Publié le 29 Juillet 2023

Pour un 1er Novembre linguistique  en Algérie

L’article de Khider Mesloub1 permet une réflexion sur la solution possible au problème linguistique en Algérie. Après une longue réflexion, une récolte d’informations et des séjours prolongés à l’étranger, j’ai examiné les principales réalisations en matière linguistique dans le monde ; le résultat est un essai avec des propositions pour l’Algérie2. En voici un bref compte-rendu.

Les nations, soumises à une domination linguistique étrangère se sont libérées de diverses manières.

1) Les intellectuels les plus importants d’un pays renoncèrent à la langue dominatrice et transformèrent leur dialecte populaire en langue à part entière sur tous les plans : littéraire, artistique, philosophique et scientifique. L’abandon du latin, langue dominante, a permis l’émergence de toutes les langues européennes sans exception, notamment français et anglais qui concernent l’Algérie.

C’est par la constitution des langues vernaculaires en langues à part entière que les Européens ont réalisé leurs diverses Renaissances dans tous les domaines sociaux. Ce qui manquait dans leurs langues vernaculaires fut pris du grec, du latin et même de l’arabe qui était, à l’époque, une langue scientifique et philosophique, outre que littéraire.

2) En Ouzbékistan, la langue dominante persane fut remplacée par la langue ouzbèke par Alisher Navoiy, connu également sous le nom de Nizâm-al-DDîn 'Ali-Shîr. Il fut le créateur de la littérature ouzbèke. Dans ce cas, dans la même personne s’incarnèrent l’écrivain et le politicien.

3) En d’autres nations, les intellectuels, cette fois-ci avec les dirigeants politiques du pays, ont abandonné la langue de l’ex-dominateur de leur nation et transformé leur dialecte national en langue à part entière. C’est le cas, en particulier, du Vietnam. À la libération du pays du colonialisme français, le chinois fut abandonné comme langue dominante au bénéfice de la langue nationale, et, davantage encore, sa transcription en caractères latins, pour en faciliter l’usage.

Déjà en 1971, je signalais dans La Fourmi et l’Éléphant, pièce théâtrale écrite de manière collective sous ma direction :

« COMBATTANT VIET MINH 2 (sortant un journal et y lisant)

« Le président du gouvernement provisoire (…) sur proposition du ministre de l’éducation nationale, décrète :

1. En attendant que soit créé un enseignement primaire obligatoire, l’enseignement de (la langue) quoc-ngu dorénavant sera obligatoire et gratuit pour tout le monde.

2. Dans un an, tous les Vietnamiens au-dessus de huit ans doivent savoir lire et écrire le quoc-ngu (…)

MILITANT.-

Ainsi la langue nationale va progresser ! »

4) Les intellectuels les plus importants et leurs dirigeants politiques ont amélioré leur langue plurimillénaire, et l’ont rendue plus accessible à leur peuple. Le chinois traditionnel (繁體, fántǐ) est devenu un chinois simplifié (简体, Jiǎntǐ). En outre, l’apprentissage de ce dernier idiome fut encore plus simplifié par la transcription des mots chinois en caractères latins en inventant le système pinyin. Ajoutons ce génie de la langue chinoise et sa supériorité sur toutes les autres langues3 : au lieu de s’inspirer d’idiomes comme le grec et le latin dans la formation des langues nationales européennes, la langue chinoise s’est constituée en inventant ses propres termes, y compris techniques. Exemples : train se dit 火车 (huǒchē, feu chariot, équivalent à chariot de feu), téléphone 电话 (diànhuà, électricité voix, équivalent à voix électrique), 电视 (diànshì, électricité vision, équivalent à vision électrique), internet 网络 (Wǎngluò, filet autour), etc.

Dans tous les cas mentionnés, soit un groupe d’intellectuels éminents, soit ces derniers en accord avec les dirigeants politiques de la nation, soit un lettré en même temps politicien se sont libérés d’une langue dominante pour transformer le dialecte de leur pays en langue à part entière, avec tout le succès désiré. Afin d’y réussir, il a fallu déposséder les castes élitistes de leurs privilèges, car c’est, avant tout, pour les maintenir que ces castes défendaient les langues dominantes : latin en Europe, persan en Ouzbékistan, chinois au Vietnam, chinois traditionnel en Chine. L’instrument linguistique est d’abord un problème de privilèges de caste : pour maintenir sa position dominatrice-exploiteuse, elle interdit l’instruction du peuple dans sa propre langue, plus aisée pour acquérir les connaissances favorables à l’émancipation sociale.

