un signe de changement répondant aux vœux du mouvement populaire ? À ces derniers, l’Algérie serait-elle dépourvue d’une personnalité conforme ?… La désignation de Layachi n’est-elle pas, dans le domaine théâtral, un encouragement officiel à tous les opportunistes pour se servir (en servant leur mentor), sous prétexte de servir le théâtre algérien ? C’est la classique méthode du changer (de forme) pour ne rien changer (en substance). Larbi Ben Mhidi l’avait compris : « Après l’indépendance, le plus dur restera à faire ».

 

Erreurs fatales.

Dans l’expérience du Théâtre de la Mer, avoir par la suite accepter un financement de la part du Ministère du Travail installa dans la majorité des membres de la troupe la cupidité et l’ambition. Elles me contraignirent à quitter la troupe.

Deux autres erreurs personnelles ont suivi. Une première fut l’illusion de croire qu’au Théâtre Régional d’Oran il m’était possible de poursuivre mon activité théâtrale, de manière libre et au service du peuple. Pour le même motif, quarante années après, une tentative au sein du Théâtre Régional de Béjaïa se solda, elle, par un échec relatif. Dans les trois cas, ministère et directeurs d’établissement théâtral étatique, il s’agissait de « progressistes » et « démocrates ».

 

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"Mon corps, ta voix et sa pensée", représentation sur une place publique du quarttier populaire Al Hamri, à Oran (1969). A gauche sur la photo l'auteur.

"Mon corps, ta voix et sa pensée", représentation sur une place publique du quarttier populaire Al Hamri, à Oran (1969). A gauche sur la photo l'auteur.

Un théâtre populaire pour l’émancipation populaire.

Arrivons aux propositions pour se libérer des maux. Le théâtre, comme toute autre activité culturelle, peut soit conditionner le peuple à la servitude, soit le stimuler à conquérir la liberté pour réaliser ses droits légitimes de citoyenneté. Concernant mon activité théâtrale personnelle, le livre qui relate cette expérience existe en libre accès (6). Il tente de montrer en quoi cette activité demeure actuelle, valable comme source d’inspiration pour un théâtre digne de ce nom, c’est-à-dire au service de la bonté et de la beauté. L’exposé bref des principaux aspects expliquera le motif de l’occultation de l’expérience.

1. Pratiquer une activité théâtrale en dehors du système étatique, et la gérer de manière autogestionnaire, reprenant ainsi l’expérience de l’autogestion ouvrière et paysanne. Cette option n’exclut pas une activité au sein d’une structure étatique, à une condition : l’exercice réel et total de la liberté artistique, celle qui a comme objectif l’émancipation du peuple.

2. Présenter les œuvres en allant, d’abord et principalement, sur les lieux de vie, de travail ou d’études des spectateurs, privilégiant les travailleurs des villes et des campagnes. Pour que les représentations soient bénéfiques dans les théâtres étatiques, il faudrait s’affranchir de leur conception « élitiste » (7). Cela est possible en les transformant en lieux de production et de rencontres théâtrales non pas réservées uniquement à l’ « élite », mais également aux citoyens qui ne sont pas reconnus comme tels : le peuple travailleur (et les chômeurs) des villes et des villages. Il ne s’agit pas d’accuser le public de ne pas se rendre dans les théâtres étatiques. Celui qui s’est distingué par cette stigmatisation est… l’un des représentants officiels du théâtre en Algérie, nommé durant la sombre époque de Bouteflika (8).

3. Présenter les pièces en forme scénographique de « halga » traditionnelle (cercle). Cette innovation, inspirée de la tradition populaire algérienne, est un enrichissement artistique. Il nécessite la formation des pratiquants du théâtre à cette nouvelle manière de mise en scène. Ce mode de représentation n’exclut pas les établissements de théâtre classiques si, - rêvons ! - on les transforme de manière à rendre possible une scène scénographique circulaire. Aux Algériens qui ont tant de fierté à l’être, l’application de la scénographie en forme de « halga » serait une réelle innovation (ne tombons pas dans le ridicule de l’appeler « universelle »), inspirée de la tradition populaire.

4. Du point de vue économique, l’option autogérée implique des difficultés financières. Au Théâtre de la Mer elles furent résolues ainsi : une boite était mise à l’entrée de l’endroit de représentation ; les spectateurs y mettaient une contribution financière selon leur possibilité, libre aux autres d’assister gratuitement au spectacle. Le coût financier des réalisations théâtrales était possible en pratiquant un style formel dit « pauvre », c’est-à-dire essentiel, selon la règle : exprimer le plus avec le moins.

Aujourd’hui, certains proposent d’intéresser les affairistes privés à l’activité théâtrale. Où et quand dans le monde, un affairiste a financé une œuvre culturelle sans être motivé principalement par son profit financier ? Comment ce dernier serait-il compatible avec une activité culturelle qui doit, pour être digne de ce qualificatif, servir l’émancipation éthique et esthétique des citoyens ?

J’ai vu en Italie une représentation théâtrale. Elle était interrompue, toutes les quinze minutes, par une promotion publicitaire des marchandises de ceux qui avaient financé la production théâtrale. Est-ce là du théâtre ou une forme mercenaire et aliénante d’activité à travers le théâtre ?

