Résultat pour “comment une révolution devrait être faite”

Publié le 28 Janvier 2018

Le premier exemple de comment une révolution devrait être faite

« The first example of how revolution should be made ». Cette phrase d’Emma Goldman résume parfaitement le livre que David Porter a consacré à la révolution sociale espagnole de 1936-1939 : « VISION ON FIRE : Emma Goldman on the Spanish Revolution » (VISION SUR LE FEU : Emma Goldman à propos de la révolution espagnole). Bien que l’ouvrage soit écrit en anglais, il est utile d’en rendre compte. Les lecteurs familiers de cette langue en seront informés ; ceux qui s’intéressent à l’argument peuvent en profiter pour améliorer leur connaissance de l’anglais ; enfin, les autres recevront des informations utiles, en attendant la publication du livre, espérons-le, par une maison d’édition algérienne ou française.

Le style d’écriture est simple, direct et clair. L’excellent exposé de l’auteur se base entièrement sur les écrits d’Emma Goldman. Bien qu’elle n’aie pas besoin de présentation, donnons quelques informations succinctes. Anarchiste d’origine russe, exilée aux États-Unis, où elle continua sa militance, elle retourna en Russie lors de la révolution russe de 1917. Elle s’activa parmi les partisans des soviets libres, contre leur main-mise sur eux par les bolcheviques. Elle tenta en vain d’empêcher cette dictature d’un parti totalitaire ; mais elle fut contrainte de constater sur place combien la politique de Lénine-Trotski fut funeste à cette révolution authentiquement populaire.

Ensuite, durant la révolution sociale espagnole, elle se rendit également sur le terrain. On notera que l’adjectif employé ici est « sociale » et non pas « politique ». Là réside l'originalité de cette révolution. Elle ne visait pas, selon le schéma marxiste et bolchevique, à prendre le pouvoir de l’État, en instaurant une soit disant dictature du « prolétariat », en réalité une nouvelle domination sur le peuple. Au contraire, suivant la conception anarchiste proudhonnienne-bakouninienne, la révolution espagnole se voulait « sociale ». Autrement dit, un changement visant la base de la société toute entière, dans ses diverses structures et domaines d’activités. Cela s’est réalisé en créant des associations ouvrières et paysannes libres et autonomes, fédérées entre elles, autogérées. De cette manière nul besoin d’État dictatorial, ni de sa bureaucratie de privilégiés, ni d’un parti « guide » auquel obéir aveuglément, ni de chefs « géniaux » émettant des décrets indiscutables, ni de « commissaires du peuple » imposant des ordres, ni d’armée « rouge » formée de galonnés et de simples exécutants (1), ni de police politique genre tcheka, ni de prisons, ni de collectivisations forcées. Voilà ce que Staline et sa bureaucratie totalitaire ne pouvaient pas admettre, de peur que cette révolution sociale authentique dévoile l’imposture bolchevique et contribue à sa fin.

Goldman écrit :

« [Les travailleurs espagnols] ont montré que la dictature n’est pas essentielle dans une période révolutionnaire. Il est vrai que ceux qui ont bénéficié de liberté politique en Espagne en ont joui jusqu’à une limite alarmante, mais je suis d’accord avec les camarades qu’il y a moins de danger dans les abus de liberté que dans la dictature. » (2)

C’est donc à travers les écrits de cette partisane d’une révolution authentiquement sociale, ses observations et ses critiques que David Porter rend compte de cette rupture sociale, la plus originale et la plus riche que le monde a connu. Malheureusement, elle fut la victime de calomnie, puis de répression armée, enfin d’occultation par les « communistes » staliniens, sans parler des « libéraux ». Ces méfaits ont été (et l’occultation demeure) aussi implacables que ce soulèvement fut la première authentique révolution dans le monde. Voici en quoi : ses protagonistes furent les seuls paysans, ouvriers, petits employés et intellectuels éclairés. Ils étaient animés non pas par un classique « parti d’avant-garde », guidé par son « génial » chef, mais leurs propres organisations autogérées, où la conception libertaire autogérée était pleinement assumée. Là fut la grandeur de ces protagonistes du peuple, et là fut le motif pour lequel tous les autoritaires, « communistes », « libéraux » et fascistes leur ont été hostiles. Ils se sont unis pour écraser ce qui était un exemple idéal de la manière d’entreprendre un authentique changement social en faveur des opprimé-e-s, exploité-e-s et dominé-e-s. Qu’on en juge. Voici les ennemis que les révolutionnaires sociaux espagnols ont affrontés. D’une part, l’armée fasciste du général Franco, complétée par des supplétifs marocains ; l’action de cette armée fut renforcée par l’aviation nazie, qui expérimenta ses premiers bombardements systématiques de population civile ; enfin, le fasciste Mussolini envoya en renfort des troupes italiennes. D’autre part, les autogestionnaires espagnols durent combattre contre les agents « communistes » russes envoyés par Staline, ainsi que contre leurs subordonnés du parti « communiste » espagnol, dont leurs colonnes militaires.

Ce fut une guerre de plusieurs armées coordonnées contre un peuple de paysans, d’ouvriers, d’employés et d’intellectuels éclairés. Et cette guerre ne fut pas dirigée uniquement contre les milices populaires, qui manquaient gravement d’armes et de munitions, mais également contre leurs réalisations économiques, sociales et culturelles.

Car il faut savoir, et cela fut constaté par Goldman comme par d’autres témoins sur place, ces réalisation furent consistantes, impressionnantes, inattendues, exemplaires, significatives. Tout le contraire de la régression et du chaos qu’en Russie la domination du parti bolchevique avait causés, le contraignant à un retour au capitalisme avec la N.E.P.

« Si jamais, écrit Goldman, il y eut un peuple aimant suffisamment la liberté pour combattre pour elle, vivre ses quotidiennes relations et même mourir pour elle, les ouvriers et paysans espagnols ont démontré qu’ils se placent au plus haut sommet. » (3)

L’ouvrage de David Porter ne se limite pas à citer des écrits essentiels de Emma Goldman sur la révolution espagnole. Il a la précieuse précaution de fournir des explications et des notes. Elles placent les extraits de la militante et théoricienne dans leur contexte historico-social concret, tout en proposant des pistes de réflexion et d’action concernant la situation actuelle. Enfin, David Porter fournit des titres d’ouvrages et leurs auteurs. Ainsi, les arguments examinés sont élargis et approfondis, permettant d’accéder à des informations complémentaires.

L’ouvrage rend compte non seulement des problèmes généraux affrontés par la révolution sociale espagnole, mais, aussi, de ses aspects incarnés par des individualités. Leurs qualités et défauts sont exposés, ainsi que l’influence de ceux-ci sur le déroulement de la révolution (4). En outre, l’auteur souligne :

« On devrait analyser le sort de l'anarchisme espagnol au niveau social le plus large au lieu de considérer seulement les personnalités. En fait, le mouvement avait contre lui la conspiration internationale, et le manque de soutien du prolétariat mondial à la révolution espagnole. Ces deux facteurs ont causé les erreurs essentielles commises en Espagne. Bien que les individus dans le mouvement aient effectivement fait d’importantes erreurs, leur contribution positive ne doit pas être oubliée. » (5)

Ceci dit, il est précisé :

« Mais en termes généraux, les anarchistes, plus que d'autres personnes concernés par le changement social, ont traditionnellement considéré l'émancipation individuelle et le maintien de l'intégrité personnelle comme des mesures importantes du succès du mouvement. » (6)

Un chapitre particulier est consacré au rôle des femmes dans la révolution espagnole :

« Dans l’histoire générale du mouvement anarchiste, l’émancipation des femmes était vue comme une part cruciale de la transformation sociale globale. » (7)

L’auteur ajoute :

«  De son [Emma Goldman] point de vue, l’organisation du mouvement en général, même parmi les anarchistes, encourageait le carriérisme, des jalousies mesquines et de nouvelles hiérarchies. Il ne fait pas de doute que ces tendances étaient, à un certain degré, le résultat d’une prépondérance masculine dans le mouvement, comme dues à l’organisation du mouvement lui-même. » (8)

Dans une très intéressante introduction au chapitre trois « The New Society », David Porter fournit des explications sur l’anarchisme comme vision sociale et humaine ; il complète l’exposé en considérant les réactions des adversaires :

« Comme par le passé, les anarchistes souffrent le plus souvent d'une mauvaise image parmi
les « Progressistes » de deux points de vue : en tant que destructeurs négativistes ou rêveurs irresponsables. (..) Pour de telles personnes, l'expérience constructive de la révolution espagnole, assumée avec enthousiasme par Emma Goldman dans ces pages, devrait être un soulagement bienvenu. C'est aussi une invitation pour eux à élargir leurs propre politiques. » (9)

La lecture du livre de David Porter reflète fidèlement son affirmation :

« Les évaluations de Goldman sont écrites directement pour nous dans le présent. Elles aident à nous livrer cet incroyablement précieux cadeau de la part du peuple espagnol. » (10)

Souhaitons que cet ouvrage soit finalement traduit en français, en arabe, en tamazight et en dziriya, tellement il est instructif sur le meilleur exemple de révolution sociale survenue dans le monde.

 

_____

Notes

(1) Voici des déclarations de Buenaventura Durruti, l’une des personnes les plus représentatives de l’anarchisme espagnol pendant la guerre civile en Espagne :

- « Nous vous montrerons, à vous les bolcheviques russes et espagnols, comment on fait la révolution et comment on la mène à son terme. Chez vous, il y a une dictature, dans votre Armée rouge, il y a des colonels et des généraux, alors que dans ma colonne, il n'y a ni supérieur ni inférieur, nous avons tous les mêmes droits, nous sommes tous des soldats, moi aussi je suis un soldat. (…) Ce ne serait vraiment pas la peine de se déguiser en soldat si l'on devait se laisser à nouveau gouverner par les pseudo-républicains de 1931 ; nous consentons à faire de grandes concessions, mais n'oublions jamais qu'il nous faut mener de front la guerre et la révolution. (…) J'ai été un anarchiste toute ma vie, et j'espère le rester. Je regretterais en effet de devenir un général et commander les hommes avec un bâton militaire. Ils me sont venus volontairement, ils sont prêts à mettre leur vie en jeu pour notre combat antifasciste. J'estime que la discipline est indispensable, mais elle doit venir de l'intérieur, motivée par une résolution commune et un fort sentiment de camaraderie. » in https://fr.wikipedia.org/wiki/Buenaventura_Durruti#cite_ref-Durruti_is_Dead.2C_Yet_Living_-_Emma_Goldman_.7C_libcom.org_10-1

(2) « [The Spanish workers] have shown that dictatorship is not essential in a revolutionary period. It is true that those who are enjoying political freedom in Spain are taking advantage of it to an alarming extent, but I agree with the comrades that there is less danger in the abuses of freedom than in dictatorship. »

(3) « If ever there were a people who love liberty sufficiently to struggle for it , live it in their daily relationships and even die for it , the Spanish workers and peasants have demonstrated that they stand at the highest peak. »

(4) Voir notamment chapter Two “Particular Individuals” (Individus particuliers).

(5) « One should analyze the plight of Spanish anarchism at the broader social level instead of solely through looking at personalities. It was in fact the international conspiracy against and lack of world proletarian support for the Spanish revolution which caused the essential mistakes made within Spain. Though individuals in the movement indeed made important errors, their positive service should not be forgotten. »

(6) « But in general terms, anarchists, more than others concerned with social change, traditionally have seen individual emancipation and maintenance of personal integrity as important measures of the movement’s success. »

(7) « In the historical anarchist movement generally, emancipation of women was seen as a crucial part of overall social transformation. »

(8) « In her view, movement organization generally, even among anarchists, encouraged careerism, petty jealousies and new hierarchies. No doubt these tendencies were to some degree the result of male preponderance in the movement, as well as due to movement organization in itself. »

(9) « As in the past, anarchists currently most often suffer a bad image among “progressives” on both counts—as either destructive negativists or irresponsible dreamers. (…) For such individuals, the constructive experience of the Spanish revolution so enthusiastically endorsed by Emma Goldman in these pages should come as a welcome relief. It is also an invitation for them to expand their own politics. »

(10) « Goldman’s assessments are written directly to us in the present. They help to deliver to us this incredibly valuable gift from the Spanish people. »

David Porter, VISION ON FIRE : Emma Goldman on the Spanish Revolution.

AK Press, 2006, Second Edition.

Présentation ici : https://www.akpress.org/visiononfireakpress.html

Publie sur Le Matin d'Algérie, 27 janvier 2018

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION

Repost0

Publié le 17 Septembre 2019

Lors d'une manifestation hebdomadaire du mouvement populaire en Algérie 2019

Lors d'une manifestation hebdomadaire du mouvement populaire en Algérie 2019

La précédente contribution (1) a suscité d’intéressants commentaires. L’un d’eux pose une question très pertinente : « (...) si le Hirak n'est ni une populace en mouvement , ni pourvu de toutes les qualités qui auraient fait de lui une révolution, qu'est-ce que c'est ? »

 

« Populace ».

Ce mot est d’une telle vulgarité qu’il ne peut être prononcé que par une personne vulgaire. Pourquoi ?… Parce que cette personne manifeste un mépris caractéristique des ignorants de ce qu’est un peuple. Ce dernier, même tombé dans la pire régression, devrait encore mériter: 1) le respect des personnes si elles sont dotées d’intelligence (pour comprendre ce phénomène de régression sociale, et, d’abord, ceux qui en sont responsables, autrement dit une oligarchie exploiteuse dominante, qui, elle, est à mépriser) ; 2) la générosité (de la part des personnes capables d’empathie pour ce peuple victime, réduit à être traité de « populace »).