En Algérie, l’indépendance politique a vu tant les intellectuels que les dirigeants politiques opter pour deux choix opposés. Avant de les citer, écartons deux possibles malentendus. 1) L’auteur de ce texte a une double formation linguistique de base : arabe classique et française (y compris latine), acquise avant et juste après l’indépendance algérienne. 2) Toutes les langues et dialectes humains sont respectables, si elles servent leur peuple et constituent un instrument de communication solidaire entre les divers peuples, et non une arme impérialiste ou néo-coloniale pour asservir culturellement des nations.

Venons aux choix opposés en Algérie.

1) Les partisans du « trésor de guerre », autrement dit le maintien du français comme langue dominante de communication. Au vu des réussites des pays mentionnés plus haut, cette option algérienne, qu’est-elle, derrière un langage « révolutionnaire » et « patriotique », sinon une fanfaronnade d’impuissant intellectuel en ce qui concerne la langue maternelle, et une aliénation néo-colonisée révélant un mépris pour cette même langue maternelle ? Pourtant, le français s’affaiblit, dominé par la langue anglaise : le langage parlé devient un charabia où pullulent de plus en plus des termes anglais, et les revues scientifiques sont publiées de plus en plus en anglais.

2) Les partisans du « retour aux sources », autrement dit l’adoption de l’arabe classique, en présentant deux arguments : il est la langue des ancêtres arabes et du livre sacré coranique.

Or, beaucoup de nations musulmanes manifestent une excellente foi islamique en conservant leur langue nationale. Le plus grand de ces pays est l’Indonésie. Donc, la justification religieuse pour l’adoption de l’arabe classique en Algérie n’est pas pertinente. Quant à déclarer l’arabe classique comme langue des « ancêtres » ou des « sources », en Algérie la composante amazighe du peuple se reconnaît en ancêtres et en sources qui précèdent l’arrivée des Arabes. Il faut donc trouver la solution pour l’indispensable unité consensuelle du peuple algérien, d’autant plus que cette unité est de plus en plus menacée par divers agents locaux en relation étroite avec des agences impérialistes ou néo-coloniales.

Comme pour le français, la langue arabe classique est de plus en plus envahie par des termes anglo-saxons. Plus grave que le cas du français, l’arabe classique a régressé par rapport à l’époque où il constituait une langue de référence, régression telle que l’arabe classique est aujourd’hui momifié en formules conventionnelles et truffé de termes anglo-saxons jusqu’au ridicule du ridicule, par exemple, « professour » alors qu’existe أستاذ (oustâd), « tilifoune » alors qu’existe هاتف (hatif), « doctour » alors qu’existe طبيب (tabîb), etc.

3) Les thuriféraires de l’anglais. Avec eux, l’Algérie tombe de la poêle néo-coloniale française dans la marmite impérialiste états-unienne.

Dans ces trois cas, langue française, arabe classique et anglaise, les intellectuels et les dirigeants politiques algériens, bien que patriotes authentiques, le sont-ils dans le domaine linguistique, avec la définition nationale « démocratique et populaire » ?

En effet, quelles sont les langues du peuple algérien ?

1) L’arabe algérien. Le nommer « darijà » serait avaliser son usage péjoratif, voulu par les élitistes de la langue arabe classique. J’ai proposé « djazayria arabiya » (algérienne arabe) et « djazayria tamazighia » (algérienne tamazight). On peut gloser sur ces termes ; l’important est d’en débattre sereinement pour trouver les définitions adéquates et consensuelles.

2) Le tamazight, langue de la composante amazighe du peuple algérien. Ne le pratiquant pas cet idiome, je l’examine ici uniquement dans la problématique linguistique générale.