Dans certains pays capitalistes, des « fondations » financent des productions culturelles. Examinez attentivement les œuvres, et concluez si elles contribuent d’une manière ou d’une autre à l’émancipation sociale des citoyens.

Ceci étant dit, si l’État ou un privé proposent une contribution financière ou un lieu de représentation, ils sont les bienvenus, à condition de ne pas rabaisser la production théâtrale à une propagande idéologique ou commerciale lésant les intérêts du peuple.

5. Le contenu des œuvres comme leur forme devraient s’inspirer des meilleures productions internationales, en synthèse créative avec les traditions populaires nationales. Ces œuvres ne serviraient pas à « tuer l’ennui » de personnes repues, en leur fournissant un « divertissement » confortant une « bonne » conscience de privilégiés. Au contraire, depuis les théâtres antiques grecs et chinois, les œuvres dignes de ce nom se caractérisent par leur contribution à une société humaine d’équité et de beauté. Plus de détails sur des propositions concernant le théâtre algérien sont exposées dans mon ouvrage cité, notamment le Livre 5 : Bilan général et perspectives.

 

« The question ».

Un ami oranais du temps du Théâtre de la Mer, émigré aux États-Unis, m’écrit : « Si on avait « des dirigeants » compétents et nous artistes solidaires les uns des autres et honnêtes, on ne se serait pas exilé sans aucun espoir de retour pour promouvoir la culture algérienne et le théâtre en particulier. Ça s’est empiré, car malheureusement l’argent facile a corrompu la plupart de nous. »

Mon avis est que la primauté doit aller à la solidarité entre artistes, ceux honnêtement dévoués au bien-être du peuple. Cette solidarité porterait les dirigeants à en tenir compte. « That is the question ». Le théâtre authentique, en Algérie comme ailleurs, doit s’inspirer d’un Shakespeare montrant « Quelque chose est pourri dans le royaume du Danemark », d’un Molière dénonçant l’imposture du « Cachez-moi ces seins que je ne saurais voir ! », d’un Sophocle dont Antigone préfère l’éthique humaine à la loi arbitraire.

L’un des inspirateurs de la révolution française de 1789, Diderot, écrivit : « Discourez tant qu’il vous plaira sur la meilleure forme de gouvernement, vous n’aurez rien fait tant que vous n’aurez point détruit les germes de la cupidité et de l’ambition. » Il en est ainsi de toute activité humaine, dont le théâtre. Pour qu’il renaisse en Algérie, encore mieux qu’auparavant, il est nécessaire que les authentiques amis et amies de l’art et du peuple se cherchent, se reconnaissent, s’auto-organisent de manière libre, égalitaire et solidaire, puis créent un réseau d’échanges.

L’action individuelle est impuissante : elle sera récupérée (achetée), sinon ostracisée et neutralisée, condamnée à l’exil intérieur ou extérieur. L’action collective, seule, peut donner des fruits. Mais soyons réalistes : l’action solidaire viendra uniquement d’artistes, mus par l’amour de l’art et du peuple. Combien sont-ils ?

Attention à la manipulation ! Un homme qui participa à une révolution populaire historique, ensuite récupérée par les démagogues, constata : « Toujours et partout, on berça les hommes de belles paroles : jamais et nulle part ils n'ont obtenu la chose avec le mot. » (9) Attention donc à qui, artiste ou autre, emploie le langage populaire, démocratique et progressiste pour tromper sur ses réels buts : s’offrir ou consolider des privilèges en terme de compte en banque et de « prestige » médiatique. Et si, à votre écart, des louanges de renard visant votre « fromage », on passe aux calomnies de l’envieux et à l’occultation de l’imposteur, soyez-en fiers : c’est la preuve que vous n’êtes ni cupide, ni ambitieux, ni servile. L’unique honneur est la reconnaissance d’un public auquel on offre un aliment à sa faim de connaissance, de justice et de beauté. « Le reste est silence » (Hamlet).

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(1) http://kadour-naimi.over-blog.com/2020/08/de-la-reforme-du-theatre-en-algerie.html

(2) Chems Eddine Chitour, 6-08-2020,

https://www.liberte-algerie.com/contribution/respect-a-lartiste-343849

(3) Premiers Matin de Novembre Éditions. Une version italienne est en préparation, là encore par une petite maison d’édition militante, où j’aurai l’honneur de rédiger la préface.

(4) Scène entière ici https://www.youtube.com/watch?v=t7LyHd18mLs

(5) https://www.youtube.com/watch?v=YhW3_B6UDto

(6) « Éthique et esthétique au théâtre et alentours », http://www.kadour-naimi.com/f-ecrits_theatre_ethique_esthetique.html

(7) Une seule fois, le Théâtre de la Mer présenta une œuvre au T.N.A. d’Alger, mais en disposant les spectateurs sur la scène, en halga (cercle).

(8) Livre 5, Annexe 28 « Au théâtre, les absents sont les artistes ! » in « Éthique et esthétique... ».

(9) Sylvain Maréchal, « La conjuration des Égaux ».