En outre, il n’est pas surprenant que le peuple soit traité de « populace » par une personne appartenant à la classe des exploiteurs-dominateurs, par exemple De Gaulle ou Sarkozy parlant respectivement de « chienlit » ou de « racaille ». Mais qu’une personne laisse croire qu’elle n’est pas de la classe des exploiteurs-dominateurs, tout en traitant le peuple de « populace », voici l’objection qui se présente : « Et toi, qui prétends être doté de conscience sociale adéquate, ignores-tu qui, comment et pourquoi nous a rendu « populace » ? Ignores-tu les immenses difficultés que nous avons à devenir peuple : salaires misérables, conditions de vie insupportables, tous les obstacles mis par nos dominateurs-exploiteurs afin que nous n’accédions à aucune culture, à aucune conscience de peuple ?… Enfin, si nous sommes « populace», toi qui en est conscient, au lieu de te contenter de le constater, avec un mépris plus ou moins évident, qu’as-tu fait, que fais-tu pour qu’on devienne un peuple ? N’as-tu donc aucune responsabilité dans notre situation de « populace » ? Crois-tu avoir dit tout ce que tu dois faire en nous traitant de « populace » ? »

 

Révolution.

Tout montre que le mouvement populaire n’est pas une révolution, au sens strict du terme. Comme l’écrit le lecteur commentateur, celle-ci est, « l'expression d'un changement qui se réalise. » Encore que cette définition est trop vague. Il reste à préciser de quel « changement » il est question… Pour qu’il y ait révolution au sens strict, il faut que la ou les racines mêmes du système social soient abolies pour être remplacées par d’autres radicalement opposées. Par exemple la Révolution française fut l’abolition du système féodal au bénéfice de celui capitaliste bourgeois. Dans ce sens strict, ce qu’on appelle la révolution russe n’en fut pas une, car elle se limita à remplacer le système féodalo-capitaliste tsariste par un système de capitalisme étatique ; au-delà de la propagande intéressée, une oligarchie fut remplacée par une autre, laquelle était exploiteuse-dominatrice au détriment du peuple laborieux. En Algérie, peut-parler de « révolution », au vu du remplacement de l’oligarchie coloniale étrangère par une oligarchie autochtone ?

Les mots, tels « révolution », sont devenus chewing-gum ; ils sont employés sans la précision qu’ils exigent. Toute caste dominatrice n’a pas intérêt à la précision des termes. Ce fait est connu depuis… le IVè siècle avant J.-C. (voir Confucius). Jusqu’à voir une banque italienne d’importance nationale ou une marque mondiale de parfum parler de « révolution » pour vanter une nouvelle réforme bancaire ou une nouvelle recette de parfum. Alors, il n’y a pas à s’étonner que n’importe s’autorise à parler de « révolution » chaque fois que le mot lui caresse les oreilles, sans que ses méninges se posent la question sur la pertinence d’emploi de ce terme.

Considérons le soulèvement populaire algérien actuel. Évidemment, il ne s’agit pas de révolution dans le sens strict du terme. Pis encore. Non seulement ce mouvement n’a pas réussi à éliminer les racines du système social (2) qu’il rejette, mais il n’a pas même réussi à se doter d’une organisation autonome, produisant des représentants authentiques, en mesure de faire contre-poids à l’antagoniste étatique.

 

Nature du mouvement populaire.

Alors quelle est la caractéristique fondamentale du soulèvement populaire algérien actuel ?

La phase actuelle du soulèvement populaire peut être définie comme une révolte, c’est-à-dire une action de protestation sociale contre l’oppression oligarchique, mais sans programme clairement élaboré ni organisation adéquate pour le réaliser.

Les aspects positifs sont clairement indéniables : affranchissement de la peur qui enchaînait le peuple, élimination des divisions qui le fragmentaient (religieuses, ethniques, territoriales), organisation parfaite des manifestations dans tout le pays, pratique réussie (jusqu’à présent) de la tactique de lutte pacifique, élévation de la conscience sociale citoyenne (des personnes qui étaient totalement indifférentes ou dégoûtées de la vie sociale politique, se sont mis à s’intéresser à la gestion de la nation), une certaine fierté retrouvée à se considérer algériens, autrement dit membres de la communauté de naissance ou de passeport. Tous ces aspects sont-ils dérisoires ? Autorisent-ils à parler de « populace », bien qu’ils ne permettent pas de parler de révolution ?

Une hypothèse et une question se présentent. Ce soulèvement populaire n’est-il pas une manière de mettre la charrue avant les bœufs ?… Autrement dit, ne devait-il pas, au lieu d’exploser de manière surprenante et spontanée, - ce qui semble jusqu’à présent, à moins de découvrir des aspects occultés (3) - , être le résultat d’un combat de longue durée ?

Certes, il le fut, en un sens. Ce soulèvement populaire est, du point de vue historico-social, l’aboutissement d’un long combat. Il a commencé avec l’élaboration de la Charte de la Soummam (1956) pour l’établissement d’un système algérien authentiquement au bénéfice du peuple ; mais ce projet fut, comme on le sait, rejeté par une caste qui parvint à s’emparer de la direction de la guerre de libération nationale, puis de l’État algérien indépendant où cette caste devint oligarchie dictatoriale.

Le soulèvement populaire actuel est également le résultat des luttes citoyennes, politiques, syndicales et culturelles menées depuis l’indépendance, et même avant, par exemple de ce qu’on appela la « crise berbériste » de 1949.

Cependant, comme le commentateur évoqué auparavant le note, il faut garder présent à l’esprit ceci : « les archaïsmes économiques et culturels sont de nature à reproduire la société et non à la révolutionner ».

À ce sujet, une observation. D’une part, depuis l’indépendance, les détenteurs du pouvoir ont tout fait pour faire taire (par l’idéologie, « populiste-cléricale ») sinon faire disparaître (par la violence) toutes les possibilités de défense des intérêts légitimes du peuple. Les résultats sont constatables : partis politiques sans poids dans le rapport de force, syndicats autonomes faibles, « élites » au service des maîtres, sinon en exil (intérieur ou extérieur), jusqu’aux librairies dont le nombre est affreusement dérisoire.

D’autre part, - n’est-ce pas là que réside le pire ? -, les partis politiques d’opposition, dits de « gauche », « progressistes », qu’ils soient d’inspiration « libérale » capitaliste ou marxiste, ont pratiqué et continuent à pratiquer la politique de l’ « Avant-Garde » d’un parti composé d’une caste de « professionnels » de la pratique politique. Autrement dit, le peuple doit se soumettre à une « élite » censée détenir seule les recettes pour « sauver » le peuple de ses dominateurs. Donc, toute tentative de permettre au peuple de compter sur lui-même, sur ses propres forces, sur son intelligence créatrice pour créer ses propres organisations autonomes (libres, égalitaires et solidaires), ce projet était et demeure dénoncé comme « aventurisme », « anarchie », faisant le « jeu de la réaction interne et de l’impérialisme externe ». Quand on veut se débarrasser d’un « chien », on l’accuse de « rage », n’est-ce pas ?

Dès lors, est-il surprenant de constater que le soulèvement populaire actuel ne dispose pas de sa propre organisation et de ses représentants légitimes ?… Où est la culture, la philosophie, la conception qui l’auraient préparé à cette exigence stratégique ?… Oui, il y eut l’autogestion ouvrière et paysanne juste après l’indépendance, puis, à un moindre degré, le mouvement social de 2001, né en Kabylie et qui tenta de s’étendre au territoire national. Mais combien en ont a parlé et en parlent suffisamment ? Quasi occultés ces deux mouvements sociaux, pourtant d’importance historique fondamentale. En Algérie, dès qu’on parle de manière sérieuse de conception sociale réellement « par et pour le peuple », les conservateurs comme les « progressistes », religieux ou laïcs, dénoncent l’ « anarchie ». Autrement dit, le « désordre », donc la « menace » contre l’ « ordre social », par suite contre l’ « intégrité nationale ». Dans ces conditions, comment le peuple pourrait-il se doter des institutions lui permettant d’appliquer le principe « par le peuple et pour le peuple » ? Et, vue cette impossibilité, quelle est la responsabilité des « élites » algériennes, notamment de celles qui déclarent le bonheur du peuple ?

 

« Répétition générale » ?

En cas d’échec du soulèvement populaire pour la réalisation de son objectif fondamental, à savoir changer radicalement de système social, il restera à considérer ce mouvement comme une sorte de « répétition générale », à la manière du soulèvement populaire russe de 1905. Cette « répétition » enseignerait au peuple, dans sa magnifique tentative d’affranchissement social, les leçons indispensables. L’une d’elles, sinon la principale, n’est-elle pas de prendre conscience et de se libérer de ses « archaïsmes » et de ses « tares », - comme les a nommés justement le lecteur commentateur -, et d’abord de ceux culturels ? Le principal de ces archaïsmes du peuple (et de ceux qui déclarent défendre ses intérêts) n’est-il pas de renoncer aux divers « sauveurs suprêmes », en instituant une organisation populaire libre, égalitaire et solidaire, caractéristiques de l’authentique démocratie dans son sens strict : pouvoir exercé par le peuple et pour le peuple ? Cette entreprise ne doit-elle pas commencer par la création de comités populaires, fonctionnant sur mandat impératif, sur l’ensemble du territoire national, et, d’abord, dans les quartiers les plus nécessiteux ? À ce sujet, peux-on compter sur les personnes qui jugent le peuple comme « populace » ? Et peut-on compter sur les personnes qui se contentent de tisser les éloges les plus dithyrambiques au « peuple », parce qu’il continue à manifester hebdomadairement, mais sans se doter de l’organisation autonome qui doit concrétiser ses revendications légitimes ?

_____

(1) Voir https://www.algeriepatriotique.com/2019/09/11/contribution-est-il-possible-de-concretiser-les-revendications-populaires/

(2) Vue la confusion régnante au sujet des racines, rappelons ce qu’elles sont : l’exploitation économique de la force de travail humain (physique et intellectuel), obtenue par un vol plus ou moins « légalisé », défendue par un système politique se maintenant par des institutions juridico-répressives, et justifiée par une idéologie adéquate. Cette diabolique trinité est indissociable ; elle constitue une unité complémentaire au-delà des contradictions toutes relatives entre ses trois éléments.

(3) Certains le déclarent, pour le moment sans fournir de preuves irréfutables.

 

Publié le 14 septembre 2019 sur Algérie Patriotique, le 15 Le Matin d'Algérie, le 14 La Tribune Diplomatique Internationale. - Voir les commentaires de lecteurs dans les publications, notamment sur Algérie Patriotique.

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 7 Novembre 2019

Lors d'une manifestation hebdomadaire du Mouvement populaire en Algérie, 2019

Lors d'une manifestation hebdomadaire du Mouvement populaire en Algérie, 2019

La contribution précédente (1) sur l’institution des comités populaires a suscité des interrogations. Un lecteur les résume ainsi : « Que vont faire ces comités élus ? Est-ce qu’ils vont désigner une instance collégiale pour conduire la transition ? Est-ce qu’ils vont décider eux-mêmes de quelle transition il s’agit (Constituante ou amendement de la Constitution) ? Qui va désigner le gouvernement provisoire ? Qui va se charger de modifier la Constitution : des experts crédibles ou une instance particulière désignée pour ce rôle ? Est-ce qu’il faut aller à la présidentielle sans changement de Constitution, et c’est au futur Président de se charger des modifications à réaliser ? Qu’en est-il de la feuille de route : qui doit la rédiger ou est-elle inutile ? Etc…., etc. »

À toutes ces questions, la réponse est simple à deux conditions : d’une part, examiner l’histoire sociale des peuples, en particulier comment furent réalisées les changements sociaux radicaux (révolutions), et, d’autre part, se préoccuper non pas d’une vue à court mais à moyen et long termes.

Alors, se présente la problématique des comités populaires. Ils indiquent des assemblées, constituées par la libre décision de citoyens qui se considèrent égaux en droits et en devoirs, et solidaires entre eux. Leur but fondamental est la création d’institutions en mesure de gérer la société dont ces citoyens font partie, cette gestion étant la plus démocratique possible, donc une auto-gestion sociale généralisée ? Cette expression contemporaine équivaut à l’anglais self-government et au principe « par le peuple et pour le peuple ».

Toutes les questions évoquées au début de ce texte devraient être de la compétence (discussions et décisions) des comités populaires, en partant de ceux géographiquement locaux jusqu’aux intermédiaires pour aboutir à un comité (assemblée) national.

 

Citoyens et experts.

Des élitistes objecteront que certains problèmes, trop « complexes », ne peuvent pas être exposés, discutés puis les solutions décidées par des citoyens non experts. La réponse à cette objection revêt deux formes.

D’une part, là où des experts sont indispensables, ils seront sollicités pour intervenir, mais, - là est le point fondamental caractérisant l’authentique démocratie -, ces experts assumeront un rôle strictement consultatif, la décision appartenant au comité populaire, à ses niveaux respectifs.

D’autre part, les phénomènes de révolution sociale, partout et toujours, y compris l’Algérie, montrent ceci : durant ces moments particuliers d’ébullition sociale, la conscience citoyenne, en incluant celle du moins instruit et du moins averti des réalités sociales, cette conscience se révèle meilleure. Preuve significative : suite au déclenchement de l’intifadha populaire, un nombre appréciable de citoyennes et citoyens, auparavant ignorants et désintéressés de tout ce qui concernait la gestion de la société, se sont mis à vouloir comprendre puis à discuter de Constitution, de modèle social, de corruption mafieuse au sein de l’État, de loi sur les hydrocarbures, etc, etc. ?

 

Décisions.

Au sein des comités populaires, quelqu’un soit l’importance géographique, la prise de décision devrait préférer l’unanimité. À défaut de celle-ci, aux membres des comités de choisir quelle majorité est nécessaire pour adopter les décisions de manière à leur donner une concrétisation effective.

Bien entendu, - et ce n’est pas là un défaut mais une caractéristique de la démocratie -, les discussions peuvent nécessiter du temps. Eh bien, la démocratie authentique exige ce prix.

 

Mandataires.

Les décisions devraient être concrétisées par des représentants, là encore, quelque soit l’importance géographique du comité populaire.

Cependant, tout représentant, une fois élu démocratiquement, recevra un mandat strictement impératif. Ce dernier signifie que le représentant est susceptible d’être révoqué à tout moment, si les membres du comité populaire estiment qu’il n’a pas correctement respecté et exécuté le contenu de son mandat.

Autre aspect fondamental : tout représentant accomplira sa fonction soit de manière bénévole, soit, en cas de nécessité, en bénéficiant d’un salaire, lequel ne devrait absolument pas être supérieur à celui d’un ouvrier moyen. Cette procédure est la seule qui écarte tout opportuniste, tout carriériste qui exploiterait sa fonction pour acquérir des privilèges. Car c’est ainsi que se forme l’oligarchie, partout et toujours.