Quelle solution en Algérie ?… N’est-elle pas celle pratiquée par les intellectuels ou/et les politiciens des nations européennes, ouzbèke, vietnamienne et chinoise ? Autrement dit, se débarrasser de la fainéantise ou incapacité intellectuelle et de la mentalité néo-coloniale, et, pour y réussir, reprendre l’esprit indépendantiste du 1er Novembre 1954 en l’appliquant dans le domaine linguistique. Rappelons la déclaration du frère Larbi Ben Mhidi : La révolution pour la libération nationale est difficile, mais ce qui restera à faire après est bien plus difficile4.

Dès lors, pour que les intellectuels et dirigeants politiques algériens d’après l’indépendance nationale soient à la hauteur des prédécesseurs, ne faut-il pas que les premiers œuvrent pour obtenir l’indépendance également linguistique ? Cette exigence implique d’accorder la priorité aux deux langues du pays, la « djazayria arabya » et la « djazayria tamazight », et non pas recourir aux rapiéçages faciles mais destructeurs de la personnalité algérienne.

On connaît l’objection : les dialectes algériens ne sont là que charabia et insuffisance qui rendent ces dialectes incapables de transformation en langues à part entière. Eh bien, c’est exactement ce qu’affirmaient les « élites » partisanes du latin en Europe, pour condamner leurs langues vernaculaires. On constate les mêmes « arguments » : le latin est une langue à part entière et celle des textes sacrés évangéliques, tandis que les langues vernaculaires n’ont pas et ne peuvent pas disposer des termes adéquats pour constituer des langues à part entière. C’est ce « ne peuvent pas » qui est contestable : les réussites examinées plus haut le prouvent. La réaction des intellectuels et politiciens patriotes européens, ouzbèke et vietnamiens fut simple, claire et résolue : se mettre au travail pour améliorer leurs langues vernaculaires en langues à part entière. Ainsi, sont nées, comme déjà mentionné, les langues nationales de ces pays ; et les Chinois ont inventé in extenso les termes nouveaux nécessaires.

En passant, une observation. L’auteur de ces lignes a séjourné pendant une cinquantaine d’années dans d’autres pays que celui où il vit le jour, l’Algérie. Les autres nations connues sont très différentes : France, Belgique (langues francophone et néerlandophone), Italie (langue majoritaire et langues minoritaires) et Chine (langue majoritaire et langues minoritaires). En retournant en Algérie, j’ai ressenti avec un émouvant plaisir des enfants parler entre eux : leur arabe dialectal est pur, très agréable à entendre, sans quasi aucun terme étranger. Il en est de même de l’arabe dialectal constaté parmi les travailleurs manuels. Enfants et travailleurs manuels sont mes professeurs dans l’écriture de dialogues de théâtre ou de film. Ce n’est donc pas un hasard si le poète français Ronsard conseillait, pour transformer le patois en langue, de recueillir toutes les expressions techniques de travailleurs comme les forgerons, artisans, tisserands, ainsi que de vendeurs au marché de fruits, légumes et viandes.

Faut-il, - c’est mon cas - , avoir vécu très longtemps au sein d’autres peuples, qui ont réussi à transformer leur langue vernaculaire en langue à part entière, faut-il cette condition pour apprécier l’idiome vernaculaire de mon pays natif à sa juste valeur, au point de considérer vital, libérateur et possible sa promotion en langue à part entière ? Quel bonheur voir des Chinois parler le chinois, des Vietnamiens le vietnamien, des Italiens l’italien, des Belges francophones leur français et des Belges néerlandophones leur flamand, etc. N’est-il pas douloureux, de retour au pays, entendre les adultes de la partie arabophone employer un langage schizophrénique, mélange indigeste entre arabe, français, espagnol, anglais, jusqu’à l’expression « One, two, three, viva l’Algérie ! ». Dans ces mots, où est la langue algérienne ? Existe-t-il un autre pays au monde où les citoyens profèrent ce genre de galimatias néo-colonisé en guise de proclamation de fierté patriotique ?

Dans l’Algérie d’aujourd’hui, est-il logique de déclarer une légitime fierté patriotique dans le domaine politique, mais, en linguistique, ne pas œuvrer pour transformer les langues vernaculaires en langues à part entière ?… Il suffit d’imiter les réussites historiques auparavant signalées. Elles prouvent avec éclat la solution. Elle se réalisa presque en une seule génération.