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Algérie Patriotique ( 21 août 2020),

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Publié le 19 Août 2020

Le 2 septembre 1945, sur la place Ba Dinh, Hanoi, le Président Hô Chi Minh a proclamé la Déclaration de l’Indépendance donnant naissance à la République démocratique du Vietnam. Photo : Archives/VNA/CVN

Le 2 septembre 1945, sur la place Ba Dinh, Hanoi, le Président Hô Chi Minh a proclamé la Déclaration de l’Indépendance donnant naissance à la République démocratique du Vietnam. Photo : Archives/VNA/CVN

Comment cet événement de portée historique fondamentale fut réalisé au Vietnam, quelles furent ses caractéristiques et quelle a été son incidence sur les plans national et international ?

À cet événement, les peuples alors colonisés doivent la démonstration du chemin à prendre : la résistance populaire pour s’affranchir du colonialisme (le qualifier de hideux, vile et criminel est un pléonasme). Il prétendait porter aux peuples les « bienfaits de la civilisation » sous forme d’agressions, de spoliations et de domination que les lois internationales, sinon la raison et la morale humaines, qualifient de crimes contre l’humanité.

L’histoire du peuple vietnamien, depuis son début, est celle d’une résistance acharnée à toutes les armées qui convoitaient son territoire, ses ressources naturelles et sa force de travail. Dans la pièce théâtrale que j’avais consacrée à ce sujet, on lit : « L’expérience historique d’un peuple, c’est la somme des difficultés qu’il a affrontées, les combats qu’il a soutenus, les échecs et les défaites dont il conserve le souvenir, les victoires qu’il a remportées. » (1)

Le peuple vietnamien, à travers son élite intellectuelle patriotique, eut toujours en mémoire cette histoire, dans tous les domaines : de l’étude historique à la poésie et à la musique, sans oublier les contes populaires.

À ce bagage s’ajouta, au début du vingtième siècle, le marxisme comme doctrine sociale. En 1925, il apparut avec le mouvement « La jeunesse révolutionnaire », fondé par Nguyen Aï Quoc (c’est-à-dire Nguyen le patriote), pseudonyme de Chi Minh.

Le combat libérateur, dirigé par Chi Minh, prit, alors, un double aspect : anti-colonial, pour l’indépendance nationale, d’une part, et, d’autre part, anti-féodal et anti-capitaliste. Le but proclamé était l’émancipation sociale du peuple, par l’élimination de ses exploiteurs-dominateurs, tant étrangers qu’autochtones.

La même élite dirigeante vietnamienne sut concevoir et pratiquer une stratégie de guerre adéquate : à la puissance matérielle de l’armée coloniale, opposer la puissance intelligente du peuple. Dans ce but, il fut conscientisé et mobilisé de manière efficace, en transformant la faiblesse matérielle en force intellectuelle.

Durant la seconde guerre mondiale, le régime colonial français dominant le Vietnam fut affaibli par l’invasion impérialiste japonaise. Les patriotes vietnamiens utilisèrent la nouvelle situation historique pour parfaire leur stratégie libératrice. Les difficultés de l’armée fasciste japonaise et la disparition de l’armée coloniale française furent exploitées de manière efficace par l’organisation patriotique vietnamienne, incarnée par le Viêt Minh (Front pour l’indépendance du Vietnam).

Profitant de la déroute de l’armée fasciste japonaise, le Viêt Minh lança le 13 août l’insurrection dans le pays. C’est à lui que le 19 août, les troupes occupantes japonaises présentèrent leur reddition. La Révolution d’août 1945 constitua donc un événement historique fondamental.

Le 2 septembre 1945, dans la capitale Hanoï, sur la place symbolique Ba Dinh, le Président Hô Chi Minh déclara l’indépendance de la patrie : « Le Vietnam, affirma-t-il, a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, est devenu un pays libre et indépendant. Tout le peuple du Vietnam est décidé à mobiliser toutes ses forces spirituelles et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens pour garder son droit à la liberté et à l’indépendance. »

Cette victoire d’un peuple colonisé contre une armée dominant un empire, démontra qu’un peuple, colonisé durant un siècle, matériellement faible, a réussi, par la mobilisation de l’intelligence de son peuple, à se libérer d’une domination impérialiste, dotée d’une armée matériellement forte. Le sens humain de la liberté et de l’indépendance l’emporta sur la rapacité psycho-sociopathe qui n’a d’humain que le visage.

L’indépendance du Vietnam eut une influence considérable, stratégique sur les autres peuples colonisés de la planète. Notamment, le peuple algérien apprit la leçon. Elle produisit, en novembre 1954, le déclenchement de la guerre de libération nationale qui, sept années plus tard, aboutira à l’indépendance de l’Algérie. D’autres peuples colonisés parvinrent, d’une manière ou d’une autre, à conquérir leur indépendance nationale.

Le combat pour l’indépendance du Vietnam fut, également, au sein même des nations colonialistes-impérialistes, une source d’inspiration et de sensibilisation pour la partie de l’élite et du peuple de ces nations, qui avaient à cœur les principes de liberté, d’égalité et de solidarité, en particulier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Mais, pour le peuple vietnamien, la rapacité impérialiste se présenta de nouveau. La formation de la République Démocratique, dans le nord du Vietnam, permit, alors, de résister mieux encore au retour de l’armée coloniale française, puis, une fois celle-ci vaincue à Dien Bien Phu en 1954, à poursuivre la résistance contre l’armée impérialiste états-unienne. À son tour, elle fut vaincue en 1975. Dans les deux victoires, se distingua le principe de la guerre populaire prolongée, dont le stratège fut le général Võ Nguyên Giáp.