 

Facteur temps.

Certains jugeront que l’institution de comités populaires exigerait énormément de temps, lequel est pressant car l’économie est en difficulté, les ennemis du peuple aux abois, et le risque de vide institutionnel dangereux.

Répondons que si le peuple le veut, ces comités populaires se créeront dans un laps de temps extrêmement court, et que leur travail se réalisera dans un délai raisonnable… Encore faut-il que le travail de ces comités populaires ne soit pas entravé d’une manière ou d’une autre, et s’il l’est, que les membres des comités populaires sachent comment neutraliser ces obstacles.

 

Caractéristique fondamentale.

Partout dans le monde, en considérant l’histoire de tous les changements sociaux voulant éliminer un système social oligarchique pour le remplacer par un autre authentiquement au service du peuple, on constate que l’élément fondamental qui a vu le jour et qui s’est institutionnalisé, ce furent précisément des formes de comités populaires autogérés. Ils furent nommés « comités », « assemblées » ou « clubs » durant la Révolution française de 1789 ; « soviets » durant la Révolution russe de 1905 (avortée) puis de celle de 1917 ; « comités » durant la Révolution allemande de 1918 ; « colletividad » (collectivités) durant la Révolution espagnole (1936-1939) ; « comités d’autogestion » juste après l’indépendance algérienne, « comités » durant la révolution échouée de 1968 en France, etc., etc.

Toutes ces formes de comités furent éliminés généralement dans le sang par la répression militaire, y compris en Russie. En Algérie, les détenteurs du pouvoir éliminèrent les comités d’autogestion de manière bureaucratique, toutefois en sachant être appuyés par la force militaire.

 

Occultation.

Mais, demanderait-on, pourquoi l’histoire et l’importance de ces comités est généralement inconnue dans l’opinion publique, partout dans le monde, y compris en Algérie, laquelle, pourtant, connut une phase d’autogestion ?… La réponse est très simple : l’autogestion fut, demeure et sera toujours férocement combattue par tous les tenants de l’autoritarisme hiérarchique, et ils constituent, malheureusement, la majorité des fabricants d’idées, d’histoires sociales et d’opinions : « libéraux », fascistes, cléricaux, marxistes classiques.

Toutefois, il faut reconnaître un fait, lui aussi occulté. Les marxistes, à commencer par le fondateur de la doctrine politique, sont les plus coupables de cette stigmatisation de l’autogestion comme socialement « anarchie » (évidemment dans le sens péjoratif du terme), « économiquement non productive » (contrairement aux résultats réels). Le motif de cettre calomnie marxiste est que l’autogestion défend le principe de la démocratie, au sens authentique, donc populaire, du terme, tandis que les marxistes pratiquent le principe autoritaire hiérarchique : autrement dit des « experts » en « révolution », auto-proclamés, sont les seuls capables de concevoir et de décider quel est le « bonheur » du peuple, ce dernier se contentant de leur obéir, même quand il constate qu’il ne fait que servir une oligarchie de forme inédite… Mais cette histoire réelle est occultée car les marxistes dominent comme idéologues dans la sphère « progressiste ». En voici des preuves. Combien de personnes, croyant savoir le nécessaire sur les révolutions, connaissent ces faits : que les authentiques partisans d’un changement social radical en faveur du peuple furent, durant la Révolution française, les « Égaux », les « Hébertistes », les « Enragés » et les « Sans-Culottes », et qu’ils furent éliminés par la guillotine sur décision des « révolutionnaires » Robespierre et Saint-Just ?… Que les authentiques révolutionnaires radicaux, durant la Révolution russe de 1917, furent les créateurs et membres des soviets, mais qu’ils furent militairement écrasés sur décision de Lénine et sur exécution par l’armée dite « rouge », dirigée par Trotski (2) ?.. Que les authentiques révolutionnaires radicaux durant la guerre civile en Espagne furent les créateurs et membres des « colletividad », mais qu’ils furent éliminées militairement non seulement par les fascistes franquistes, mais également par les staliniens (donc marxistes) russes, intervenant en Espagne (3) ?… Que les authentiques révolutionnaires radicaux, après l’indépendance de l’Algérie, furent les créateurs et membres des comités d’autogestion, et que ces comités furent éliminés par un « Président » (et son ministre de la défense et chef d’État-major)) qui se déclaraient « socialistes » (4) ?

Dès lors, faut-il s’étonner qu’après huit mois d’intifadha populaire en Algérie, l’idée de comités populaires autogérés demeure quasi ignorée ? Faut-il s’étonner que l’on évoque, à très juste titre, la proclamation du 1er novembre 1954 ainsi que la Plate-forme de la Soummam de 1956, mais que l’on fasse silence sur l’apparition et la pratique autogestionnaire juste après l’indépendance ? Pourtant, cette expérience fut le résultat le plus conséquent, le plus éclatant, le plus significatif, ce qu’il y eut de meilleur et de radical comme concrétisation des idéaux proclamés le 1er novembre 1954 et en 1956 : alors, avec l’autogestion agricole et industrielle, le pouvoir était réellement exercé par et pour le peuple. Malheureusement, les « socialistes » d’Algérie (oui ! Les « socialistes » marxisants, et pas uniquement les réactionnaires pro-capitalisme) écrasèrent l’autogestion, à tel point qu’elle est devenue quasi totalement oubliée quand pas stigmatisée. Précisons que les « socialistes » algériens sont les disciples du marxisme, et, en bons disciples, ignorent ce que Joseph Proudhon déclara à Marx : que sa théorie politique est « le ténia du socialisme ». L’histoire confirma le diagnostic.

 

Hypothèse.

Il n’est pas nécessaire d’être devin ou expert pour exprimer une hypothèse : sans la création d’institutions où les citoyens discutent et réellement décident le modèle social, à travers leurs mandataires réellement représentatifs, la démocratie réellement populaire ne verra le jour en aucun pays ; qu’en Algérie l’intifadha populaire actuelle, comme la guerre de libération nationale, risque de servir comme masse de manœuvre pour installer une nouvelle oligarchie, moins féroce et moins mafieuse que les précédentes, mais néanmoins où le peuple ne sera pas réellement souverain. Faut-il ignorer que le capitalisme soit-disant « libéral », dans ses formes sauvage ou « sociale » (social-démocratie), n’a jamais été et ne sera jamais une démocratie au service du peuple, mais, d’abord, au bénéfice d’une oligarchie, car telle est l’essence, la caractérisque fondamentale de toute forme ce capitalisme (privé ou étatique) ?… Non, il n’est pas, il n’est jamais tard pour créer des comités populaires. Ils surgiraient, - l’histoire le montre partout dans le monde -, comme des champignons après une bénéfique pluie, si le peuple arrive à la conscience claire et nette qu’il lui appartient, comme droit et devoir, de discuter et de décider du modèle social qui répond à ses intérets légitimes. Pour y parvenir, il ne faut pas négliger le rôle de celles et ceux en mesure de stimuler cette conscience populaire. Mais combien sont les personnes non aliénées par des privilèges illégitimes, à tel point d’être réellement au service du peuple ?… Là est le problème des problèmes.

_____

(1) Voir « Comment vaincre les oligarchies liguées » in http://kadour-naimi.over-blog.com/

(2) Voir Voline, « La révolution inconnue », librement disponible ici : http://kropot.free.fr/Voline-revinco.htm

(3) Voir Gaston Duval, « Espagne libertaire 1936-1939 » librement disponible ici :

http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.somnisllibertaris.com%2Flibro%2Fespagnelibertaire%2Findex05.htm

(4) Voir « David Porter et l’autogestion algérienne » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2018/02/david-porter-et-l-autogestion-algerienne.html

*

Publié sur Algérie Patriotique (02.11.2019), La Tribune Diplomatique Internationale (02.11.2019), Le Matin d'Algérie (06.11.2019) - Voir les commentaires de lecteurs dans les publications, notamment sur Algérie Patriotique.

 

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 14 Décembre 2017

Manifestation populaire a Kronstadt, Russie, 1917.

Manifestation populaire a Kronstadt, Russie, 1917.

À la mémoire des victimes

ouvrières, paysannes et autogestionnaires de la dictature bolchevique.

 

Partout et toujours, la vérité est occultée par les vainqueurs, mais elle finit généralement par être découverte. Malheureusement, il est arrivé que le mensonge a été si gros, si machiavéliquement manipulé, que les esprits non totalement objectifs, non totalement maîtres de leur raison, encore prisonniers de préjugés individuels ou de groupe social n’acceptent pas cette vérité, enfin découverte.

Le cas le plus flagrant est celui de la révolution populaire dans la Russie de 1917.

À presque n’importe qui, de la personne la moins cultivée à celle médaillée de doctorat universitaire, que cette personne soit de « droite » ou de « gauche », demandez : Qui ont fait la révolution d’octobre en Russie ? La réponse sera : les bolchéviks, évidemment !

Eh bien, c’est totalement faux ! Les documents sont là pour le prouver, bien entendu non pas ceux des bolchéviks vainqueurs, et de leurs partisans dans le monde (ils sont, hélas !, encore la majorité), mais les documents des vaincus (qui sont, hélas !, encore minoritaires) (1).

Voici la vérité brièvement exposée, en renvoyant les personnes intéressées à découvrir la vérité historique sur internet, en cliquant, par exemple : révolution d’octobre et libertaires. Car ce sont eux et elles les vrais auteur-re-s de la révolution d’octobre 1917. Cet impressionnant mouvement social fut totalement une initiative spontanée de travailleurs des villes et des campagnes, auxquels des soldats (bien entendu d’origine majoritairement paysanne, mais aussi ouvrière) se sont unis.

Les bolchéviks, surpris par le mouvement, de l’aveu même de leurs dirigeants principaux, Lénine et Trotski, pratiquèrent une politique machiavélique. Ils parvinrent à infiltrer le mouvement, à le « travailler » par leur propagande et leurs manœuvres, semblables à celles de la bourgeoisie, et appliquant les règles d’action de Machiavel, exposées dans « Le Prince ».

Notamment, une fois le mouvement révolutionnaire lancé, Lénine écrivit et ses partisans répandirent le fameux texte « Tout le pouvoir aux soviets ! ». Et les travailleurs y crurent, et même les libertaires, alors appelés anarchistes. Et ils travaillèrent de bonne foi avec les bolchéviks, jusqu’à leur faciliter la conquête du pouvoir, avec l’illusion, adroitement semée par les bolcheviks, que ce pouvoir serait réellement soviétique, autrement dit géré par les soviets (équivalents à conseils, comités) de travailleurs des villes et des campagnes.

Cependant, une fois les bolcheviks parvenus au pouvoir de l’État, ils commencèrent par interdire la liberté de la presse, jugée par Lénine « bourgeoise » (mais également celle des révolutionnaires). Puis, ils interdirent les partis non seulement capitalistes, mais également ceux qui défendaient les intérêts réels du peuple. Leur tort ? Dénoncer la dictature bolchevique, au détriment des soviets et des auteurs de la révolution. Puis vint le tour des amis les plus résolus et conséquents des révolutionnaires soviétiques : les anarchistes. Les bolchéviks créèrent la police politique. Elle fut une totale réplique de celle tsariste, avec les mêmes méthodes arbitraires et sanguinaires : arrestations illégales, emprisonnements illégaux, tortures et assassinats expéditifs ou dans les geôles. Tous ces méfaits et crimes furent justifiés par la « menace » de la « réaction interne » et des puissances étrangères impérialistes. Ces menaces existaient, mais ne justifiaient aucunement l’établissement de la dictature d’un unique parti, prenant le contrôle des soviets et leur imposant son diktat par l’installation de « commissaires politiques ».

Alors que des ouvriers parvenaient à maintenir la production dans certaines usines, les bolcheviks leur imposèrent des « directeurs », qui appliquèrent des méthodes arbitraires, contraires aux intérêts des travailleurs. Résultat : la production diminua (2). À la campagne, les mêmes bolcheviks dépouillèrent les paysans (non pas seulement les propriétaires, mais également le moindre paysan disposant uniquement d’un petit arpent de terre, à peine suffisant pour nourrir sa famille) pour fournir les récoltes à la ville, parce que les bolcheviks considéraient la population citadine plus importante que celle des campagne. Résultat : les paysans résistèrent à leur manière, en cachant leurs récoltes. Conséquence : arrestations, tortures, assassinats de la part de la police politique bolchevique. Là, encore, au nom du « sauvetage de la révolution ».

La dictature bolchevique, proclamée du « prolétariat », empira au point de provoquer la révolte, mais, soulignons-le, pacifique du soviet le plus important de Russie, celui dont les représentants furent, selon l’expression même de Lénine, « le fer de lance de la révolution d’octobre » : le soviet de Kronstadt. De l’autre coté, les soviets d’Ukraine se révoltèrent aussi, contre la même dictature bolchevique.

Résultats. À la tête de son bureau politique, Lénine ordonna, et Trotski, chef de l’Armée « rouge », mit à exécution : les partisans des soviets de Kronstadt furent massacrés par les bombes de l’aviation, par les canons et les mitrailleuses de l’État du « prolétariat ». Milliers de morts ouvriers, paysans et soldats. L’imposture et le machiavélisme des bolcheviks furent tels qu’au moment même du massacre, en mars 1921, ils fêtèrent la « Commune de Paris de 1871 ».

Ensuite, les partisans des soviets d’Ukraine connurent le même sort. L’Armée « rouge », du même Trotski massacra les prolétaires, au nom de la « dictature du prolétariat ».

Et, juste après, ce que Lénine, Trotski et les bolcheviks reprochèrent aux massacrés, à savoir le rétablissement du capitalisme et de la bourgeoisie, fut rétabli par Lénine lui-même. La mesure s’appela « N.E.P. » : Nouvelle Politique Économique. Et l’autre reproche fait aux massacrés, à savoir être dirigés par des officiers tsaristes, eh bien les bolcheviks engagèrent des officiers tsaristes dans l’Armée « rouge », pour parfaire leur dictature du « prolétariat ».