C’est par la transformation de leur langue vernaculaire en langue à part entière que les nations ont construit leur développement dans tous les autres domaines. En Algérie, n’est-il pas temps, soixante années après l’indépendance, d’ouvrir finalement un débat serein, objectif et constructif entre intellectuels et dirigeants politiques pour donner sa pleine signification au projet d’Algérie nouvelle ? Ceux qui objecteraient que le moment n’est pas opportun, à cause de problèmes plus urgents, demandons : alors, pourquoi proposer l’introduction de l’anglais dans l’enseignement ? Les résultats négatifs des tentatives linguistiques précédentes ne suffisent-elles pas à ne pas persister dans l’erreur ? Quel débat scientifique parmi les experts linguistiques algériens a fourni les arguments convenables à l’introduction de l’anglais ? Est-on certain de ne pas être dans le cas « kaouyàr wa’tî la’ouàr » : roule (sous-entendu la semoule) et donne au borgne ?

2Librement disponible ici: https://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_langues_populaires.html

3 Je ne me prononce pas sur le sanskrit que j’ignore.

4Citation de mémoire.

Publié in

https://tribune-diplomatique-internationale.com/1er_novembre_linguistiquealgerie/

12 juillet 2023

https://www.algeriepatriotique.com/2023/07/13/contribution-de-kaddour-naimi-pour-un-1er-novembre-linguistique-en-algerie/#comments

13 juillet 2023

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Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #EDUCATION-CULTURE, #PEUPLE-DEMOCRATIE

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Publié le 15 Juillet 2023

De la violence sociale en régime oligarchique : cas de la France actuelle

Les actuelles manifestations de violence, d’abord l’assassinat prémédité d’un adolescent par un policier, ensuite les réactions populaires à ce meurtre, ces manifestations appellent certaines observations qui, à ma connaissance, n’ont pas été évoquées. Au-delà de la France, elles concernent d’autres nations du « monde libre » des « règles ».

La « tête » du corps social

Le poisson pourrit en commençant par la tête (sagesse populaire).

Un membre d’une police, normalement chargée du respect de la vie humaine, est fortement présumé d’avoir tué de sang-froid pour un délit mineur (vrai ou supposé). Cas isolé d’ordinaire « bavure policière » ? Et pourquoi pas manifestation de la bave d’un service étatique gangrené ? S’il l’est, qui en est responsable sinon la « tête » qui l’a conçu et le gère : l’État. Qui décide le choix des agents qui le gère ?… En régime oligarchique, la caste la plus puissante : les gangsters de la finance, par des élections où la démocratie est manipulée, de l’aveu même des banquiers1. En France, cette oligarchie a produit Pompidou et Macron, ex-employés de la banque Rothschild, devenus Présidents de la République.

Par conséquent, les violences sociales éclatées en France sont directement et en premier lieu causées par la forme de gestion sociale oligarchique des agents étatiques. Certains fournissent d’autres causes, en bonne foi naïve, ou, comme manipulateurs, pour focaliser des conséquences en guise de causes. On présente des carences particulières :

1) police de proximité absente dans les banlieues : le problème serait donc simplement de faire peur aux banlieusards ?2

2) école qui n’enseigne pas correctement : doit-elle endoctriner les élèves pour obéir aux actes de l’oligarchie ? Si l’école éduque et informe correctement, que produirait-elle sinon des citoyens conscients, donc critiques ? Ne serait-ce pas le suicide de l’oligarchie ?

3) parents qui n’éduquent pas correctement leurs enfants : des parents, eux-mêmes empêtrés dans une survie matérielle et psychique angoissante, peuvent-ils « éduquer » leurs enfants à « respecter les lois de la République », c’est-à-dire accepter leur situation de survie matérielle et psychique angoissante ?

4) immigration incontrôlée : n’est-elle pas gérée par les réseaux connus, surveillés ou manipulés par les organismes de surveillance des oligarchies ? Et les propriétaires d’entreprises comme les services publics n’ont-ils pas besoin de cette main-d’œuvre immigrée clandestine, totalement corvéable et sans droits ?

5) islam radical : n’est-il pas provoqué et manipulé par les « services » oligarchiques néo-coloniaux3 ?

6) banlieues abandonnées : ne le sont-elles pas par les agents étatiques, au même titre que les services de santé publique ?