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(1) « La Fourmi et l’Éléphant » relate l’histoire du peuple vietnamien, depuis sa constitution jusqu’à 1971, année de représentation publique de la pièce théâtrale. Le texte est librement disponible in http://www.kadour-naimi.com/LA%20FOURMI%20ET%20L_ELEPHANT_ETRE_OU_NE_PAS_ETRE_Kadour%20NAIMI.pdf

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Algérie Patriotique ( 18 août 2020),

La Tribune Diplomatique Internationale (17 août 20)

Réseau International ( 18 août 2020)

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 16 Août 2020

L'auteur dirigeant une répétition de "Al hnana, ya ouled !" (La tendressse, les enfants !), 2012.

L'auteur dirigeant une répétition de "Al hnana, ya ouled !" (La tendressse, les enfants !), 2012.

Dernièrement, un journal national publia un article sur un actuel projet de réforme du théâtre en Algérie, en instituant une commission.

Depuis l’indépendance, on a créé des commissions pour réformer ce théâtre. On connaît les résultats. Les réunions eurent l’avantage de faire bénéficier les membres de compensation financière, autrement, si la participation était « bénévole », la personne recueillait un profit sous forme de contrats bien payés en présentant une pièce de théâtre ou/et en la réalisant. Quant au résultat de la « réforme », on change pour ne rien changer, perpétuant le système.

À ma connaissance, l’unique réelle réforme tentée pour la création d’un théâtre populaire fut la décentralisation prônée par Abderrahmane Kaki. Hélas ! La direction nationale s’y opposa. Quand cette décentralisation eut lieu, les carences du Théâtre National de la capitale se répétèrent généralement dans les théâtres régionaux.

Comment des personnes, intéressées d’abord par une « carrière », autrement dit un salaire, accompagné éventuellement d’un « prestige » médiatique, seraient-elles capables d’opérer une réforme qui rende la production théâtrale digne ? Et qu’est-ce que la dignité du théâtre sinon d’offrir un contenu présentant complémentairement l’utile, le bon et le beau, en intéressant le public le plus large ?

Pour sa part, l’auteur de la présente contribution a tenté de définir ce genre de théâtre en le pratiquant, dès 1968 en créant le « Théâtre de la Mer »1. De l’avis de critiques nationaux et étrangers, ce fut la première et la plus radicale expérience de théâtre authentiquement populaire en Algérie. Bien entendu, comme tout ce qui est authentiquement populaire en Algérie, cette expérience théâtrale fut, par la suite, occultée quand pas récupérée en la travestissant ou en se l’appropriant2.

Revenons au projet de réforme théâtrale actuelle. Qui trouve-t-on parmi les membres de la commission ?

Omar Fetmouche. Comme ex-directeur du Théâtre Régional de Béjaïa, il laissa, sauf erreur, un bilan financier déplorable, caractérisé par la gabegie. Comme commissaire du Festival International de Théâtre, il me proposa l’écriture et la réalisation d’une pièce théâtrale. J’ai mis la condition, formulée publiquement, d’une liberté totale tant éthique qu’esthétique. Elle fut acceptée. Mais, assistant à la répétition générale de « Al hnana, ya ouled ! » (La tendresse, les enfants !), le « commissaire » voulut interdire la représentation. Seule la menace de ma part d’une conférence de presse pour dénoncer la censure, le contraignit à accepter, mais il fit en sorte que la représentation se déroula dans les pires conditions. Ensuite, contrairement à la promesse, la pièce fut interdite de représentation dans des théâtres régionaux3. Ainsi l’argent public qui servit à la production de la pièce fut gaspillé.

Autre membre de la commission : Hmida Layachi. Quelle est donc sa compétence en matière théâtrale ? Ajoutons un aspect éthique. Dans une interview à un journal national, il m'accusa en 2013 d’être retourné en Algérie pour « faire de l'argent ». J'ai usé d'un droit de réponse. Il ne fut publié, contrairement à la déontologie journalistique, qu'une semaine plus tard, et non pas dans le journal papier, mais dans celui électronique. Ce personnage fut à la tête d’un journal et d’une télévision. Sait-on d’où est venu l’argent, et pour quel motif ces deux moyens fermèrent ?

En Algérie, il n’y aurait donc pas de personnalités plus indiquées pour examiner une réforme du théâtre algérien ?

Une troisième personne déclara participer à la commission de manière « bénévole ». Ne sait-on pas que ce « bénévolat » se traduit généralement par des contrats ailleurs que dans la commission ?

Écartons un malentendu. Ces considérations ne sont pas causées par une aigreur pour n’avoir pas été personnellement sollicité à participer à cette commission. Dans mon essai publié en 2017, je déclarai ne pas être un candidat parce que ma conception théâtrale a des exigences : des pièces dont le contenu stimule l’esprit critique en vue d’une société libre, égalitaire et solidaire ; une forme esthétique alimentée par la meilleure production internationale conciliée avec des formes algériennes populaires ; un lieu de représentation qui soit le lieu de travail, d’études, de vie ou de loisirs des spectateurs, et non pas attendre leur venue dans un édifice théâtral qui leur est étranger comme architecture4, des artistes de théâtre qui travaillent et ne se contentent pas d’un salaire fonctionnant comme achat de paix sociale5.