Cependant, toute cette trahison, toute cette criminelle imposture, tous ces massacres, toutes ces répressions contre la partie la plus consciente et la plus engagée dans le processus de révolution sociale, en Russie, tous ces méfaits n’auraient pu continuer à tromper les peuples, si la majorité des intellectuels en Russie et dans le monde n’avait pas cru à la version bolchevique de la révolution, s’ils avaient eu le courage et l’honnêteté de s’informer sur la réalité vraie.

Là réside un impressionnant mystère psychologique et social. À ma connaissance il n’a pas été encore suffisamment éclairé. Disons, en passant, que je fus l’une des victimes de cette infamie. Je n’ai comme maigre et ridicule excuse que l’âge juvénile, mais je crus, comme un ordinaire intégriste islamique d’aujourd’hui, que Karl Marx était Dieu, Lénine son Prophète, et Trotski son premier lieutenant et compagnon. Par conséquent, je ne pris pas la peine de lire les ouvrages de ceux qu’ils appelaient les « petits-bourgeois anarchistes contre-révolutionnaires, complices objectifs de la bourgeois et de l’impérialisme ».

Par la suite, l’examen objectif de la réalité sociale, en Algérie et dans les pays dits « socialistes », m’ont finalement ouvert les yeux. Ainsi fut découvert ce qui est relaté dans cette contribution. Les conséquences sont :

- la confirmation que la soit-disant « dictature du prolétariat » fut en réalité une dictature sur le prolétariat et le peuple, exactement comme Joseph Proudhon et Michel Bakounine l’avaient prédit dans leur opposition à Karl Marx ;

- la confirmation de la nature bourgeoise machiavélique des bolchéviks, qui furent les premiers responsables de l’échec de la révolution sociale en Russie, tout en se proclamant les auteurs de celle-ci ;

- l’évaluation objective de l’histoire de la révolution russe de 1917 ;

- les leçons pratiques à tirer de ce formidable mouvement social, pour le présent, à savoir : 1) que le mouvement social populaire doit absolument veiller à ne pas se faire récupérer et dominer par un prétendu parti, mais rester contrôlé et dirigé par des représentants issus du peuple, et totalement responsables de l’exécution de leur mandat uniquement auprès du peuple ; 2) que la révolution sociale qui eut lieu en Espagne (1936-1939) a montré comment une révolution sociale populaire peut vaincre (3) ; 3) que l’instauration d’organismes autogérés, totalement libres, démocratiques et fédérés est, à moins de trouver mieux dans le futur, l’unique solution pour assurer la victoire d’un changement social éliminant l’exploitation économique et la domination politique, pour établir une gestion sociale par le peuple et pour le peuple.

Il ne serait pas étonnant que ces observations soient jugées utopiques. La mentalité autoritaire élitaire est, hélas !, encore dominante sur cette planète. Avec ses préjugés, ses mensonges, ses manipulations et sa domination. L’espèce humaine ne sortira de la préhistoire, caractérisée par cette mentalité primitive, que lorsqu’elle éliminera ce que cette mentalité cause comme dégât : l’exploitation économique, la domination politique et l’aliénation idéologique de l’être humain par son semblable, pour, enfin, établir une société autogérée, libre et solidaire.

-----

(1) Voir notamment la contribution «  La révolution inconnue », http://www.lematindz.net/news/25399-la-revolution-inconnue.html, et l’ouvrage de Voline, La révolution inconnue, à télé-décharger librement ici : http://entremonde.net/IMG/pdf/RUPTURE02-Livre.pdf

(2) Le même processus eut lieu en Algérie, par l’élimination de l’autogestion ouvrière et paysanne, à travers les « décrets de mars sur l’autogestion ». Bureaucratisation des comités d’autogestion avec de semblables conséquences : répression de la résistance des travailleurs, et chute de la production. Puis arriva la réforme dite Gestion « Socialiste » des Entreprises, en réalité l’établissement d’un capitalisme d’État, semblable à celui bolchevique.

(3) Voir David Porter, « Vision on fire », ouvrage qui sera présenté dans une des prochaines contributions.

 

Publié sur Le Matin d’Algérie, 3 novembre 2017.

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION

Repost0

Publié le 6 Mars 2019

Manifestations populaires à Alger - février 2019

Manifestations populaires à Alger - février 2019

Suite à la contribution précédente, il restait à préciser le but principal de l’auto-organisation citoyenne. L’examen attentif et objectif de l’histoire de l’Algérie, et cela depuis le Congrès de la Soumman de 1956, semble indiquer ce problème : le peuple algérien n’a jamais eu la possibilité d’exprimer ses désirs de manière égalitaire, libre et solidaire. Toutes les constitutions depuis lors rédigées le furent sans tenir compte des intérêts du peuple. Bien entendu, en paroles et formellement, ces constitutions étaient déclarées comme émanant et reflétant les intérêts du peuple. La réalité a toujours démontré le contraire : ces constitutions furent toutes élaborées et destinées à créer, maintenir et consolider une caste oligarchique exploitant économiquement, dominant politiquement et conditionnant politiquement le peuple.

D’où la nécessité de rédiger enfin une constitution qui soit réellement l’émanation des désirs et intérêts légitimes et authentiques du peuple. Or, - l’histoire des peuples le démontre amplement -, une constitution qui répond aux intérêts du peuple ne peut jamais être rédigée par des personnes hors du peuple exploité et dominé. La Constitution des États-Unis, celle de la Révolution française de 1789, et même la première et les suivantes de l’Union des Républiques « socialistes soviétiques » et autres républiques prétendument « populaires » n’ont pas répondu aux intérêts du peuple mais aux castes oligarchiques qui prétendaient le représenter.

Voilà pourquoi une Assemblée Constituante, pour refléter et correspondre aux intérêts authentiques du peuple, quelque soit le pays considéré, ne peut être rédigée correctement que par ses mandataires authentiques. Pour l’être, ils doivent être choisis et élus de manière réellement libre, égalitaire et solidaire. Cela implique que ces mandataires soient sinon tous, du moins en majorité issus de ce peuple, autrement dit de cette majorité de citoyennes et citoyens exploités économiquement et dominés politiquement.

On objecterait : Mais comment des gens de ce peuple pourraient être capables de rédiger une constitution ?… Eh bien, c’est simple : qu’ils soient consultés de manière correcte, que leurs désirs soient fidèlement exprimés, et que les spécialistes en la matière se contentent et se limitent à la stricte collaboration technique, celle servant les intérêts exprimés par le peuple, et non pas se servir des déclarations du peuple pour les déformer en les mettant au service d’une caste nouvelle.

Voilà pourquoi il semble que le meilleur moyen pour y parvenir est la constitution de comités citoyens autogérés, réellement libres, égalitaires et solidaires, réalisés dans tous les lieux d’agrégation sociale : travail, études, habitats, loisirs, etc., et cela du groupe social le plus petit (entreprise, immeuble, classe d’études, association, etc) au plus grand (du douar à la ville, finalement à la capitale).

Ces comités seront la base non pas d’une hiérarchie verticale, produisant des chefs commant à des exécuteurs, mais d’une structure horizontale, produisant des mandataires en permanence contrôlés par leurs électeurs et susceptibles d’être révoqués à chaque moment si leurs électeurs estiment que ces mandataires ont outrepassé la mission qui leur est confiée.

Toute autre procédure, notamment engagée par des soit disant représentants du peuple, en particulier les partis politiques, quelque soit leur orientation politique, ne peut aboutir – l’histoire mondiale le démontre – qu’à la production d’une constitution servant la caste dont font partie les membres rédacteurs de cette constitution. Sans expression directe et sans contrôle direct et permanent du peuple exploité et dominé, il est impossible de produire une constitution qui reflète réellement ses intérêts. Affirmer cela c’est simplement dire ce que l’histoire des peuples montre, partout et toujours.

Donc, bienvenue à une assemblée constituante, mais si elle se veut réellement le reflet des intérêts du peuple exploité et dominé, que les membres de cette assemblée soit en majorité sinon tous des membres de ce peuple. Pour y parvenir du point de vue organisationnel, il semble que cela est possible par la création de comités citoyens autogérés dans tous les secteurs d’activité sociale, et fédérés de manière horizontale, tel qu’indiqué ci-dessus.

De cette manière, l’autorité dirigeante qui s’en dégagera sera le reflet du peuple, contrôlée par les mandataires du peuple, éventuellement modifiée et corrigée selon le même processus. Bien entendu, la présence des femmes devrait être égalitaire avec celle des hommes. Car le principe correct est déjà fourni par la sagesse populaire : On n’est bien servi que par soi-même. Ainsi, qui peut mieux servir des exploités économiques / dominés politiques sinon eux-mêmes et elles-mêmes ? Éventuellement avec l’aide de détenteurs de savoir adéquat ?… Encore une fois, l’histoire sociale des peuples le montre : on ne fait pas le bonheur du peuple en dehors de sa participation directe, non pas celle manipulée et conditionnée par une caste (qui, évidemment, prétend toujours le servir), mais celle réellement libre, égalitaire et solidaire. Non ! Un patron capitaliste, un politicien, un intellectuel, un économiste, un sociologue, bref un soit disant « expert » ne seront jamais capables d’évaluer la valeur économique d’une force de travail mieux que le fournisseur de cette dernière. Non ! Un homme ne saura jamais apprécier et exprimer la valeur sociale d’une femme mieux qu’elle-même. Il en est de même concernant un jeune par rapport à un vieux, ou le contraire.

Bien entendu, certains accuseront ces considérations de démagogie, d’anarchie, d’utopie et autres stigmatisations. Est-ce un hasard si ce genre d’accusations proviennent uniquement de personnes qui ne sont pas directement exploités économiquement et dominés politiquement, mais au contraire profitent du système exploiteur-dominateur ?

Contrairement à ce que certains croiraient, par ignorance de l’histoire sociale des peuple ou par occultation intéressée de celle-ci, le processus indiqué ici pour parvenir à une assemblée constituante réellement populaire (laquelle, rappelons-le, ne peut être que libre, égalitaire et solidaire) , ce processus est possible. Il lui suffit de bénéficier de la volonté des citoyens et de ceux qui se prétendent en être l’élite représentative. Tout le problème est là, toujours et partout dans le monde.

_____

(1) https://www.algeriepatriotique.com/2019/02/27/du-cri-a-lorganisation/#comments

*

Publié sur Algérie Patriotique, le 4 mars 2019.

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 18 Avril 2019

Manifestations populaires en Algérie, avril 2019.

Manifestations populaires en Algérie, avril 2019.

Ainsi est faite l’espèce humaine, partout et toujours : s’il lui est difficile de détruire un système social inique, il lui est plus difficile encore de construire un système appelé vaguement juste ou démocratique, plus précisément de liberté, d’égalité et de solidarité. En effet, ces trois caractéristiques ne peuvent pas exister l’un sans l’autre (1).

En Algérie, finalement, le représentant d’un système mafieux fut contraint par le peuple, avec lequel s’est solidarisé la hiérarchie militaire, de quitter le pouvoir étatique. Pour y parvenir, combien a-t-il fallu de luttes sous toutes les formes, de répression policière, d’emprisonnements, de morts, d’exils (intérieurs ou extérieurs), de noyés dans la mer, de combats où, parfois, des citoyens revendiquant des droits légitimes furent assassinés par des gendarmes ou des soldats d’un État dit « démocratique et populaire ».

Et encore, ce n’est pas fini. Seul le « Roi » a été mis en échec ; il reste à éliminer le système lui-même qui a permis l’existence de ce « Roi » (2). Alors, finira la phase un du mouvement populaire actuel.

Et, alors, commencera la phase deux. C’est le travail le plus difficile : non pas détruire, mais construire un nouveau système social d’où toute forme d’injustice sociale soit bannie.

Élections et débats.

Pour le moment, toutes les voix (citoyennes, politiques, militaires, intellectuelles, etc.) semblent verbalement d’accord, : donner la parole au peuple. À ce sujet, on propose des élections finalement libres, autrement dit sans traficotage ni manipulation, finalisées par une nouvelle Constitution.

Cependant, une question se pose : comment une citoyenne et un citoyen peuvent-ils élire en toute connaissance de cause s’ils ne sont pas informés clairement, correctement, pleinement des intérêts en jeu ?… Et comment ce genre d’information est-il possible sans l’instauration des débats les plus libres, démocratiques et larges possibles ?

Que ces débats soient les plus libres, il semble que désormais le mouvement populaire est devenu si puissant qu’il rend possible cette liberté de débats.

Pour que ces débats soient démocratiques, il faut qu’y participent à parité entière toutes les composantes du peuple, sans aucune exclusion de position sociale, de sexe, d’âge, d’ethnie, de spiritualité. C’est dire l’application rigoureuse du principe d’égalité entre tous les citoyens.

Pour que ces débats soient les plus larges possibles, il faut que les habitants de toutes les parties du territoire national, ainsi que les membres de la diaspora à l’étranger, y participent : du douar et du bidonville les plus isolés au quartier le plus central des villes et de la capitale, en passant par toutes les positions intermédiaires.

Et encore : que les langues de communication ne soient pas limitées à l’arabe classique et au français, mais soient d’abord les langues maternelles du peuple : arabe algérien et tamazight. Je n’ai jamais compris comment des leaders prétendant s’adresser au peuple lui parle dans un idiome autre que celui qu’il comprend le mieux, lequel est celui de sa vie ordinaire (3).

Et, enfin, que les leaders qui se proclament démocrates et laïcs, pour ne pas être soupçonnés de manipulation idéologique du peuple, ne commencent pas leur discours par une invocation religieuse, laquelle devrait se cantonner au domaine de la croyance privée.

Compter sur ses propres forces.

Toute personne, même la non instruite, si elle est pourvue du simple bon sens, le sait : on n’est jamais mieux servi que par soi-même. En terme social, cela veut dire que les opprimé-e-s ne peuvent être sauvé-e-s que par eux-mêmes. En son temps, un poète-cordonnier l’avait dit en chanson : « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes ». Les preuves de cet impératif sont désormais établies. En effet, chaque fois que des « leaders » plus ou moins charismatiques se sont auto-proclamés « Sauveurs » (évidemment « honnêtes », « Géniaux » et « infaillibles »), le bilan fut tragique pour le peuple. Désormais, nous disposons du bilan des soit disant « démocraties populaires », à commencer par la prétendue république « soviétique » (4).