7) Francis Lalanne est allé jusqu’à pointer comme agent des violences sociales en France les... « services de renseignements algériens », sans fournir de preuves ni même d’hypothèses4 ; n’aurait-il pas dû examiner cette hypothèse : si l’État français avait fourni les conditions de vie digne à tous ses citoyens, ces derniers pourraient-ils se laisser manipuler par des « services » étrangers ?

La « carence » qui, généralement, n’est jamais évoquée est celle-ci : la corrélation entre inégalité sociale et désordre social. Pourtant, un enfant à peine doté de discernement comprend aisément que l’injustice provoque la révolte, tandis que les « experts » rémunérés par l’oligarchie, eux, ne voient pas cette évidente, simple et logique corrélation. Pour eux, c’est une vulgaire assertion de « gauchiste ».

Pourtant, les banquiers états-uniens affirment au sujet des citoyens : « nous les manipulons pour qu'ils dépensent toute leur énergie sur des questions sans importance. » Ajoutons, aussi, sur des questions secondaires, conséquentes aux décisions prises par ces banquiers.

Une question se pose, alors. Certains l’accuseront de complotisme, cependant elle mérite d’être formulée comme hypothèse légitime : les gérants même du régime oligarchique en France n’ont-ils pas intérêt à provoquer ces violences sociales populaires, par l’intermédiaire de membres de leur police, afin de dévier l’attention des citoyens français en ce qui concerne les difficultés financières que subit l’État français : dette publique, fourniture de matériel militaire au régime ukrainien dans la guerre en Ukraine pour détruire la Russie, conformément au programme clairement exprimé5 ?

Les « bras » de la « tête » du corps social

Comment interpréter la cagnotte qui a récolté en cinq jours plus d’un million d'euros, en faveur non pas de la famille du jeune tué, mais du... policier présumé assassin ?… Simple solidarité citoyenne pour soutenir sa famille ? Et simple hasard que l’initiateur de cette opération soit un représentant d’extrême-droite, ancien porte-parole de campagne du natif « pied-noir » d’Algérie, Éric Zemmour, et, cerise sur le gâteau, - ô ironie ! ou farce ! - né Hossam Botros Messiha au Caire, et renommé Jean Messiha ?… Quelle intégration réussie d’un immigré !… Faut-il, alors, s’étonner de lire ceci : « si l’on en croit de nombreux médias, des groupes néonazis sont directement impliqués dans les troubles en France. Quelqu’un a-t-il réfléchi à cette question à l’Élysée ? Si ce n’est pas le cas, il est temps» ?6

Pourquoi ne pas interpréter cette cagnotte au policier comme un encouragement à la police, revendiqué par la partie fasciste, souterraine de l’oligarchie (les libéraux doivent maintenir un comportement respectable devant l’opinion publique), pour assassiner des jeunes français qui ont le tort d’être d’origine immigrée, notamment nord-africaine et musulmane, en garantissant au policier criminel une somme d’argent pour assurer à sa famille une confortable vie ?… « Tue du bougnoul ! Nous nous occuperons du reste. » Parler de cette cagnotte s’impose encore plus, quand on la rapproche d’une autre cagnotte, en faveur de Christophe Dettinger, gilet jaune qui se défendit par des coups de poing contre des policiers. Cette cagnotte-là fut... annulée par un tribunal. Eh, oui !… Comme quoi, « la justice est égale pour tous » au pays des « Droits de l’Homme »… oligarchique.

Revenons aux révoltes. Que voit-on ?… un déchaînement de violence, qui semble « spontané » de la part de « jeunes de banlieue », notamment d’origine arabo-musulmane, selon les vidéos qui montrent des jeunes commettre des actes de pillage en criant « Allah Akbar ! ». Ces images trop évidentes ne cachent-elles pas une réalité autre ?7 Ne sommes-nous pas dans la conventionnelle application de la règle « « diviser pour régner », avec production du « bouc émissaire » adéquat ?