Dans l’essai, j’ajoutai :

« Que cesse donc la priorité accordée à l’allégeance idéologique, quelque soit sa nature ; elle ne produit que conformisme, c’est-à-dire platitude. La seule « allégeance » acceptable et souhaitable est celle d’améliorer la situation matérielle et intellectuelle du peuple.

Que cesse le flot d’argent ministériel, même si restreint par la situation économique, à des arrivistes sans scrupules, nommés à des postes de gestion du secteur théâtral, ou comme directeurs de théâtres régionaux. Leur présence ne donne pas une bonne image de ceux qui les ont nommés : elle porte à croire que ces derniers sont soit incompétents soit complices. »6

Pourtant, en Algérie, des personnes compétentes existent. Par exemple, les membres du jury de la 10ème édition du Festival du théâtre professionnel d'Alger de 2015 déclarent :

« Le jury recommande également la révision des mécanismes de production des différents théâtres et notamment l’élaboration d’une dynamique d’encadrement et de distribution des pièces produites. Il a, par ailleurs, insisté sur la sacralité de la liberté de création et de critique, sur l’urgence de développer une politique de formation efficiente, la création d’une revue mensuelle spécialisée dans le 4e art et dans la critique théâtrale, et enfin rapprocher les lieux d’hébergement et y organiser des activités parallèles au festival. »7

Une authentique réforme du théâtre doit contribuer à l’émancipation culturelle du peuple, et non bénéficier uniquement à des personnes sous forme de salaire et de privilèges, même si ces personnes ont l’imposture de se proclamer « progressistes », « démocrates », « pro-mouvement populaire ».

Ceci étant dit, il ne faut pas pointer du doigt uniquement les responsables étatiques. Les artistes ont également, et eux d’abord, la responsabilité de la situation du théâtre en Algérie. La prochaine contribution s’adressera à eux.

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1 Voir « Éthique et Esthétique au théâtre et alentours », Livre 1 : « En zone de tempêtes », point 6.2. « A propos de « pop » ; Livre 5 : « Bilan général et perspectives », partie Annexe 2. « Charte », Annexe 5 : « Naïmi Kaddour à la recherche d'un théâtre algérien, moderne et révolutionnaire », Annexe 7 : « Alter et auto­théâtre », Annexe 14 : « Nous essayons de promouvoir un théâtre dialectique ». Librement disponible in http://www.kadour-naimi.com/f-ecrits_theatre_ethique_esthetique.html

2 « Éthique... », Livre 2 : « De l’écriture de l’histoire ».

3 Détails in « Éthique... », Livre 4 : « Retour en zone de tempêtes ».

4 Voir « Éthique... », Livre 5, Annexe 28 « Au théâtre, les absents sont les artistes ! »

5 Voir « Éthique... », Livre 5, Annexe 29 : « Rêve théâtral ».

6 « Éthique... », Livre 5 / point 5.1. « Responsables de la gestion du secteur théâtral. »

7 « Éthique... », Livre 5, point « 2. Un jury libertaire, ça existe ! »

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Algérie Patriotique ( 15 août 2020),

La Tribune Diplomatique Internationale (15 août 20)

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Rédigé par Kadour Naimi

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Publié le 9 Août 2020

Explosion dans le port de Beyrouth, août 2020.

Explosion dans le port de Beyrouth, août 2020.

Les destructions d’infrastructures civiles et leur lot de massacres de population, dont le Liban vient d’être victime, reportent au passé, susceptible d’éclairer le présent, au-delà de la propagande.

 

Hiroshima et Nagasaki.

Le hasard fait coïncider la publication de cette contribution au mois pendant lequel deux bombes atomiques furent, pour la première fois dans l’histoire humaine, lancées par l’armée états-unienne non pas sur des objectifs militaires, mais sur la population civile à Hiroshima et Nagasaki. Prétexte invoqué : éviter des millions de morts en cas de continuation de la guerre classique. Les documents dévoilent la vérité : l’extermination de la population civile des deux villes servait d’avertissement à l’Union soviétique, qui disposait d’une armée impressionnante, pour lui dire qui tenait le bâton de gendarme hégémonique sur la planète.

 

Irak.

En 2003, durant l’agression de l’armée états-unienne contre l’Irak, appelée joliment, pour ainsi dire, « Operation Iraqi Freedom », je fus l’un des millions de personnes totalement effarées : « Comment de telles incroyables destructions sont commises, pas seulement contre des militaires et leurs infrastructures, mais tout autant sinon plus contre la population et les infrastructures civiles ? »

N’étant pas victime des « explications » d’experts de journaux et de plateaux de télévision, contrôlés par des propriétaires privés et/ou étatiques, j’ai cherché, y consacrant le temps et l’effort nécessaires. Jusqu’à arriver à la source. Voici ce que j’ai lu puis publié1.