Pour parvenir à se sauver par lui-même, le peuple algérien, pour l’organisation de ses débats, peut s’inspirer d’une tradition populaire locale : celle des comités de village, pratiquée notamment en Kabylie. Avec cette différence essentielle, mise en évidence durant le « printemps » de 2001 : que les protagonistes de ces assemblées ne soient pas les notables de sexe mâle du groupement local, mais des représentants librement élus par les membres du groupement local, sur mandat impératif. Et que ces représentants soient : 1) autant des hommes que des femmes, sachant que ces dernières sont plus opprimées que les premiers ; 2) autant de jeunes que de personnes âgées, les premiers fournissant leur énergie et leur savoir, et les seconds leur précieuse expérience sociale.

On a constaté, durant les manifestations populaires, l’émergence de comités citoyens de vigilance servant à veiller au bon déroulement des démonstrations de rues. Il reste au peuple à créer ses comités de gestion populaire. Oui, certes !… Le mot d’autogestion (ainsi que celui de « socialisme ») fut tellement manipulé dans le passé, par l’oligarchie dominante, que ce mot peut causer le rejet. C’est que l’oligarchie est parvenue à salir jusqu’aux termes les plus beaux, pour en détourner les opprimés qui pouvaient s’en inspirer. Donc, ne pas s’arrêter au mot. Appelons la forme d’organisation sociale de base comme l’on veut : auto-organisation sociale de base, comité d’autogestion, assemblée d’auto-gouvernement, « jma’a cha’biya » (assemblée populaire), tout ce que l’on veut ; l’essentiel est que la forme d’organisation soit l’émanation libre, égalitaire et solidaire des citoyens.

Un exemple pratique.

Qu’il me soit permis de citer une expérience personnelle ; elle me semble significative dans ce cadre de réflexion et de phase du mouvement populaire. En 1971, à l’Institut National de Formation Professionnelle des Adultes d’Alger, les travailleurs étaient mécontents du représentant de la section syndicale U.G.T.A., parce qu’il était le représentant non pas de ses élus mais l’agent servile du directeur de l’Institut, au détriment des travailleurs. Lors des élections de 1972 pour choisir le nouveau représentant de la section syndicale, les travailleurs me firent l’honneur de me proposer comme candidat. Fidèle à ma conception autogestionnaire, j’ai suggéré que l’un des travailleurs eux-mêmes soit choisi pour ce mandat. Cependant, les travailleurs insistèrent pour me proposer, justifiant leur choix par le fait que je possédais les aptitudes et le temps les plus adéquats pour ce rôle. J’ai fini par accepter, à une condition, qui fut la suivante.

Une fois élu par les travailleurs (avec, cependant, l’hostilité minoritaire de certains professeurs de l’Institut, qui me voyait comme menace pour leurs privilèges), voici comment j’agissais. Contrairement au représentant syndical précédent, je tenais régulièrement l’assemblée des travailleurs chaque mois. Durant la rencontre, j’enregistrais sur la page gauche d’un cahier les doléances des travailleurs. J’agissais donc comme simple secrétaire. Puis, le jour suivant, j’allais trouver le directeur de l’Institut auquel je présentais le cahier, en lui demandant de répondre aux doléances sur la page droite du même cahier. Bien entendu, ce directeur (qui, par ailleurs, se déclarait soucieux du « peuple », et représentant de l’État « démocratique et populaire ») fournissait des réponses totalement inadéquates. Alors, durant l’assemblée mensuelle suivante des travailleurs, je les informais du résultat négatif. Ainsi, ils comprenaient que le directeur en question n’était qu’un technocrate-bureaucrate pour lequel seuls comptaient son salaire et ses privilèges, et, pour en bénéficier, il appliquait servilement les directives d’un État qui se révélait être une oligarchie étatique, malgré les déclarations en faveur du peuple.

Résultat : après quelques mois de ce genre d’assemblée avec les travailleurs, la hiérarchie syndicale me destitua de mon poste syndical pour « agitation subversive », et la direction de l’Institut décida mon déplacement dans un centre de formation professionnel sous le prétexte que je n’étais plus « utile » à l’Institut (5). Ajoutons à ce fait que les « soutiens critiques » du régime, partisans du PAGS, partageaient les décisions dont j’étais victime.

Cet exemple démontre deux faits.

D’une part, mettre ses propres connaissances au service du peuple est simple : il suffit de se cantonner à être le porte-voix honnête de ses revendications légitimes, par l’intermédiaire d’une organisation sociale où ce peuple librement s’assemble, débat, se consulte, prend ses décisions de manière démocratique et majoritaire, enfin choisit de la même manière un représentant pour formuler ses revendications à la personne étatique chargée de les examiner et de les satisfaire.

Le second fait que montre cette expérience est le suivant : tout représentant d’une autorité étatique refusera, sous n’importe quel prétexte fallacieux, de satisfaire les revendications légitimes du peuple, tant que que ce représentant est l’émanation d’une autorité étatique qui est en réalité une oligarchie dominant le peuple. Par conséquent, ce même représentant étatique trouvera le moyen d’éliminer tout représentant authentique du peuple. Donc, seul un représentant authentique du peuple est en mesure de satisfaire ses droits légitimes. Et, pour être authentique, il faut que ce représentant soit l’émanation du choix réel du peuple, et non d’une oligarchie dominante qui le nomme à ce poste, pour la servir.

Représentation authentique du peuple.

De l’exemple précédent découlent les observations suivantes.

De la plus petite organisation populaire de base jusqu’à l’organisation appelée État, en passant par les organisations intermédiaires sous toutes leurs formes (territoriales et d’activité sociale), la démocratie réelle ne peut se concrétiser qu’aux conditions suivantes :

1) que le représentant de la communauté sociale (comité, association, assemblée, etc.) soit élu de la manière la plus démocratique, donc libre, égalitaire et solidaire ;

2) que ce représentant se cantonne à formuler les revendications légitimes de ses mandataires auprès du représentant correspondant de l’autorité étatique ;

3) que ce dernier réponde de manière claire, complète et positive aux revendications populaires formulées, autrement il ne peut se prévaloir de représenter le peuple, et doit, par conséquent, se démettre de sa fonction pour la laisser à un représentant authentique du peuple.

Oui ! Ce système organisationnel est possible de la base locale au centre national. Notons qu’ici le mot « sommet » n’est pas employé, parce qu’une organisation réellement démocratique exclut la hiérarchie autoritaire, pour ne pratiquer que la coopération consensuelle.

Par « base » s’entend toute association qui réunit des citoyens autour d’une activité spécifique : habitat, travail, études, loisirs, etc. Dans ce schéma sont considérées toutes les formes d’association sociale, y compris les activités politiques, judiciaires, administratives, policières, militaires, culturelles, spirituelles, etc. Cela signifie que le principe fondamental est le suivant : élection libre et démocratique (sur base majoritaire et impérative) de tout représentant à une fonction sociale, en excluant toute forme de nomination ; cette dernière est toujours susceptible de créer une oligarchie dominatrice. C’est cela la radicalité, c’est-à-dire régler les problèmes sociaux à la racine. Autrement, on reste dans le bricolage, toujours favorable à une forme d’oligarchie, au détriment du peuple.

Coopération solidaire contre hiérarchie autoritaire.

Bien entendu, la conception sociale ici présentée sera rejetée par toute mentalité obsédée par l’autorité et son complément, la hiérarchie. De fait, toute personne jouissant de privilèges sociaux, même en se proclamant « démocrate » ou, plus encore, « révolutionnaire », bénéficie de cette structure autoritaire hiérarchique, parce que cette personne y vit et en jouit. Cette personne ne peut donc pas scier la branche sur laquelle elle est assise. Il s’ensuit que cette personne présente tous les prétextes (généralement enjolivés de « science », « raison », « pragmatisme », « sagesse », et même de « marxisme » ou de « volonté divine ») pour dénoncer l’auto-organisation populaire comme « inadéquate », « illusoire », « archaïque » et même anarchiste dans le sens de désordre. En occultant un fait : le réel désordre social est celui basé sur l’exploitation-domination de l’être humain par son semblable, tandis que l’authentique ordre social exclut cette tare, en la remplaçant par la coopération solidaire entre tous les êtres humains sans distinction.

Cependant, l’expérience historique des peuples montre que la conception opposée à celle autoritaire hiérarchique, à savoir celle coopérative consensuelle, fut et demeure possible, que c’est même l’unique conception en mesure d’établir un système social d’où est exclue toute forme d’injustice sociale, laquelle est caractérisée par trois fléaux : exploitation économique, domination politique et conditionnement idéologique.

Ceci dit, il faut reconnaître que la néfaste (pour le peuple) mentalité autoritaire hiérarchique est dominante dans le monde entier, y compris dans le marxisme - ne l’oublions jamais ! -, au point d’avoir fait faillir toutes les révolutions jusqu’à aujourd’hui apparues sur la planète, à commencer par celle bolchevique. Oui ! Il est indispensable de le rappeler pour démasquer l’imposture et l’occultation à ce sujet, et ne pas risquer d’en voir une autre édition en Algérie ou ailleurs. Cela ne signifie en aucune manière la légitimité de cette mentalité autoritaire hiérarchique, même et surtout parée de la « bonne » intention de « servir le peuple ». A-t-on jamais vu une oligarchie dominante, quelque soit son idéologie, déclarer autre chose que de « servir le peuple » et la « nation » ?

Le problème est que les peuples ne sont pas encore parvenus à mettre définitivement fin à ce genre d’idéologie manipulatrice démagogique, pour établir une société de coopération consensuelle. Cette dernière forme de société devrait arriver, ou, alors, c’est la fin de l’espèce humaine par une apocalypse nucléaire. Car la mentalité autoritaire hiérarchique est toujours et par nature source de conflits sanglants, pouvant aller jusqu’à la dernière guerre sur cette planète, dernière parce qu’elle supprimera l’espèce humaine (6).

Paroles de Larbi Ben Mhidi.

Il aurait dit : « Jetez la révolution dans la rue, le peuple s’en emparera ». Dans le contexte actuel cela signifie : que le peuple se crée ses propres organisations-assemblées de base, partout et dans toutes les secteurs d’activité sociale, qu’il débatte de manière libre et égalitaire en ce qui concerne ses intérêts (qui sont ceux de la nation), qu’il prenne ses décisions de manière démocratique (sur base majoritaire), qu’il désigne ses représentants avec mandat impératif… Alors, et seulement alors, des élections (et une Constitution) auront leur sens véritable, seront l’émanation de la volonté populaire, parce que ce peuple aura suffisamment débattu des enjeux réels de la patrie qu’il habite.

On objectera avec raison : mais entre-temps, comment diriger le pays ?… Quelque soit la forme choisie, une seule condition est impérative : que les dirigeants provisoires du pays permettent (leur demander d’encourager serait peut-être trop, à moins qu’ils aient un esprit autogestionnaire) l’instauration de ces débats populaires libres, égalitaires et solidaires, dans le but d’arriver aux élections qui, elles aussi et alors, seront libres, égalitaires et solidaires. Alors, de ces élections émaneront les représentants légitimes, de la périphérie au centre du pouvoir populaire. Autrement, le mouvement populaire, en Algérie comme cela fut toujours et partout ailleurs, accoucherait à son insu d’une nouvelle forme de domination oligarchique, quelque soit les déclarations que ses membres feraient. Ce fut le cas depuis la Révolution française de 1789 jusqu’à toutes les « révolutions » contemporaines, sans aucune exception.

Afin d’éviter ce néfaste résultat, il est vrai que l’action populaire sera ardue, mais elle ne sera pas compliquée ni empêchée, et cela à trois conditions.

D’abord, le peuple doit être (ou parvienne à être) suffisamment conscient des enjeux en cours, au-delà des slogans formulés durant les manifestations de rue. Cela implique qu’il connaisse tous ses droits, sache comment les concrétiser de manière réellement démocratique (libre, égalitaire et solidaire), et déjoue toutes les manipulations internes et externes.

Ensuite, l’institution militaire, qui détient désormais le pouvoir étatique, devrait consentir à la volonté populaire de réaliser le changement radical du système social. À ce sujet, M. Gaïd-Salah, chef d’État-major de l’armée, a déclaré : « Nous soutiendrons le peuple jusqu’à ce que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites». Pour sa part, le peuple a répété, dans les rues : « chaab djeich, khawa khawa » (peuple, armée : frères, frères)… Cependant, le peuple doit se rappeler que ce sont d’abord et principalement ses manifestations pacifiques et résolues qui sont à l’origine du commencement de la fin du système inique qui a dominé le pays jusqu’à aujourd’hui, et que l’institution militaire, après des atermoiements, a fini par suivre le mouvement populaire en le soutenant. Cette dernière soutiendra-t-elle le peuple jusqu’à lui permettre vraiment « que ses revendications soient entièrement et totalement satisfaites » ? Là serait alors la révolution tant désirée par Larbi Ben Mhidi et par le peuple, dont l’armée serait alors réellement son émanation authentique.

Enfin, il faut que toute personne et toute organisation, se considérant démocrate en Algérie, non seulement se reconnaissent et se réunissent pour œuvrer ensemble (7), mais encore que ces personnes et organisations rejoignent le peuple, pas uniquement durant ses manifestations de rue, pas pour le « diriger », mais pour l’aider, en se cantonnant à fournir au peuple leurs connaissances, afin qu’il s’auto-organise de manière libre, égalitaire et solidaire. Le peuple a mis les démocrates devant leur responsabilité : se servir du peuple ou le servir. Juger cette considération comme étant du « populisme », ainsi que le déclareraient certains dirigeants de partis politiques ou membres de l’« élite intellectuelle », se déclarant pourtant démocrates, est simplement une manière de vouloir chapeauter le mouvement populaire à leur seul bénéfice. Comme l’hydre, la mentalité autoritaire hiérarchique, donc oligarchique, a plusieurs têtes, dotées de masques divers. Il est vital pour le peuple de s’en rendre compte pour ne pas passer d’un dominateur à un autre, plus subtil, parce que moins brutal, mais néanmoins dominateur.