Autre considération. Considérer la situation des banlieues comme simple mauvaise gestion de la part des agents étatiques, est-ce l’unique élucidation ?… Les uns parlent de renforcer la présence policière, donc répression. D’autres recommandent plus de financement dans les banlieues nécessiteuses, mais jeter des os à des affamés, est-ce une réelle solution ?… D’où la demande : la gestion des laissés pour compte ne serait-elle pas programmée : créer les facteurs d’élimination de « déchets » sociaux, inutiles au système productif de profit financier ?8

La « queue » du corps social

Se limiter à reconnaître les membres de l’oligarchie en cause première des violences sociales ne devrait pas aveugler sur une autre cause de ces violences. Il faut considérer les forces et faiblesses de l’adversaire (l’oligarchie), mais, aussi, les forces et faiblesses de ceux qui l’affrontent, à savoir toutes les organisations, associations, partis politiques, intellectuels, opérateurs de média, artistes, etc. qui veulent une répartition équitable des richesses nationales.

1 « Le capital doit assurer sa protection par tous les moyens possibles, grâce à notre union et à nos lois. Les dettes doivent être recouvrées et la valeur des hypothèques sur les actifs recouvrée le plus rapidement possible. Ainsi, lorsque par exemple des gens ordinaires perdent leur logement, ils deviennent plus dociles et sont plus facilement dirigés grâce au bras armé de l'État représenté par les principaux acteurs financiers. Ces vérités sont bien connues de nos représentants qui s'efforcent de créer un impérialisme pour gouverner le monde. Grâce au système de partis politiques qui divise les électeurs, nous les manipulons pour qu'ils dépensent toute leur énergie sur des questions sans importance. En agissant avec discrétion, nous garantissons la pérennité de ce que nous avons si bien planifié et accompli. » Association des Banquiers des États-Unis, 924. Les italiques sont les miens.

3Les fanatismes au service des États-Unis, Thierry Meyssan, https://www.voltairenet.org/article215414.html

4« Macron est en très mauvais terme avec l’Algérie ! Des informations circulent me poussant à poser cette question : les services de renseignement algériens participent-ils en coulisses à attiser, organiser et manipuler les émeutes en France ? »,

https://tribune-diplomatique-internationale.com/attaque_de_francis_lalanneservices_algeriensfrance/

5 « Le Grand Échiquier » de Zbigniew Brzezinski, https://www.les-crises.fr/le-grand-echiquier-de-zbigniew-brzezinski/

6Maria Zakharova, porte-parole du gouvernement russe,

https://reseauinternational.net/les-manifestants-en-france-utilisent-des-armes-fournies-par-loccident-au-regime-de-kiev-zakharova/

7Voir la vidéo « Émeutes : Un scénario écrit à l’avance… et les jeunes sont tombés dans le piège », https://reseauinternational.net/emeutes-un-scenario-ecrit-a-lavance-et-les-jeunes-sont-tombes-dans-le-piege/

8 « Dans la première moitié du XVIII siècle, dans toute l'Europe, les membres de la classe dominante se réunirent pour discuter le "problème démographique" à peine découvert et pour trouver les moyens de mettre en acte le mandat de Malthus, de façon à augmenter le taux de mortalité des pauvres : "Au lieu de recommander l'hygiène aux pauvres, nous devrons encourager les habitudes contraires. Dans nos villes nous devrons faire des rues plus étroites, faire mettre plus de personnes dans les maisons et favoriser le retour de la peste. Dans la campagne, nous devrons construire nos villages près de puits stagnants et nous devrons surtout encourager l'installation dans des zones marécageuses et insalubres", et ainsi de suite. » Theodore D. Haul, in The Scientific Background of the Nazi “Race Purification” Program, US & German Ethnic Cleansing Genocide, and Popolation Control, 1995. L’italique est le mien.

9

« La racaille étrangère dans la France-dépotoir :

On entre comme on veut,

On fait ce qu’on veut,

On ne sort que si l’on veut. »

Le Matin, 29 septembre 1937.

Tous ces contestataires de la gestion oligarchique, sont-ils présents ou absents dans les banlieues paupérisées où survit ce qu’un ex-immigré hongrois, devenu Président de la République, a osé l’outrecuidance d’insulter comme « racaille », le même substantif que celui utilisé par les ennemis des communards parisiens de 1870, et par la suite9.

Dans ces banlieues, difficile, très difficile est l’action de désaliénation mentale et d’encouragement à une pratique citoyenne autogestionnaire pour sortir de la misère matérielle et psychique. Doit-on se limiter aux actions faciles ?