 

« Shock and Awe » (Choque et terrorise)

Disponible sur le site de l' « US Department of Defence's Command and control Resarch Program », on lit dans le document intitulé « Shock et Awe : Achieving Rapid Dominance » (Choque et terrorise : réaliser une rapide domination ) :

« Les valeurs fondamentales et la vie sont les objectifs principaux, et le but est, en attaquant et en endommageant peu, de convaincre la majorité que la résistance est inutile. La société tout autant que les militaires sont les objectifs2. »

« Choquer et terroriser sont des actions qui suscitent un sens de peur, de danger et de destruction qu'une grande partie des secteurs/éléments spécifiques de la société e de leur leadership menacé n'est pas en mesure de comprendre. La nature, par exemple, quand elle se manifeste par des événements extraordinaires comme la tornade, les ouragans, les tremblements de terre, les inondations, les incendies incontrôlées, les famines et les maladies peut générer choc et terreur. Un exemple de suprême application militaire du concept « Choque et terrorise » est le lancement des deux bombes atomiques en territoire japonais durant la seconde guerre mondiale3. »

On lit encore dans le document :

« Le choix des objectifs pourrait inclure des moyens de communication et de transport, des industries alimentaires, de fourniture hydrique et autres éléments infra-structurels. (...) également pour provoquer rapidement un niveau de choc national semblable à l'effet du lancement des bombes nucléaires de Hiroshima et Nagasaki sur les Japonais.

Le second exemple est « Hiroshima et Nagasaki » signalé auparavant.

L'intention ici est d'imposer un régime de Choque et Terrorise instantané, des niveaux de destruction de masse quasi incompréhensibles, visant à influencer la société dans sa majorité, aussi bien les dirigeants que le public, plutôt que d'attaquer directement des objectifs militaires ou stratégiques, même avec relativement peu comme nombre ou systèmes. L'usage de cette possibilité contre la société et ses valeurs, appelé « counter-value » dans le jargon de la dissuasion nucléaire, consiste en attaques destructives massives contre la volonté publique de l'adversaire à résister et, idéalement, rendrait incapable cette volonté, immédiatement et rapidement, en peu d'heures ou de jours4. »

« Cependant, il est de vitale importance de donner l'impression que n'existent pas de paradis sûrs et que chaque objectif peut être attaqué à tout moment, impunément et avec force5. »

« Le juste équilibre entre choc et terreur doit donner la perception et pré-annoncer une défaite certaine, en menaçant et en faisant craindre que l'action puisse suspendre le fonctionnement de toute ou d'une partie de la société ou annuler sa capacité de combattre par effet d'une destruction physique totale6. »

Si, malgré la lecture de ces extraits, on continue à rester effaré par le nombre des victimes civiles, la réponse est également donnée : « Nous ne faisons pas le compte des corps [des morts] »7. Le général états-unien parlait évidemment non pas des corps des morts miliaires U.S., mais des militaires et de la population civile agressés. De fait, dans toutes les agressions perpétrées par l’armée états-unienne, on ignore le nombre de morts dans le camp adverse. Seul compte le nombre de morts dans le camp états-unien, car la leçon vietnamienne a enseigné : si le nombre de morts parmi les « cow-boys » de l’armée impérialiste dépasse un certain chiffre, les « braves » et « patriotes » citoyens des États-Unis se mobiliseraient pour mettre fin à la mort de leurs « enfants », « maris », « épouses », et « parents ».

Ceci étant dit, la stratégie militaire états-unienne a sa méthode de propagande : les destructions infligées au peuple irakien avaient pour but sa « freedom » (liberté). Évidemment. Tout comme, concernant le port de Beyrouth8, les dirigeants d’Israël manifestent soudain et pour la première fois leur « solidarité » avec le Liban9.

Durant l’agression de l’armée états-unienne contre le Vietnam, on lisait : « La solution au Vietnam, c'est plus de bombes, plus d'obus, plus de napalm, jusqu'à ce que l'autre craque et abandonne10. » « On va les bombarder jusqu'à ce qu'ils retournent à l'âge de pierre11. » De fait, l’aviation états-unienne a déversé sur le Vietnam plus de bombes que toutes celles lancées durant la seconde guerre mondiale. Encore aujourd’hui, l’agent orange continue ses criminels méfaits dans la population vietnamienne.

 

« Mauvais élèves »

Alors, totalement puissants et omnipotents, les impérialistes, même en commettant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, tels que définis dans les textes internationaux officiels ?… Réponse de l’auteur de la stratégie qui a vaincu militairement l’armée colonialiste française, puis celle impérialiste états-unienne :

« J'ai apprécié le fait qu'ils ont des systèmes d'armes sophistiquées mais je dois dire que ce fut le peuple qui a fait la différence, non les armes12. »

Et encore :

« Demande : Qu'y avait-il de nouveau dans l'idée de « guerre du peuple » ?

Giap : C'était une guerre pour le peuple par le peuple. POUR le peuple, parce que les objectifs de la guerre sont les objectifs du peuple – objectifs comme l'indépendance, un pays unifié, et le bonheur de son peuple... Et DU peuple - qui signifie les personnes ordinaires - non seulement l'armée, mais tout le peuple.

Nous savons que c'est le facteur humain, et non les ressources matérielles, qui décide de l'aboutissement de la guerre. Voilà pourquoi notre guerre du peuple, guidé par Ho Chi Minh, a été à une aussi grande échelle. Elle a engagé la population entière13. »

Se pose, alors, la question : quels motifs psychologiques ont empêché les dirigeants U.S. de tenir compte de la leçon de Corée et surtout de celle du Vietnam ?