Désormais, l’énergie populaire dépensée à manifester hebdomadairement dans les rues, - et qui a abouti victorieusement à l’élimination du « Roi » du système mafieux -, devrait, - pour ne pas être récupérée par une oligarchie dominante inédite ou s’essouffler inutilement -, se transformer le plus vite possible en énergie consacrée à auto-construire quotidiennement les organisations populaires autonomes. Elles seules, et uniquement elles, sont les bases d’édification d’une république authentiquement démocratique, laquelle n’a pas besoin de « Sauveur », celui-ci étant le peuple lui-même, à travers ses organisations et ses représentants authentiques. Et que vive l’Algérie d’un peuple libre, égalitaire et solidaire !

Cet idéal anima les moudjahidines qui lui donnèrent l’indépendance nationale, en espérant que leur sacrifice aboutirait à l’établissement d’une communauté de liberté, d’égalité et de solidarité. Le peuple algérien réussira-t-il là où, malheureusement, tous les autres peuples de la planète, malgré leur admirable courage, leur splendide intelligence et leur magnifique générosité, furent finalement vaincus et dominés par une oligarchie nouvelle, et cela depuis 1789 ? La réponse appartient à la capacité du peuple, d’abord, et, ensuite, à celle de ses réels amis, civils et militaires.

_____

(1) Voir https://www.algeriepatriotique.com/2019/03/13/trois-oui-trois-non-et-deux-conditions/

(2) https://www.algeriepatriotique.com/2019/04/02/le-systeme-pourquoi-et-comment-le-changer/

(3) Voir « Défense des langues populaires : le cas algérien », librement disponible ici : http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_langues_populaires.html

(4) Voir Voline, « La révolotion inconnue », disponible ici : http://kropot.free.fr/Voline-revinco.htm 

(5) Détails in « Éthique et esthétique au théâtre et alentours », PARTIE IV. ENTRACTE ou LE THÉÂTRE DE LA VIE / 3. Au plus profond de la grotte du tigre, disponible ici : http://www.kadour-naimi.com/f-ecrits_theatre.html

(6) Voir https://www.algeriepatriotique.com/2019/01/28/autogestion-ou-apocalypse/

(7) Proposition du PLD, 03 avril 2019.

Publié sur Le Matin d'Algérie, le 04 avril 2019 , et Algérie Patriotique, le 15 avril 2019.

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 24 Janvier 2020

REPRÉSENTATION DU MOUVEMENT POPULAIRE ALGÉRIEN :  CONTRADICTIONS ET PARADOXES

Représentation ?… Non, merci !

 

Un ami m’écrit :

« Je discutais hier avec un hirakiste pur et dur engagé et mobilisé depuis le 22 février à ce jour. Je lui ai posé cette question simple : « Le Hirak a trois slogans fondamentaux : yetnahaw gaâ [Qu’ils dégagent tous], pas de représentants du Hirak et silmia [pacifisme]. Abstraction faite du troisième qui a permis à GS [l’ex-chef d’État-major Gaïd Salah] de mettre à exécution sa feuille de route du début jusqu'à la fin, la mise en pratique des deux premiers donnerait ceci : tous les responsables se retireraient du pouvoir et de l'administration et personne ne les remplacerait puisque le Hirak qui exige cela refuse d'être représenté. Qui prendra les commandes alors ?" Mon interlocuteur a beugué. »

L’auteur de ce commentaire est un compatriote qui se bat depuis très longtemps pour l’établissement d’une authentique démocratie en Algérie, par conséquent, il soutient et défend le Mouvement populaire avec tous les moyens à sa disposition.

Quant à l’auteur du texte qui suit, depuis le 29 février 2019 (1), il attire l’attention sur le fait de ne pas se limiter au « cri » des marches hebdomadaires, mais à la nécessité stratégique d’auto-organiser le Mouvement populaire, pas seulement pour marcher, mais pour réfléchir, échanger des idées, établir une plateforme commune de revendications permettant la création d’un Front uni, basé sur des structures territoriales, et, enfin, débouchant sur l’élection démocratique de représentants sur mandat impératif.

Mais, voilà : le Mouvement populaire ne dispose pas de représentants dûment élus et de manière démocratique.

 

Objections et réfutations.

 

On connaît les diverses objections.

1) Ces représentants seraient emprisonnés ou récupérés.

Mais ces phénomènes sont caractéristiques de tout mouvement social, depuis toujours dans le monde. C’est là un risque auquel il faut trouver une solution. À moins que le Mouvement populaire algérien croit ne disposer que de très peu de citoyens et citoyennes capables d’agir comme représentants, et que, s’ils seraient emprisonnés ou récupérés, il n’y aurait plus d’autres citoyens et citoyennes capables de les remplacer. Ce serait, alors, reconnaître une grave carence du Mouvement populaire en terme de nombre de citoyens-ennes capables d’assumer le rôle de représentants. Pourtant, selon le diction, les cimetières sont remplis de personnes que l’on croyait indispensables.

2) Ces représentants existent déjà, mais ils sont en prison.

Mais des militants et militantes du Mouvement populaire jetés en prison, de quel droit seraient-ils des représentants de ce mouvement ?… Un mouvement authentiquement démocratique ne doit-il pas prendre la peine d’organiser des élections pour se choisir des représentants, et que ces derniers le soient sur base de mandat impératif, afin de veiller au respect de la mission confiée, notamment au risque de récupération des représentants ?

3) Les comités ou assemblées en comités sont interdits par les autorités étatiques, dès lors comment se réunir ?

Pourtant, des associations diverses existent et agissent, malgré les difficultés causées par les autorités étatiques, ceci d’une part. D’autre part, avant le 22 février 2019, les manifestations publiques devaient demander l’autorisation étatique pour avoir lieu ; néanmoins, le 22 février, elles eurent lieu sans aucune autorisation, et, depuis, se répètent chaque semaine… Alors, des citoyens qui ont su imposer des manifestations publiques, que penser du fait que ces mêmes citoyens soient incapables d’imposer également l’existence d’assemblées et de comités territoriaux ?

Ajoutons ce fait : malgré les arrestations, y compris de personnalités, les marches hebdomadaires se poursuivent. Dès lors, pourquoi le risque d’arrestations justifierait le refus de se doter de représentants élus ?

4) Il suffit que les marches hebdomadaires continuent et se renforcent jusqu’à faire chuter le régime en place, alors seraient organisées des élections où le Mouvement populaire élirait ses représentants. Certains même osent affirmer que ces marches pourraient durer des… années !

Où donc, sur la planète, un Mouvement populaire opéra ainsi ?… Uniquement dans les soit disant « révolutions colorées », et pour une durée limitée. Le résultat fut partout, et rapidement, l’élimination d’une oligarchie dominante et son remplacement par une autre, laquelle s’est révélée avoir manipulé la contestation populaire comme simple masse de manœuvre.

Une fois réfutées les objections ci-dessus, se pose la question : les personnes et personnalités qui, bien que participants au Mouvement populaire, ou le soutenant verbalement à partir de leur tour d’ivoire, lui dénient la nécessité de disposer de représentants élus, comment expliquer ce déni ?… Des hypothèses de réponses furent déjà exposées auparavant (2). Ajoutons une autre observation.

 

« Chaos créatif ».

 

Certaines personnalités et organisations (3) ont un intérêt certain à l’absence de représentation effective du Mouvement populaire. Leur stratégie est la suivante : que les marches hebdomadaires parviennent à causer un chaos en Algérie tel qu’il mettrait en difficulté les autorités étatiques, au point de faire sortir l’armée contre le peuple. Alors, ces personnalités et organisations dénonceraient la répression étatique contre le peuple, crieraient aux « droits humains » à défendre et appelleraient à l’ « aide » des puissances « démocratiques » pour éliminer la « dictature militaire » et établir la démocratie en Algérie.

Dans ce schéma, on reconnaît les cas irakien, libyen et syrien. Pour le cas libyen, la vidéo est visible (4) ; elle montre Mohamed Larbi Zitout, représentant de l’organisation « Rachad », justifier l’intervention même de l’armée colonialiste israélienne pour « porter secours » au peuple libyen massacré par le « dictateur » Gueddafi. On constate le résultat.

À ce propos, rappelons deux faits.

1) La théorie du « chaos créatif », formulé par l’ex-Secrétaire d’État U.S. Condoleezza Rice (5). En substance, il affirmait que pour créer le « nouveau Moyen-Orient », voulu par l’oligarchie impérialiste états-unienne et sa vassale l’oligarchie israélienne colonialiste (avec la complicité de leurs sous-vassaux, les monarchies pétrolières moyen-orientales), il fallait créer un chaos dans les nations de la région, et cela jusqu’en Afrique du Nord : contestation populaire contre les autorités étatiques, à un degré qui oblige l’armée à tirer sur les manifestants. Cet événement créerait une délégitimation de l’autorité étatique en place et la légitimation d’une intervention d’armées étrangères, avec le prétexte de venir en aide au peuple martyrisé par ses dictateurs, puis établir la « démocratie ».

À ceux qui déduiraient de cette observation que l’auteur méconnaît ou défend les dictatures, répondons que dénoncer les plans de l’impérialisme doit aller de pair avec la dénonciation des dictatures, et que la lutte contre les dictatures doit être l’action uniquement des peuples qui en sont victimes, sans aucune interférence étrangère, quelque soit son motif. Autrement, le résultat est sous nos yeux: en Irak, Libye, Soudan, Yémen, Syrie. Reste l’Algérie.

2) La théorie des « révolutions colorées ». Pour éliminer un régime politique, recourir uniquement aux manifestations populaires pacifiques, parfaitement organisées par des agents non identifiés, mais où, cependant, agissent publiquement des « militants » autochtones, comme « représentants spontanés » du mouvement social contestataire.

On constate le résultat partout. L’oligarchie dominante, désormais incapable de poursuivre son emprise, est remplacée par une nouvelle. Cette dernière est vassale notamment de l’oligarchie états-unienne, d’une part ; d’autre part, en ce qui concerne les « militants » autochtones, les plus rusés deviennent membres de la nouvelle oligarchie dominante, et les naïfs retrouvent l’anonymat sans aucun profit personnel.

En Algérie, il est évident que ces deux théories sont mises en action. Seuls les ignorants et les partisans des théories impérialistes le contesteraient. Cependant, jusqu’à présent, ces deux théories subversives sont mises en échec en Algérie, tant par le peuple que par l’autorité étatique.

Restent les menaces contre l’Algérie, constituées par la guerre dans la nation voisine, la Libye, notamment avec l’intervention de l’armée turque, et par des organisations terroristes sur la frontière sud, soutenues par les oligarchies impérialistes tout en prétendant combattre le « »terrorisme international ».

C’est dire combien le degré de conscience, de vigilance et de préparation doit être le plus élevé, tant parmi le peuple contestataire que l’armée et les autorités étatiques, afin que les problèmes algériens soient réglés uniquement par les citoyens d’Algérie, de manière pacifique, démocratique et sans aucune ingérence extérieure.

 

Perspective.

 

Une possibilité de solution semble se dessiner : les assises nationales du PAD (Pacte de l’alternative démocratique), qui devraient avoir lieu le 25 janvier prochain « pour l’alternative démocratique et pour la souveraineté populaire » (6).

C’est là, cependant, non pas l’émanation d’un processus d’élections démocratiques de représentants du Mouvement populaire, mais une initiative de personnalités qui pourrait en constituer une étape, un premier pas, une incitation, par la formulation d’une plateforme commune d’action. Celle-ci devrait logiquement être suivie par la constitution de structures de base territoriale (comités ou assemblées) pour discuter et améliorer le texte proposé, puis, espérons-le, déboucher sur un processus d’élection de représentants (sur mandat impératif) du Mouvement populaire.

Espérons que les onze mois de marches hebdomadaires et d’activités annexes de diverses formes d’associations citoyennes finiront par être une leçon pratique pour que le Mouvement populaire se dote enfin des moyens pratiques pour réaliser ses revendications fondamentales en terme de démocratie authentique, c’est-à-dire au service réel du peuple, donc de la nation algérienne.

_____

(1) « Du cri à l’organisation » in « Sur l’intifadha populaire en Algérie 2019 », librement accessible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-sur-intifadha-algerie-2019.html

(2) « Pourquoi le Mouvement populaire n’a pas d’auto-organisation ? » in http://kadour-naimi.over-blog.com/2020/01/pourquoi-le-mouvement-populaire-algerien-n-a-pas-d-auto-organisation.html

 (3) « Alliance Rachad et MAK : menace sur l’intégrité nationale » in « Sur l’intifadha... », o. c.

(4) ALGERIE rafaa156 JZR 20200119 in https://www.youtube.com/watch?v=7xrulE4kmTw&pbjreload=10

(5) K. Naïmi, point « 10.10. Théorie du « chaos créatif » dans l’ouvrage « La guerre, pourquoi ? La paix, comment ?... », librement accessible in https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-guerre-paix.html

(6) https://www.algeriepatriotique.com/2020/01/22/les-forces-du-pacte-de-lalternative-democratique-tiennent-leurs-assises-ce-samedi/

*

Publié sur Algérie Patriotique (24.01.2020) et La Tribune Diplomatique Internationale (24.01.2020).

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 2 Juin 2020

Politique, social et éducation

Observation empirique

 

L’examen objectif de l’histoire humaine montre ceci : le changement politique sans le changement social consiste tout au plus à changer de dirigeants politiques, d’oligarchie mais non de société. Le changement politique est mis en avant seulement par les personnes qui veulent conquérir le pouvoir étatique sans changer de système social.

Ce fait explique l’échec de toutes les révolutions ou tentatives de révolutions, y compris les plus fameuses : la Révolution française, la révolution russe et celles qui ont suivi. Cette constatation est surprenante uniquement pour les personnes qui ignorent les écrits de ceux qui, avant et pendant ce genre de révolution, avaient expliqué de manière très claire cette nécessité : le changement social prime et doit primer sur celui politique, et le premier garantit le second ; autrement, la priorité ou, pire, l’exclusivité accordée au changement politique ne fait qu’accoucher d’une forme inédite de domination sociale, éventuellement moins contraignante mais cependant domination.