Autre observation : la révolte suite à l’assassinat du jeune Nahel Merzouk n’eut pas lieu uniquement dans les banlieues dites « défavorisées », en réalité abandonnées, mais également, pour la première fois, dans des petites villes et même des villages, et même en Belgique et en Suisse. Cela montre la gravité de la situation des couches tout au bas de l’échelle sociale du capitalisme prédateur.

À ce sujet, les trafiquants de réalité parlent de « France divisée en deux ». Mais quel est le statut social de ces deux ?… N’est-ce pas les « nantis » (exploiteurs-dominateurs) et les « démunis » (exploités-dominés) ? Et qui fabrique ces deux catégories sinon l’organisation oligarchique de la société ?… Il est vrai que jamais on ne parle du cadavre dans le placard : jamais le mot « oligarchie » est prononcée, dans les déclarations et les médias représentant… l’oligarchie. Ça va de soit ! dirait Brassens.

Si la révolte des habitants des banlieues et d’ailleurs fut provoquée par l’oligarchie, selon les hypothèses examinées auparavant, ne doit-on pas, également, considérer ces révoltes, manifestées en violences, comme une faillite des éléments qui devraient transformer les ressentiments légitimes face à l’injustice oligarchique en action collective démocratique efficace ?

Certains révoltés justifient leur acte de violence en déclarant « détester la France ». Et hop ! Voilà les chiens de garde crier avec indignation : « Vous voyez ?! Vous voyez ?!… La cause des désordres : la haine de la France !… Et de qui cela peut venir ?… Ben, pardi !... D’enfants d’immigrés d’origine non européenne, non chrétienne, non blanche ! Donc, de la faillite de la gestion du problème migratoire !... Alors, il faut défendre la France ! Les Valeurs françaises ! La République ! La Nation ! Les Institutions ! La Démocratie ! » Mais ces hérauts de l’indignation avec leurs mots grandiloquents, jamais ils ne préciseront quelle est la nature de ces « France, Valeurs, République, Nation, Institutions, Démocratie ». Un voleur peut-il crier au voleur, un mafieux parler de mafia, un gangster de gangstérisme, un criminel de crime, un banquier de ses actions véreuses ? Autrement dit, un membre d’une oligarchie ou son laquais peuvent-ils préciser que par « France, Valeurs, Nation, Institutions, Démocratie », ils entendent celles créées par l’oligarchie pour l’oligarchie ? Georges Orwell en sait quelque chose, en inventant la « novlangue ». Elle ne caractérise pas seulement les régimes ouvertement totalitaires, mais, également, les actuelles démocraties libérales contraintes, par une dette publique impossible à honorer, à devenir totalitaires, notamment par le recours à la novlangue. Par ailleurs, les politiciens et opérateurs de média qui ont assassiné, par exemple, les communards parisiens n’avaient-ils pas déclaré « défendre la République, la Nation, la Démocratie, l’Ordre, la Loi ? »

Allons, amies-amis sincères de la liberté, de l’égalité et de la solidarité !… Encore des efforts pour être dans et avec le peuple, d’abord celui des banlieues, le plus damné-condamné, contraint à l’expression violente désespérée, à défaut de solution démocratique et pacifique, pour se libérer des Dracula oligarchiques de la finance et, par conséquent, de leurs hyènes dans les rouages étatiques et médiatiques.

P.S. : Il ne serait pas étonnant d’assister à des révoltes violentes dans d’autres pays oligarchiques, reprenant plus ou moins le scénario français. Après les « révolutions colorées » et les « printemps arabes » dans d’autres pays, les oligarchies du « monde libre » recourent-elles aux violences des banlieues dans leur propre nation pour maintenir leur domination ? Le peuple et ses amis répondront-ils de manière adéquate ?

Publié in

https://tribune-diplomatique-internationale.com/violence_socialeregime_oligarchiquefrance_actuelle/

8 juillet 2023

https://www.algeriepatriotique.com/2023/07/08/de-la-violence-sociale-en-regime-oligarchique-cas-de-la-france-actuelle/

8 juillet 2023

https://reseauinternational.net/de-la-violence-sociale-en-regime-oligarchique-cas-de-la-france-actuelle/

13 juillet 2023

 

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Rédigé par Kadour Naimi

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