Réponse :

« Au cours de la Seconde Guerre mondiale, nos chefs étaient en symbiose avec la réalité. Mais, ensuite, nous sommes devenus si riches et si puissants que notre commandement a perdu sa faculté de penser d'une façon créatrice. L'arrogance a remplacé le réalisme. Au Vietnam, nos chefs militaires et civils ne pouvaient tout simplement pas admettre que nous puissions perdre. Les administrations successives s'illusionnaient et se complaisaient dans le phantasme que nous pourrions maintenir éternellement une présence des États-Unis dans ce pays. Le soldat américain devint ainsi la victime de son propre commandement, plus que de l'ennemi. Quelle amère leçon, difficile à admettre.

Si nous étions restés au Vietnam nous n'aurions pu le faire qu'au prix d'une ponction lourde et permanente sur notre économie. Mais, surtout, nous aurions souffert d'une plaie morale persistante en essayant de dominer un peuple qui ne nous aurait à aucun moment acceptés14. »

L’erreur se répète. Les peuples afghan et irakien résistent encore à l’occupation impérialiste états-unienne. Et les peuples du Moyen-Orient, en premier lieu en Palestine, résistent à l’occupation colonialiste et aux agressions de l’armée israélienne.

 

L’humain supérieur au matériel.

Comment interpréter les diverses agressions impérialistes états-uniennes et autres, ainsi que le colonialisme israélien en Palestine et ses agressions contre les pays de la résistance au Moyen-Orient ?

Réponse du général Vo Nguyên Giap : « le colonialisme américain est un mauvais élève. Il n’apprend pas les mauvaises leçons de l’histoire ». Il en est de même de tous les impérialismes parce qu’ils sont par caractère psycho-sociopathes, autrement oseraient-ils massacrer des populations civiles ?

Concernant le colonialisme israélien, le général Moshe Ayalon déclara : « On doit faire comprendre aux Palestiniens, au plus profond de leur conscience, qu'ils sont un peuple vaincu15. » Encore un « mauvais élève ».

Aujourd’hui, au Liban, en Palestine et ailleurs, des résistances appliquent, chacune à sa manière, la guerre populaire prolongée, pratiquée par le peuple vietnamien. En particulier, depuis la victoire militaire de 2006 du Hezbollah contre l’armée coloniale israélienne, l’agression actuelle contre le port de Beyrouth laisse croire au recours impérialiste au « bâton »-bombe16 pour neutraliser le redouté Hezbollah en particulier, la résistance du peuple libanais en général et, au-delà, terroriser les peuples de la région pour les dominer.

À moins d’exterminer physiquement les peuples, ils continueront à résister aux agressions, montrant sur la longue durée la supériorité du facteur humain sur celui militaire. Aux psycho-sociopathes qui disposent d’une puissance matérielle considérable, il restera le recours à une guerre nucléaire, mais elle porterait certainement à l’extinction de l’espèce humaine toute entière. Les psycho-sociopathes tiennent à leur vie, mais attention aux « docteur Folamour » ! Ils ne peuvent être neutralisés que par la mobilisation citoyenne solidaire de leur nation et des nations agressées.

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1Livre gratuitement disponible in http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_guerre_paix.html

2« Chapter 2 : Shock and Awe » (Chapitre 2 : Choque et terrorise), Harlan K. Ullman et James P. Wade in « Shock and Awe : Achieving Rapid Dominance », Washington D.C., National Defense University Press, décembre 1996. Toutes les citations de l’anglais sont une traduction personnelle.

3Amiral Bud Edney, « Annexe A, Thoughts on Rapid Dominance » (Pensées sur la domination rapide). Cette seconde partie de la citation se trouve également chez William Blum in « Il libro nero degli Stati­Uniti » (Le livre noir des États­Unis, titre original : « Killing Hope. U.S. Military and CIA Interventions Since World War II »), Fazi Editore, 2003, p. 692. La source originale du document est indiquée dans sa note 88 p. 884.

4 « Chapter 2 : Shock and Awe » (Chapitre 2 : Choque et terrorise) in Harlan K. Ullman and..., o. c.

5 Idem, Chapter 4.

6 Idem, « Chapter 5 : Future directions ».

7 Général Tommy Franks, citation sur le site www.iraqbodycount.org, visité le 15 avril 2008.

10 Général U.S. DePuy, cité in « A Bright Shining Lie » (Un lumineux étincelant mensonge) de Neil Sheehan, ex-journaliste U.S. durant la guerre du Vietnam, Édition Random House Inc., New York, 1988, p. 732. Le livre fut récompensé par le National Book Award en 1988 et du Prix Pulitzer en 1989.

11 Curtis Le May, chef de l'aviation US durant la guerre contre le Vietnam, idem, p. 453.

12Général Vo Nguyen Giap, dans le site CNN, visité le 16 avril 2008.

13 Interview avec Vo Nguyen Giap, du site People Century, visité le 16 avril 2008. Les majuscules sont dans le texte de l'interview. Traduction personnelle de l’anglais.