N’est-ce pas le cas, en Algérie, du mouvement populaire déclenché le 22 février 2019 ?… Dès son apparition, l’auteur de ces lignes remarquait (1) que les marches hebdomadaires, réclamant un changement politique, n’étaient pas accompagnées par des actions montrant le désir d’un changement social. Au moins deux faits le prouvaient. 1) Après le passage des manifestants, le nettoyage des rues, volontaire par des manifestants, n’était pas précédé ou accompagné par un nettoyage dans les quartiers (à l’exception de certains villages en Kabylie). 2) L’organisation des manifestations hebdomadaires n’était pas précédée ni suivie par une organisation de base dans les quartiers pour discuter des problèmes sociaux à résoudre.

 

Temps et énergie

 

Il est vrai que le changement politique nécessite moins d’investissement en terme de temps et d’énergie que le changement social. D’où la facilité pour les personnes, ignorant les nécessités dans le domaine du changement social, de croire qu’en allant vite et avec le moins d’effort, on obtient le résultat escompté. L’histoire démontre qu’il s’agit là d’une erreur d’évaluation.

Il y a des cas où le changement social prépara et permit le changement politique. Par exemple, toute la production du siècle dit des « Lumières » eut ce rôle dans le surgissement de la Révolution française. Elle vit la classe bourgeoise éliminer celle féodale, et conquérir le pouvoir politique. Ainsi, elle a établi le changement social sous forme de société bourgeoise.

Par contre, les révolutions marxistes ont opéré un changement politique, par la conquête de l’État, sans parvenir à opérer le changement social nécessaire. Tout au contraire, les nouveaux dirigeants l’ont réprimé, car il menaçait leurs privilèges de nouvelle oligarchie dominante.

Ces États « socialistes » se sont écroulés, non à cause des agissements des adversaires capitalistes, mais d’abord et principalement suite aux contradictions internes entre le changement politique survenu (une nouvelle oligarchie prétendument au service du peuple) et le changement social non réalisé (une équitable répartition des ressources entre tous les citoyens). En fait, le « socialisme » proclamé était un capitalisme étatique qui finit par succomber suite, comme déjà dit, à ses contradictions internes.

Quant aux révolutions nationalistes, dont celle algérienne, le changement politique (de dirigeants étatiques) suite à l’indépendance, là aussi, ne s’est pas accompagné d’un changement social au bénéfice de la collectivité. D’où les tensions et conflits causés par le surgissement d’une classe parasitaire bureaucratico-compradore. Son intérêt est l’existence d’une dépendance économique par rapport aux puissances ex-coloniales et néo-coloniales, assuré par un sous-développement économique et même une régression sociale et culturelle (par rapport à l’époque de la guerre de libération nationale), régression où seul un esprit idéologiquement aveugle ou intéressé peut trouver quelque chose de « fécond ».

 

Education

 

Les propos ci-dessus ne signifient pas que les tentatives de changement politique ne sont pas à considérer, mais qu’il est indispensable de les placer dans le cadre d’un changement social, si l’on veut que ce dernier produise des résultats positifs (bénéfique à la collectivité dans son ensemble).

Certes, la mentalité dominante (pressée, et apparemment « réaliste ») croit qu’il faut conquérir l’État pour, ensuite, changer la société. L’observation empirique démontre le contraire. C’est le changement social qui garantit le changement politique correspondant.

Considérons l’Algérie actuelle. Comment serait-il possible qu’un changement politique puisse produire un satisfaisant changement social, tant que le nombre de centres culturels reste dérisoire, tant que des universités populaires autogérées sont inexistantes, tant que les productions intellectuelles et artistiques libres et autonomes restent infimes, tant que la connaissance et la culture émancipatrices sont l’exception, tant que les « élites » intellectuelles demeurent généralement intéressées d’abord par l’opportunisme carriériste, tant que les femmes restent victimes du machisme masculin, tant que l’école et l’université sont d’un niveau déplorable, tant que les citoyens attendent tout de l’État et rien d’eux-mêmes (pas même au niveau de la propreté des lieux publics), tant qu’ils croient au « mektoub » (« fatalité ») avant de considérer leur propre responsabilité dans leurs actes ?… Que l’on ne recourt pas à la sempiternelle excuse «L’État nous interdit ceci et cela ! ». Pour y remédier, il y a l’imagination créatrice au service de l’émancipation, à condition d’y mettre la convenable volonté. Pas facile ?… Où donc ce fut facile ?

« Alors, inutile d’exiger un changement politique ? Le mouvement populaire, les manifestations publiques ne serviraient-ils à rien ? »… Pas du tout ! Toute action citoyenne émancipatrice est la bienvenue. À condition de l’insérer dans son cadre social, qui, nous l’avons dit, exige temps et énergie spécifiques, et que cette action soit réellement autogérée par les citoyens, à travers des organisations de base démocratiques, fonctionnant sur mandat impératif.

Voici l’enseignement fourni par l’histoire des peuples. Tout changement, pour l’être réellement, doit opérer non seulement sur le terrain politique mais également social, sur base d’une éthique correspondante. Ce but est réalisable d’abord et principalement par une action dans le domaine de l’éducation. Pour que cette dernière soit émancipatrice, elle doit non pas produire des robots conditionnés à un servilisme quelconque, mais former des citoyens libres, égalitaires et solidaires.

_____

(1) Voir « Sur l’intifadha populaire en Algérie 2019 », disponible in http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_sur_intifadha.html

*

Publié sur

Algérie Patriotique (02 juin 2020) et La Tribune Diplomatique Internationale (02 juin 2020)

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #EDUCATION-CULTURE, #PEUPLE-DEMOCRATIE

Repost0

Publié le 8 Février 2020

« La Fourmi et l’Éléphant » :  épopée du peuple vietnamien

À l’occasion de la commémoration de la fondation, le 3 février 1930, du Parti qui a dirigé victorieusement la résistance vietnamienne contre le colonialisme français puis l’impérialiste états-uniens, il semble utile de rappeler à la mémoire une œuvre théâtrale algérienne. Elle retraça cette épopée à la salle El Mouggar, à Alger, en 1971, en pleine agression états-unienne.

La pièce s’intitulait « La Fourmi et l’Éléphant », une création collective du Théâtre de la Mer, dirigé alors par l’auteur de ces lignes.

L’œuvre fut un théâtre total, contenant texte parlé, chants, musiques, ballets de forme vietnamienne et la projection d’un documentaire d’archives. La représentation durait trois heures trente.

 

Pourquoi le choix de cette pièce ?

En 1971, l’oligarchie au pouvoir en Algérie soutenait la résistance du peuple vietnamien contre l’agression impérialiste états-unienne. Cependant, les moyens de communication officiels algériens n’expliquaient jamais le secret de cette épopée : comment un petit (en nombre d’habitants) peuple de paysans et d’ouvriers, d’un pays essentiellement agricole, économiquement sous-développé, aux moyens militaires très limités, comment donc ce peuple a pu vaincre militairement l’armée coloniale française, en lui infligeant la stratégique et symbolique défaite de Dien Bien Phu ; puis, comment ce même peuple continuait à résister victorieusement à la plus puissante armée mondiale, celles des États-Unis.

« La Fourmi et l’Éléphant » se proposait de donner l’explication de cette épopée : comment les « fourmis » (avec ce mot, la propagande raciste stigmatisait avec mépris les peuples asiatiques) affrontaient victorieusement l’ « Éléphant » qu’était la plus grande puissance militaire du monde, mais se comportant comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Ce furent les motifs de cette épopée vietnamienne que « La Fourmi et l’Éléphant » se proposait de révéler.

 

Contenu.

La pièce : 1) mettait en relief le rôle fondamental du Parti politique qui organisait et dirigeait les luttes populaires : un Parti essentiellement de paysans et d’ouvriers, avec la contribution d’une élite intellectuelle à leur total service ; 2) évoquait le problème de l’importance de la langue populaire ; 3) montrait le rôle patriotique de la spiritualité ; 4) soulignait l’importance des minorités ethniques. Voici quelques extraits :

« Luttes pour le riz et la liberté : La lutte de classes.

COMMENTAIRE :

Mais, cette nation unifiée

­- comme toutes les nations -

n’a pas un corps social homogène.

En elle existe la lutte des classes,

à travers les contradictions profondes

qui se manifestent au sein de la nation,

la lutte des classes,

à chaque instant moteur de l’histoire.

La contradiction fondamentale

oppose

ceux qui travaillent la terre

et ceux qui en profitent. »

Quant au Parti qui dirigeait la résistance, ses mots d’ordre étaient : « 1) Renverser l’impérialisme français, le féodalisme et la bourgeoisie réactionnaire au Viet Nam, 2) Conquérir l’indépendance complète de l’Indochine, 3) Former un gouvernement des ouvriers, des paysans et des soldats, 4) Confisquer les banques et autres entreprises aux impérialistes et les placer sous le contrôle du gouvernement des ouvriers, des paysans et des soldats, 5) Confisquer toutes les plantations et tous les autres biens des impérialistes et des bourgeois réactionnaires vietnamiens pour les distribuer aux paysans pauvres, 6) Appliquer la journée de travail de huit heures, 7) Abolir les emprunts forcés, la capitation et autres impôts exorbitants pour les pauvres, 8) Promouvoir les libertés démocratiques en faveur des masses, 9) Dispenser l’instruction à tous, 10) Réaliser l’égalité des sexes. »

En outre, les spectateurs entendait ce genre de discours :

« Combien y a-t-il de sortes de révolutions ?

Il y a deux sortes de révolutions :

A- Quand le Viet Nam chasse les Français, l’Inde les Anglais, la Corée les Japonais, les Philippins les Américains, la Chine les divers impérialistes pour recouvrer la liberté et l’égalité, ils font une révolution nationale.

B- Quand tous les paysans et ouvriers, de n’importe quel pays, dans n’importe quel endroit dans le monde s’unissent comme les frères d’une même famille pour renverser tous les capitalistes, de sorte que chaque paysan, chaque peuple puisse jouir du bonheur, et que se réalise la fraternité universelle, c’est la révolution mondiale.

Ces deux révolutions diffèrent l’une de l’autre, car la révolution nationale n’est pas encore une révolution de classe, autrement dit dans cette révolution, les intellectuels, les paysans, les ouvriers, les commerçants et les industriels sont unanimes pour s’opposer aux agresseurs. Dans la révolution mondiale, ce sont les prolétaires (ouvriers et paysans) qui sont aux premiers rangs. »

 

Succès.

À la première représentation de la pièce, une délégation de l’ambassade vietnamienne fut présente ; en conclusion du spectacle, elle témoigna son appréciation par un gros bouquet de roses rouges.

Le succès de la pièce, tant public que de critique, fut appréciable. Concernant cette dernière, on lisait : « cette pièce aura vraiment laissé une empreinte et non des moindres dans l'évolution du jeune théâtre amateur. » « Théâtre expérimental, il pourrait être source d'originalité, contribuant ainsi à la rénovation du monde théâtral. » « Le Théâtre de la Mer doit exister à des milliers d'exemplaires dans une Algérie (...) » (1)

 

Occultation.

Malgré ce succès reconnu, la pièce eut des mésaventures.

Des pressions venant de personnages envoyés en toute apparence par l’État obligèrent à l’interruption des représentations, après la quatrième. Cette réaction n’était pas surprenante. En effet, le genre de contenu, tel que mentionné ci-dessus, pouvait-il laisser indifférent le spectateur algérien, et, par conséquent, les détenteurs de l’État qui veillaient à son endoctrinement selon leurs intérêts d’oligarchie ?

Entendre ces propos sur une scène d’un théâtre étatique important d’Alger, c’était trop pour l’oligarchie de l’époque : elle avait usurpé le pouvoir suite à l’indépendance, dominait le peuple par la terreur et, déjà, commençait à employer les aspects religieux, ethnique et linguistique pour diviser ce peuple, tout en niant l’existence des classes sociales, au nom, - l’imposture -, du « socialisme » et de la « révolution ». Dès lors, dans une société algérienne où toute voix non conforme à l’idéologie dominante était interdite, « La Fourmi et l’Éléphant » fut considérée une manière indirecte, en parlant du Viet Nam, de faire de l’agitation subversive en faveur de l’émancipation du peuple algérien. Dans toute dictature, la culture libre est de fait subversive. Quand l’oligarchie ne peut pas la neutraliser et récupérer par l’argent et la « gloire » médiatique corrupteurs, elle lui oppose le revolver, selon la formule d’un oligarque nazi.

On se demanderait : dans ce cas, comment « La Fourmi et l’Éléphant » a pu être présentée à la salle étatique prestigieuse d’El Mouggar, dans la capitale ?… Parce que, par chance miraculeuse, le directeur, alors, était un ex-officier de l’armée, doté d’une culture admirable et d’une conception sociale réellement démocratique populaire. Il assista aux répétitions et fut content de la pièce (2).

L’autre mésaventure de la pièce fut sa totale occultation par la suite. S’il était dans la logique de l’oligarchie dominante que cette occultation soit accomplie par les moyens de communication étatiques, l’inattendu fut une seconde occultation systématique. Cette dernière fut commise par les moyens de communication contrôlés par le camp appelé « progressiste ». Ce fait, pas vraiment surprenant, a des motifs : une connivence entre la « caporalisation » idéologique de l’opposition au régime étatique par un parti stalinien, le PAGS, et des intérets bassement individuels de caste intellectuelle « progressiste » (3).

Il reste que « La Fourmi et l’Éléphant » est une œuvre algérienne à connaître, peut-être inspiratrice, pour les personnes intéressées par une forme de théâtre original, mêlant tous les arts à la fois, présentant une forme épique, et offrant un contenu au service réel du peuple des travailleurs (4).

_____

(1) Un exposé détaillé sur la genèse, l’écriture, la réalisation et l’accueil de la pièce se trouve in « Éthique et esthétique au théâtre et alentours », Livre 1 : En zone de tempêtes, point 9. Théâtre total : La Fourmi et l’Éléphant (1971). L’ouvrage est librement disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-theatre-oeuvres-ecrits%20sur%20theatre_ethique_esthetique_theatre_alentours.html

(2) Pardon de la défaillance de mémoire au sujet de son nom.

(3) Le tout est exposé dans l’ouvrage cité, Livre 2 : « Écriture de l’histoire avec la gomme ou le prix du silence ».

(4) La version française du texte de la pièce est librement disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-theatre-oeuvres-pieces_ecrites.html

 

Publié sur Algérie Patriotique (07.02..2020) et La Tribune Diplomatique Internationale (07.02.2020).

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #THÉÂTRE

Repost0

Publié le 12 Septembre 2019

Est-il possible de concrétiser les revendications populaires ?

Après six mois de manifestations hebdomadaires, de manière nationale, unie, organisée, pacifique en affrontant tous les aléas (ramadan, vacances, chaleur estivale, blocages policiers, arrestations de militants, etc.), la question qui se posait déjà au départ de cette intifadha (soulèvement) populaire (1) reste problématique. Mais avec le temps, cette question, déjà cruciale pour le succès ou l’échec de l’action collective populaire, devient de première urgence : comment concrétiser les revendications des manifestants hebdomadaires, et cela, en évitant que le soulèvement populaire aboutisse uniquement à sa manipulation pour le changement d’une composante de l’oligarchie dominante par une autre ? Un slogan des manifestants montre cette inquiétude, en dénonçant non pas une « issabâ » (une bande, un clan) mais des « issabâte » (des bandes, des clans).

Seconde phase.

En effet, dans ce soulèvement populaire, pourquoi encore l’absence de passage à la deuxième phase, celle de création d’une organisation autonome et représentative de ce soulèvement ?

En participant aux marches du vendredi et en assistant à des forums citoyens (2), j’ai remarqué une forme d’organisation efficace de ces activités. Mais pourquoi n’est-elle pas parvenue jusqu’à former des comités populaires locaux et autonomes, en mesure de fournir à l’action revendicative citoyenne les instruments transformant les exigences légitimes proclamées pendant les marches et les forums en programme concret pratique, doté de ses mandataires élus par ces comités populaires sur mandat impératif ? Quelque soient les motifs de cette carence, celle-ci ne démontre-t-elle pas la faiblesse stratégique de ce mouvement populaire, nonobstant ses indéniables qualités dans sa première phase de protestation de rue et de négation du système social dominant ?

Suffit-il de dénoncer le « panel » de « discussion » comme émanation des détenteurs du pouvoir, et, donc, comme non représentatif des revendications du peuple ?… Qu’a donc le mouvement populaire à proposer, lui, comme programme constructif, avec ses propres représentants, mandatés impérativement pour concrétiser ses revendications, proclamées lors des manifestations hebdomadaires ?… Depuis des mois, certains, dont l’auteur de ces lignes, rappellent la nécessité fondamentale pour le mouvement de protestation hebdomadaire de se doter d’institutions autonomes démocratiques, propres à ce mouvement, dans le but de dialoguer, négocier, confronter, exiger, etc. (que l’on emploie le verbe le plus adéquat). Et c’est vrai qu’il faut agir le plus vite possible, toutefois avec le maximum de sagacité pour éviter les multiples pièges tendus par les adversaires tant internes qu’externes du mouvement populaire.

Pourquoi, donc, pas encore une organisation au niveau national, unie dans sa diversité, démocratiquement élue, synthétisant les multiples exigences légitimes du peuple, pour représenter de manière fidèle le mouvement populaire ?… Peur de voir ces représentants changer casaque et trahir le mouvement ?… Le mandat impératif garantit d’éviter ce genre de risque… Peur de voir des représentants authentiques du peuple emprisonnés, voire agressés ?… Ce risque fait partie de l’action, et, pour l’éviter, des mesures préventives doivent être appliquées. Les changements sociaux radicaux impliquent des risques qu’il faut savoir déceler correctement et résoudre efficacement. Des expériences semblables ont existé dans le monde ; il s’agit de les connaître et de s’en inspirer. Et le plus vite possible ! Car le temps est, quoiqu’on veuille, un élément décisif ; et il semble jouer contre l’action populaire. En effet, du coté des détenteurs du pouvoir, les méthodes typiques du système social contesté reprennent : blocages policiers de points névralgiques de la capitale, actions répressives de plus en plus nombreuses, interdictions de réunion des partisans d’une transition, d’une part, et, d’autre part, la création du « panel », et les actions pour convaincre une partie des citoyens d’adopter la feuille de route des détenteurs de l’État (voir les « interviews » de citoyens dans les chaînes de télévision nationales et privées).

Mais du coté du mouvement populaire, rien de ce type d’initiative. Il reste aux manifestations hebdomadaires, en ajustant cependant les slogans revendicatifs, et quelques forums qui ne parviennent toutefois pas à s’élargir à d’autres endroits des villes, notamment dans les quartiers populaires. Il ne s’agit pas, ici, de griefs avancés contre le mouvement populaire, mais simplement de constatations : reconnaître les mérites indéniables du soulèvement doit aller de pair avec le constat de ce qui semble être ses faiblesses, afin de leur trouver les solutions indispensables.

« Dégager » et s’engager.

Manifester hebdomadairement crée et maintient, certes, une pression non négligeable sur les détenteurs du pouvoir, mais, certainement, ne suffit pas pour les convaincre ni de « dégager » ni de satisfaire les revendications légitimes du mouvement populaire. En effet, s’ils « dégagent », qui mettre à la place ? Et peut-on s’attendre à ce que ces détenteurs du pouvoir consentent à « dégager » alors que personne d’autre ne se présente pour les remplacer de manière acceptable pour le peuple ?… Même les représentants de l’ « Alternative démocratique » se voient interdire leurs réunions ! N’est-ce pas là un signe de la régression du soulèvement populaire dans le rapport de forces avec les détenteurs du pouvoir ?

Un changement social est le produit d’un rapport de forces entre deux antagonistes sociaux. C’est là une banalité élémentaire. Mais, alors que les détenteurs du pouvoir disposent de leurs institutions et de leurs représentants, le mouvement populaire n’en a pas. Dès lors, en toute logique sociale, peut-on croire que les manifestations seules suffiront à créer un rapport de forces en faveur du peuple, au point d’obtenir ce que le mouvement populaire réclame, et cela depuis désormais six mois ?

Se pose, alors, la question : un soulèvement populaire tellement significatif, si impressionnant, ayant mérité l’admiration des peuples du monde, pourquoi, après six longs mois de manifestations hebdomadaires, n’a-t-il pas produit ce qui, logiquement et impérativement, il doit produire : une organisation et des mandataires authentiquement représentatifs, capables de concrétiser ses aspirations légitimes, publiquement formulées durant les marches hebdomadaires ?

Hypothèses.

Certains estiment que le peuple, malgré son magnifique soulèvement, demeure encore d’un niveau de conscience sociale insuffisant pour passer à la seconde phase de son action, celle de se doter de ses propres institutions représentatives. L’hypothèse mérite discussion, et très urgente. Car ce sont des erreurs : d’une part, celle de mépriser le peuple en le réduisant à une « populace », et, d’autre part, celle de l’idéaliser à outrance.

Quant à ceux qui signalent les mérites, certains et admirables, du mouvement populaire, ne devraient-ils pas, désormais, eux aussi, examiner la seconde phase : le passage à l’institutionnalisation du pouvoir populaire partout sur le territoire national, et dans tous les domaines sociaux d’activité ? N’est-ce pas ainsi que le peuple démontrera, non en paroles mais en actes, l’infondé des craintes (légitimes, quoiqu’on dise) parlant de menaces, internes et externes, sur l’intégrité nationale, l’économie nationale et le « vide » constitutionnel ?

Certains autres estiment que ce qu’ils appellent une « phase transitoire » permettrait de doter le peuple des institutions qui le représenteraient effectivement. Cependant, les détenteurs du pouvoir s’y opposent, et préconisent leur propre programme d’élections présidentielles.

Enfin, d’autres encore misent sur une pression du mouvement populaire telle qu’elle mettrait en crise la cohésion du commandement militaire, avec l’hypothèse de voir des éléments nettement favorables aux revendications populaires prendre le commandement (3). N’est-ce pas là le sous-entendu du slogan « chaab djaich khawa khawa » (peuple, armée : frères frères), tout en critiquant les décisions du chef d’État-major jugées anti-populaires ?

Ne pas oublier, également, des déclarations émanant de membres du soulèvement populaire menaçant de recourir à des formes de désobéissance civile, sous forme de grèves nationales ou de refus de paiement des impôts. C’est là un recours certes pacifique et constituant un moyen significatif de pression populaire sur les détenteurs du pouvoir, mais, cette tactique de lutte, en élevant très haut le niveau d’intensité de la revendication populaire, est susceptible de provoquer des risques graves dans la confrontation entre les antagonistes : mouvement populaire et pouvoir étatique. Ce qui semble certain c’est que chacun des protagonistes fera tout son possible pour éviter la violence, car elle ne sert aucun des deux, mais seulement les ennemis externes et internes du peuple et de la patrie algériens, lesquels ennemis agissent certainement : n’oublions jamais la théorie du « chaos créatif » de Condoleeza Rice, qui a conduit au démantèlement de l’Irak et de la Libye ainsi que de la situation précaire au Liban (4).

Rapport de forces.

Précisons, cependant, qu’il ne suffit pas que le peuple se donne une institution représentative autonome. Il faut encore que celle-ci soit en mesure de peser positivement sur le rapport de force avec l’institution détentrice du pouvoir étatique.

Peut-être que les inspirateurs et organisateurs des manifestations hebdomadaires jugent le mouvement populaire encore incapable de disposer de ce genre d’organisationn autonome, par insuffisance de conscience sociale. N’oublions pas les expériences historiques, étrangères (soviets en Russie, collectividad en Espagne, autogestion yougoslave) et l’expérience autogestionnaire algérienne. Dans tous ces cas, le peuple s’est doté d’institutions autonomes mais, hélas !, elles ne furent pas capables de s’affirmer positivement face aux détenteurs du pouvoir étatique : ces derniers finirent par les éliminer, de manière bureaucratique sinon armée.

Alors, le mouvement populaire algérien croit-il que ses manifestations hebdomadaires suffiraient à changer de système social ?… Mais où donc cela s’est-il produit dans le monde, sans disposer d’une organisation représentative déterminante dans le rapport de force contre ses adversaires ? Et peut-on croire que le soulèvement algérien serait l’exception miraculeuse ?… Oublie-t-on que toute société humaine fonctionne selon certaines lois (règles) ? Que l’une d’entre elle est la nécessité stratégique d’une organisation en mesure de concrétiser l’action revendicative citoyenne, et cela quelque soit la classe sociale contestataire ?… Par exemple, durant la Révolution française, la révolution russe, la guerre de libération nationale algérienne, successivement le peuple laborieux fut vaincu respectivement par la bourgeoise jacobine, par la caste bolchevique (dont le stalinisme n’est que l’aggravation ultime), par la caste militaire boumédiéniste (dont le bouteflikisme n’est que le stade ultime de régression) parce que ces castes nouvelles disposaient de leur propre organisation représentative (non seulement bureaucratique mais armée), tandis que le peuple en était démuni ou insuffisamment doté. Par ailleurs, les « collectividad » espagnols, elles, bien que disposant d’une organisation politico-militaire respectable, n’eurent toutefois pas la force de vaincre : elles eurent contre elles non seulement l’armée fasciste du général Franco (comprenant des bataillons marocains), soutenue par l’aviation nazie et des bataillons fascistes italiens, mais, également, les forces staliniennes espagnoles et russes (5).

En Algérie, comme ailleurs et toujours, un soulèvement populaire n’est jamais la cause productrice de chaos social, mais, exactement le contraire, ce soulèvement surgit pour mettre fin à un chaos social produit par l’oligarchie au pouvoir (6). C’est uniquement les idéologues d’une oligarchie qui prétendent le contraire, contre toute évidence ; autrement dit, ce sont les fauteurs de désordre social qui accusent ceux qui veulent y mettre fin, par l’instauration d’un authentique ordre social, d’en être les coupables. En effet, un authentique ordre social se caractérise par l’équité, tandis que le prétendu « ordre » social oligarchique est en fait un réel désordre social, parce qu’il est de nature inique, et donc produisant des conflits entre oppresseurs-exploiteurs et opprimés-exploités. En se révoltant, ces derniers veulent légitimement s’affranchir de leur condition servile. Les livres de morale sociale de toute époque et de toute nation le déclarent : quand domine l’injustice, le droit à la révolte est un devoir pour y mettre fin au bénéfice de ce que la collectivité considère comme étant la justice, à savoir une consensuelle distribution des droits et des devoirs citoyens.

En tout les cas, si le soulèvement populaire algérien ne réussit pas à mettre en pratique ses revendications légitimes, il apprendra par son échec qu’il devait se doter d’une organisation autonome représentative, et pas seulement, mais qu’elle devait disposer du plus de poids sur le rapport de force social. Est-ce là une considératioin erronée ?

_____

(1) Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/04/auto-organisation-ou-l-echec.html

(2) Voir respectivement http://kadour-naimi.over-blog.com/search/13%C3%A8me%20vendredi%20de%20manifestation/ et http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/08/que-vive-la-democratie-directe.html

(3) Dans une récente tribune, Mouloud Hamrouche, ex-premier ministre, attira l’attention sur le risque de scission au sein de l’armée. Avant lui on a évoqué la révolution des « œillets » portugaise de 1974. Ce qui est certain c’est que le peuple algérien est très conscient de sa nécessité de faire « khawa khawa » avec ce qu’il considère son armée, car il sait que les éléments de cette institution sont dans leur très grande majorité des enfants du peuple et de la patrie, donc soucieux de leur bien-être.

(4) Voir « 10.10. Théorie du « chaos créatif », p. 565, de l’ouvrage « LA GUERRE, POURQUOI ? LA PAIX, COMMENT ?... », librement disponible ici : https://www.editionselectronslibres-edizionielettroniliberi-maddah.com/ell-francais-sociologie-oeuvres-guerre-paix.html

(5) Voir http://kadour-naimi.over-blog.com/2018/01/le-premier-exemple-de-comment-une-revolution-devrait-etre-faite.html

(6) La théorie du « chaos créatif » de Condolezza Rice en est la preuve publiquement avouée.

 

Publié le 11 septembre 2019 sur Algérie Patriotique, Le Matin d'Algérie, La Tribune Diplomatique Internationale. - Voir les commentaires de lecteurs dans les publications, notamment sur Algérie Patriotique.

Voir les commentaires

Rédigé par Kadour Naimi

Publié dans #AUTOGESTION, #EDUCATION-CULTURE

Repost0