14 In « A Bright Shining Lie », o. c., p. 7, p. 381 de l'édition française.

15 Cité par Alain Gresh dans le mensuel « Le Monde diplomatique », février 2009, p. 10

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Publié le 3 Août 2020

Travailleurs de Numilog, filiale Cevital en grève.

Travailleurs de Numilog, filiale Cevital en grève.

Durant les débats sur le système social algérien le plus convenable, certains préfèrent un système capitaliste, à l’exemple des nations où il domine. L’argument avancé est : ainsi, l’Algérie parviendrait à un niveau de développement économique et de démocratie politique qui garantirait un progrès général. Qu’en est-il en fait ?

Voici un événement qui annonce la caractéristique de ce capitalisme en Algérie.

« Le 30 juin 2020, l’entreprise privée NUMILOG de Bejaia, filiale de CEVITAL, a licencié abusivement trois syndicalistes et sanctionné plusieurs travailleurs pour avoir participé à la création régulière d’une section syndicale. Plus grave, depuis le 9 juillet l’employeur ferme carrément l’entreprise, suspend la totalité des travailleurs en grève et entreprend de les remplacer, ce qui est interdit par loi. Alors que le peuple algérien se mobilise depuis 17 mois pour faire tomber un régime despotique et faire triompher la justice sociale et la démocratie, Numilog/Cevital fait régner l’esclavage et la terreur à l’intérieur de l’entreprise et viole le droit le plus élémentaire accordé aux travailleurs par la constitution et le code du travail. Dénier aux travailleurs le droit syndical c’est agir contre la volonté du Hirak d’instaurer une véritable démocratie. Dans ce combat inégal, les travailleurs de Numilog qui ont levé l’étendard de la lutte ne peuvent compter que sur la solidarité agissante des travailleurs des autres secteurs et de tous ceux qui militent pour la démocratie. Nous syndicalistes, travailleurs, retraités et citoyens, qui militons pour la démocratie et la justice sociale, signataires ci-dessous, exigeons la réintégration des travailleurs licenciés et la reconnaissance de leur organisation syndicale. » (1)

Est-ce donc ce modèle capitaliste qui assurerait un développement harmonieux de l’Algérie ?… Certains oseraient répondre oui, avec l’ « argument » suivant : « Les travailleurs n’ont qu’à accepter les plans de production du patron, sinon qu’ils créent leur propre usine ! », laissant sous-entendre qu’ils en sont incapables, et qu’ils devraient donc remercier « celui qui leur accorde de quoi vivre ».

Cependant, interdire la création d’un syndicat libre et autonome des travailleurs dans une unité de production, est-ce un signe de démocratie ou, au contraire, de totalitarisme ?… Ceux qui reprochent à l’État actuel de créer des difficultés à la création de syndicats autonomes, qu’attendent-ils pour faire le même reproche à un capitaliste algérien qui agit comme la pétition le décrit ? Et ne faut-il pas débattre de manière honnête, objective et rationnelle de ce capitalisme ? Les travailleurs y sont considérés non pas comme êtres humains et citoyens, mais uniquement comme marchandise, à utiliser ou jeter en fonction d’un seul critère : le profit financier d’un propriétaire d’un moyen de production, encore faut-il savoir comment il est parvenu à ce statut.

Remercions le patron de Numilog pour la très précieuse leçon pratique qu’il donne au peuple algérien. Pour ce patron, en ce qui concerne son action telle que décrite dans le document évoqué, le plus important n’est pas l’ « ethnie » (la solidarité entre Kabyles), ni la religion (la solidarité entre musulmans), ni le patriotisme (la solidarité entre Algériens), ni l’espèce humaine (la solidarité entre êtres humains), mais d’abord le profit financier personnel, par l’exploitation de la force physique de travailleurs. Ce qui démontre ceci : éliminez le profit financier (2), autrement dit la base du système capitaliste, par nature égoïste et rapace, et vous n’aurez plus de problème religieux ni « ethnique », parce que, alors, le système social aurait comme base le triptyque social : liberté, égalité, solidarité. « Utopie ! » s’exclameraient certains. Se libérer de l’esclavage puis du féodalisme furent des utopies qui se réalisèrent. Pourquoi en serait-il autrement pour l’esclavage moderne qu’est le capitalisme, et d’abord de ce capitalisme qui interdit le droit, reconnu par la Charte des Nations Unies, dont l’Algérie est signataire, de créer un syndicat pour défendre l’intérêt légitime des travailleurs ?... Encore un aspect à débattre pour édifier une Algérie telle que la souhaitaient celles et ceux qui ont lutté pour son indépendance nationale, et telle que la voudrait quiconque tient à cœur l’édification d’une nation aux valeurs harmonieuses.

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(1) Document du Comite de solidarité avec les travailleurs de Numilog. La pétition peut être signée en envoyant un mail à : numilogsolidarite@gmail.com

(2) Ceux qui prétendent que le profit financier est dans la « nature » humaine, sont soit des idéologues manipulateurs, soit ne connaissent pas convenablement l’histoire réelle de l’espèce humaine.

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Publié sur

Algérie Patriotique (2 août 2020),

https://tribune-diplomatique-internationale.com/filiale_numilogrebrabcapitalisme_algerien/ (2 août 2020).

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

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